Quand la petite lumière apparait, tout s'éclaire avec l'auteur de BD Gregory Panaccione

La bande dessinée raconte l’histoire d’un vieil homme habitant seul au milieu de la forêt. Chaque soir sur la colline en face de chez lui, il aperçoit une lueur. C'est l’occasion de redécouvrir un roman captivant d’Antonio Moresco, La petite Lumière. Son adaptation graphique de Grégory Panaccione vient de paraître aux éditions Delcourt. Une BD qui brille fort.

Connaissez-vous Gregory Panaccione, le plus singulier des auteurs de BD, un franco-italien multi-primé ? Il nous a déjà transporté sur Un océan d'amour (Prix de la BD Fnac 2015) avant de nous faire rencontrer Quelqu'un à qui parler (Prix Landernau BD 2021). Et maintenant il nous éclaire avec La petite Lumière...l'adapation graphique d'un roman que lui a conseillé de lire le romancier Daniel Pennac.

La Lucina, une petite lumière dans la nuit

Il est des récits qui captivent dès leur ouverture. Leur charme opère ensuite sans relâche, au fil des pages tournées, jusqu’aux ultimes mots du dénouement - qui laisse alors le lecteur sans voix. Le court roman d’Antonio Moresco, La Lucina, paru en Italie en 2013 aux éditions Mondadori, est de ceux-là. Il a d’abord envoûté son traducteur français, Laurent Lombard, qui l’a proposé à la maison d’édition Verdier, sous le titre La petite Lumière, en 2014. Il a ensuite captivé les libraires qui l’ont mis en avant sur leurs tables de présentation, et lui ont permis d’obtenir deux reconnaissances : le Prix des lecteurs de la Librairie Nouvelle, l’année de sa traduction en français, puis l’année suivante le Prix des Rencontres à lire de Dax. Et, de mains en mains, il est parvenu entre celles de Daniel Pennac : l’écrivain parisien le fait découvrir au dessinateur Grégory Panaccione ; ce dernier nous offre aujourd’hui une adaptation graphique vibrante d’émotions.

Une Odyssée empreinte de mystères

«  Sono venuto qui per sparire, in questo borgo abbandonato e deserto di cui sono l’unico abitante ». Telle est la première phrase mystérieuse du roman d’Antonio Moresco. « Je suis venu ici pour disparaître, dans ce hameau abandonné et désert dont je suis le seul habitant. » Le personnage principal prend la parole au moment où il affirme avoir atteint la destination du voyage qu’il a entrepris. Un périple dont nous ne connaîtrons pas les étapes antérieures, et encore moins les raisons. Le cheminement importe peu. Ces premiers mots laissent à entendre une lassitude existentielle profonde. Un désir de ne plus se mêler aux bruissements du monde humain. Une mise à l’écart assumée et affirmée pour renouer avec le monde de la Nature. Avant peut-être d’entreprendre l’ultime voyage qu’il est donné à l’être humain d’accomplir : celui vers la mort.

Mais cet Ulysse des temps modernes découvre tous les soirs sur son chemin de contemplations, à la nuit tombante, assis devant la porte de la maison qu’il a investie, une petite lumière intrigante. Une « lucina » qui va le remettre en mouvement. Commence alors une enquête pour comprendre quelle est l’origine géographique de cette lumière. Une enquête qui mène à la rencontre inattendue avec un petit garçon, « un enfant en culottes courtes, au crâne rasé », qui vit lui aussi en solitaire, dans une maison abandonnée, et accomplit avec force détermination toutes les activités quotidiennes des tâches domestiques. Comme si la répétition qui est au cœur de ces tâches ménagères lui permettait de se raccrocher à la vie. Une vie d’écolier bien malheureux aussi.

Qui est cet enfant énigmatique ? Là encore, le récit d’Antonio Moresco ne donne pas de réponse explicite. Il laisse soin au lecteur de se perdre dans le dédale du labyrinthe romanesque qui se construit peu à peu sous ses yeux. L’enchantement opère lorsque l’intrigue bascule vers le surnaturel. En effet, dans ce récit à la première personne, les frontières avec la réalité s’affirment comme de plus en plus poreuses, à mesure que le portrait du petit garçon s’épaissit. L’expérience vécue par le narrateur se métamorphose dès lors en fable sur la place de l’enfance dans la vie, l’esprit et les souvenirs de l’adulte.

