Ils fleurissent désormais chaque fois qu'un groupe d'immeubles va faire l'objet de longs travaux. On les appelle les tiers-lieux : des bâtiments laissés vides par leurs propriétaires loués pour un bail de courte durée et qui renaissent en attendant leur réhabilitation.
Ce sont des locaux vides qui vont renaître, loués provisoirement, en attendant le début du chantier. Car le temps des démarches administratives est souvent long, prenant plusieurs années. Alors pourquoi ne pas exploiter ces lieux en attendant les pelleteuses ?
Pour les propriétaires, c'est gagnant : un bâtiment entretenu, vivant, avec une forte image de marque qui va émerger dans le quartier. Le tout en évitant les sociétés de gardiennage coûteuses. Pour les artistes, artisans, designers, et associations diverses, c'est une véritable opportunité de lancer et de développer leurs activités.
À environ 10 euros le mètre carré, les jeunes pousses ont de l'espace. Elles peuvent recevoir leurs clients ailleurs que dans leur modeste studio. En mutualisant des espaces et des compétences, en encourageant le mélange des activités, un collectif citoyen engagé se crée pour répondre aux enjeux de son territoire.
Tiers-lieux, d'où vient ce terme ? Originaire des États-Unis, il provient de l'anglais "third place". Défini par le sociologue Ray Oldenburg comme un lieu où les gens aiment sortir et se regrouper de manière informelle, situé hors du domicile (first-place) et de l'entreprise (second-place).
Épisode 1 : les Arches citoyennes
Le petit nouveau au cœur de Paris, ce sont les Arches Citoyennes. Pour la première fois en 170 ans d'existence, les Hôpitaux de Paris ont déménagé pour s'installer, il y a un an, à l'hôpital Saint-Antoine. L’APHP a quitté son siège social historique de l'avenue Victoria. Un projet immobilier de grande ampleur sur plusieurs blocs de bâtiments en bordure de Seine. Plateaux Urbains, spécialiste des tiers-lieux, a investi les lieux il y a quelques mois. Leur rôle ? Adapter l'espace, aménager des bureaux, organiser la vie commune et choisir ces artistes, tous différents et complémentaires. La vie associative y est forte : des événements réguliers animent le quartier. Tout est fait pour faciliter les échanges entre des acteurs qui ne se seraient jamais rencontrés. Une dynamique portée souvent par des jeunes, ceux qui inventent les pratiques de demain.
Épisode 2 : les Grands Voisins
Une expérience a marqué le monde des tiers-lieux. Celle de l'Hôpital Saint-Vincent de Paul, quartier Denfert-Rochereau à Paris, pendant presque cinq ans. Son nom : "Les Grands Voisins". En 2015, le ton était donné avec l'ambition de partager des valeurs d'hospitalité et de générosité. Ce lieu d'échanges et de sociabilité a permis la rencontre de publics différents en assumant des actions de solidarité au quotidien. Entre 2015 et 2000, l'association Plateau Urbain et l'équipe de Yes We Camp ont appuyé l'association d'aide aux plus démunis, Aurore. Ils ont assuré la coordination de l'occupation des lieux. Les Grands Voisins sont rapidement devenus un laboratoire urbain inédit avec la mixité d'occupation entre l'hébergement de personnes fragiles et l'occupation des locaux restants par des porteurs de projets associatifs, culturels et solidaires. Retour sur expérience alors que démarre dans quelques semaines le nouveau chantier.
Épisode 3 : Plateau urbain
Comment trouver ces lieux, convaincre les propriétaires de les confier un temps, comment les aménager, étudier leur rentabilité et les transformer en espace de coworking, friche culturelle, tout en faisant vivre des pratiques vertueuses ? C'est le rôle de structures comme Yes We Camp ou Plateau Urbain. Ce dernier est une coopérative d'urbanisme temporaire et transitoire. Elle propose des espaces de travail abordables, dans des lieux vivants et créatifs, en banlieue, à Paris ou dans les grandes métropoles. Régulièrement, elle lance des appels à candidatures pour investir des structures. Les projets sont toujours fondés sur les valeurs de partage. Ils peuvent être thématiques.
À Censier, sur les locaux de l'université en attendant la restructuration, un tiers-lieu ouvert sur le voisinage s'est installé alors que des étudiants étudient toujours. Tout est-il faisable ? Quelles sont les contraintes financières ? Comment organiser l'animation du site ? Quelles doivent être les ressources humaines ? Les propriétaires des lieux, encore en réflexion sur l'avenir et l'utilisation de leur projet, demandent souvent aux organisateurs de tiers-lieux un retour d'expérience, un compte rendu des usages. Comment les occupants se placent, quelles sont leurs habitudes. Ce qui a été un succès ou ce qui l'a été moins.
Épisode 4 : C'est le contrat ! Un jour il faut partir
Toute belle histoire a une fin. L'aventure, tout le monde le sait, est éphémère. C'est le contrat ! Alors un jour il faut partir. Certains arrivent à rebondir. D'autres essaient de retrouver un autre tiers-lieu. Pour tous, l'aventure leur aura apporté des relations professionnelles, des aventures humaines qui font aussi grandir leur expérience professionnelle.
Pour les propriétaires, il reste parfois une empreinte dans le projet final de réhabilitation ou de reconstruction. Une trace des nouveaux modes de vie pendant le tiers-lieu. Les architectes y sont attentifs et, dans certains cas, intègrent ces nouvelles pratiques en créant des espaces communs dans le futur habitat collectif. Au fil des années, cette nouvelle économie séduit et compte près de 800 millions de chiffre d'affaires et près de 25 000 emplois directs.
Certains arrivent à rebondir. D'autres essaient de retrouver un autre tiers-lieu. Mais il reste parfois une empreinte dans le projet final de réhabilitation ou de reconstruction. Une trace de nos nouveaux modes de vie que scrutent les architectes, intégrant des espaces communs dans l'habitat collectif.