Armes, scellés, uniformes… Situé au troisième étage de l’hôtel de police du Ve arrondissement, le lieu, parfois surnommé "le musée du crime", raconte plus largement l’histoire de la police jusqu'à nos jours.
On n’entre pas forcément dans le commissariat du Ve arrondissement pour porter plainte ou dans le cadre d’une garde à vue. Le bâtiment, situé rue de la Montagne Sainte-Geneviève, accueille également les visiteurs du musée de la préfecture de police (PP), accessible sur rendez-vous. Uniformes, affiches, photographies, archives… Environ 2000 pièces y sont exposées (l’inventaire est en cours).
Né en 1909, le musée a été créé par le préfet Louis Lépine. "Son but était vraiment de se rapprocher de la population, en transmettant l'histoire et le patrimoine de la police", explique Anaïs Eveno, responsable du musée. La collection - d’abord exposée sous au 36, quai des Orfèvres (Ier arrondissement) avant de déménager vers sa localisation actuelle en 1975 - est d’abord issue de pièces présentées lors de l'exposition universelle de 1900. On y trouve également des pièces à conviction récoltées par des commissaires.
L’une des donations les plus emblématiques est celle de Gustave Macé (1835-1904), chef de la sûreté à la PP. En vitrine, on trouve ainsi une impressionnante collection de poings américains et d’armes utilisées dans des affaires criminelles. "Après une discussion avec un juge, Gustave Macé a voulu réagir en apprenant que les pièces à conviction étaient revendues, une fois les affaires bouclées, raconte Anne-France Seraglini, guide-conférencière au musée. Il a donc commencé à en rassembler le plus possible, pour sauvegarder ce qui ne saurait repartir dans le commerce."
On peut par exemple observer un rouleau à pâtisserie, dont le bois est éraflé. "Ce rouleau a tout de même été utilisé pour défoncer un crâne, note Anne-France Seraglini. Autant dire qu’il doit rester des traces de sang et des morceaux de chair… Revendu, il se serait retrouvé dans les mains d’une personne qui l'aurait acheté sans être au courant. Vous imaginez pour faire des tartes aux fraises ?"
Entre Landru et le "Docteur Petiot", l'histoire des affaires criminelles célèbres
Le musée raconte aussi plusieurs affaires criminelles célèbres, comme le procès d'Henri Désiré Landru. Surnommé le "Barbe-Bleue de Gambais", le tueur en série a été condamné à mort en 1921 pour le meurtre de 11 victimes. "C’était un bon père de famille en apparence, marié, quatre enfants, rappelle Anne-France Seraglini. Après avoir notamment fait des escroqueries à la loterie via les petites annonces dans les journaux, il s’est lancé dans des arnaques au mariage après la Première Guerre mondiale, en visant des veuves dont les maris étaient partis au combat. C’était un homme assez fascinant, assez envoûtant et charismatique." En vitrine, on trouve entre autres le scellé d’un fer à friser ayant appartenu à l’une de ses victimes.
Les assassinats commis par Marcel Petiot sont également évoqués. Reconnu coupable du meurtre de 27 personnes (il revendiquait 63 victimes), dont les restes ont été retrouvés à son domicile parisien, le "Docteur Petiot" - aussi surnommé le "Docteur Satan" - a été guillotiné en 1946. Après avoir acquis un hôtel particulier situé rue Le Sueur, le tueur en série a créé un faux réseau de résistance pendant la Seconde Guerre mondiale. "Lors des perquisitions, les policiers ont trouvé des dizaines de corps rongés par la chaux vive, retrace la guide-conférencière du musée. Il tuait ses victimes en promettant de les faire passer en Argentine. Il leur expliquait qu’un vaccin était nécessaire. Un prétexte. Il leur administrait une dose de poison, et il observait leur agonie via un œilleton."
Le judas utilisé par le tueur pour regarder ses victimes dépérir est d’ailleurs exposé. Sont également présentées ses plaques de médecin, une copie d’une publicité où il vante les nombreuses pathologies qu’il était censé soigner, mais aussi la corde et la poulie qui lui servaient à descendre les cadavres vers une fosse. On trouve également le thermostat qu’il utilisait pour contrôler la température de la chaudière où il faisait disparaître les corps.
"On nous appelle encore souvent le musée du crime, mais c’est une image qu'on veut un peu rééquilibrer"
Mais le musée est loin de se limiter à ces pièces insolites. Le parcours propose entre autres un espace dédié à la police scientifique, autour notamment des techniques d’identification et d’Alphonse Bertillon : l’inventeur de l’anthropométrie judiciaire.
Création de la PP sous Napoléon Bonaparte en 1800, Vidocq et police d'infiltration, châtiments corporels, guillotine et prison… La collection raconte en fait l’histoire de la police parisienne depuis l’Ancien Régime. "On nous appelle encore souvent le musée du crime, mais c’est une image qu'on veut un peu rééquilibrer, souligne Anaïs Eveno. La collection est beaucoup plus générale, et montre ce que fait la préfecture de police au quotidien. L’idée est de confronter l'histoire et l'actualité, et de présenter les missions variées de la PP, qui concernent le maintien de l’ordre mais aussi la circulation, la salubrité, les mœurs ou encore les stups."
Le musée abrite d’ailleurs en son centre un espace pour des expositions temporaires avec, jusqu’au 30 novembre, des pièces centrées sur Louis Lépine et Célestin Hennion. En poste à l’époque du terrorisme anarchiste, des bandes d'Apaches, des "ravageurs" visant les péniches, ou encore des premiers braquages motorisés avec la "Bande à Bonnot", les deux préfets, "fondateurs de la police moderne" à la fin du XIXe et au début du XXe siècles, sont à l’origine de nombreuses évolutions : brigade fluviale, brigade cycliste, brigade de lutte contre les incendies, brigade cynophile, formation continue
En temps normal, le musée accueille en moyenne 15 000 visiteurs par an. Si rien de concret n’est lancé à ce jour, l’exposition pourrait peut-être un jour déménager pour retourner sur l'île de la Cité au 36, quai des Orfèvres. L’occasion, potentiellement, de gagner en visibilité, alors que les vitrines se limitent aujourd’hui à une surface de 300 m2.