Une adaptation graphique lumineuse

Comment transformer un livre en bande dessinée sans le dénaturer ? Une question que se pose tout auteur de BD dès lors que son projet d’album prend appui sur une œuvre littéraire qui le précède. Grégory Panaccione ne cache pas les difficultés de l’entreprise : il les reconnaît à demi-mot en qualifiant son adaptation de « délicate », dans les remerciements qui ouvrent l’album La petite Lumière publiée aux éditions Delcourt. La tâche ne fut sans doute pas aisée, mais le résultat est remarquable.

Pour donner corps à la voix du narrateur imaginé par Antonio Moresco, Grégory Panaccione s’inspire de la silhouette même de cet écrivain italien. Un choix qui s’appuie certainement sur les confidences que Moresco a faites quant aux sources d’inspiration très personnelles de son roman La Lucina ainsi que sur le fait que Moresco a accepté de jouer ce rôle dans une précédente adaptation, cinématographique.

Dans l’album de Panaccione, les gros plans sur le visage du personnage principal, marqué par le temps, sont privilégiés. Ils viennent compléter les quelques phrases extraites du roman de Moresco, celles qui traduisent la quintessence des états d’âme de ce personnage. Des gros plans qui mettent en lumière ses regards terriblement expressifs. Et qui font écho aux grands yeux du petit garçon, silhouette frêle, comme sortie d’un roman de Dickens, mais au combien agile, mobile, et en mouvement permanent. Et d’une fragilité attachante.

Grégory Panaccione a su capter les liens qui se construisent peu à peu entre ces deux personnages. Aux questions précises de l’adulte, des réponses très courtes, remplies d’évidences de la part de l’enfant. Des dialogues qui ne dénouent en rien le mystère de son existence, de sa présence solitaire au milieu des montagnes, mais qui viennent prendre toute leur place entre les monologues intérieurs du narrateur, dans sa quête du sens du monde qui l’entoure.

Toutefois c’est le silence qui est roi dans les pages de cette adaptation graphique : il accompagne le personnage principal dans ses promenades, nocturnes et diurnes, dans la forêt environnante. Les dessins de Panaccione parviennent à rendre compte de l’importance que ce décor naturel prend peu à peu dans la vie du personnage avec beaucoup de justesse et de délicatesse. Ils participent pleinement de la force de cette adaptation graphique, car sa particularité c’est que ce dessinateur utilise l'écriture automatique, sans crayonnés préparatoires, pour garder le maximum d'expressivité et de naïveté dans son récit.

Le dessinateur Grégory Panaccione, entre France et Italie

Né à Antony dans les Hauts-de-Seine, Grégory Panaccione est un enfant de Paname qui a choisi de retourner vivre en Italie, à Milan en 2000. Cet artiste dans l’âme fait ses premières gammes à l’Ecole Estienne puis aux Beaux-Arts.  Il a par la suite écrit des story-board pour plusieurs séries animées, comme Corto Maltese d’après Hugo Pratt. Les hasards de la vie le conduisent vers l’animation et surtout vers la bande dessinée. Le succès arrive en 2014 avec l’album Un Océan d’amourimaginé en collaboration avec Wilfrid Lupano pour le scénario. Panaccione illustre ensuite la série des Chronosquad, bien connue des adolescents, sur un scénario de son compatriote Giorgio Albertini. Parmi ses dernières créations, il se lance dans le scénario, avec l’adaptation du roman pour la jeunesse Cabot-Caboche de Daniel Pennac en 2021, l’histoire d’un chiot qui ne ressemble à rien, une sorte de croisement entre Rantanplan et Jean-Paul Sartre. Et la même année, dans une seconde adaptation, plusieurs fois primée : Quelqu’un à qui parler, d’après un roman de Cyril Massarotto. Notre coup de coeur en 2021.

avec Loretta Giacchetto

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