Ils travaillent dans la restauration, le BTB, ou la logistique. Des métiers physiques, aux horaires bien souvent à rallonge. Pour les travailleurs en quête de régularisation, le quotidien est difficile. Le projet de loi immigration débattu devant le Sénat à partir de ce lundi les inquiète. Nous avons rencontré deux travailleurs sans-papiers.
Ahmada Siby, originaire du Mali, est arrivé en France en 2018. Depuis son arrivée en France en 2018, le quotidien de ce trentenaire est rythmé par les cadences très soutenues et des conditions de travail très difficiles.
Plongeur, commis de cuisine... Il a occupé déjà plusieurs postes dans le restaurant parisien où il travaille. "J'ai longtemps travaillé à la plonge. C'est une tâche qui demande l'utilisation constante des mains dans des produits qui les abîment", constate l'homme de 32 ans. "On s'abîme aussi le dos car on est constamment debout et on enchaîne les allers-retours avec peu voire pas de pauses."
Il dénonce également l'amplitude horaire qui lui est demandée et la multiplication des tâches. "Du fait que ce soit un secteur en tension, on nous demande de faire plusieurs choses lors du même service sans modification de salaire alors que nos charges et loyers eux augmentent avec l'inflation", décrit Ahmada.
"La boule au ventre"
Pour lui, les difficultés démarrent dès le matin. "Lorsque je pars de chez moi, j'ai toujours une boule au ventre. Je stresse car j'ai l'impression que les patrons nous en demandent plus, car nous sommes sans-papiers." Ahmada appelle cela "l'exploitation moderne." Selon lui, "ils profitent de notre situation. Nous travaillons à des horaires indécents, jusque très tard le soir pour des travaux qui sont épuisants physiquement. Nos heures supplémentaires ne sont pas payées, on nous demande un rythme très soutenu. Il se souvient d'avoir été licencié du jour au lendemain sans motif de la part de son employeur. "C'est très dur à vivre au quotidien", ajoute-t-il.
Ce lundi, Ahmada Siby a tenu à manifester devant le Sénat. Comme beaucoup de travailleurs en situation irrégulière, il dénonce le projet de loi immigration et paradoxalement l'article 3 qui prévoit l'attribution d'un titre de séjour de plein droit pour les travailleurs en situation irrégulière qui travaillent dans des métiers "en tension."
Bien que cet article permette l'obtention du titre de séjour sans avoir besoin de l'accord de l'employeur, cette mesure ne va pas assez loin selon Ahamada Siby. "C'est un bon début, mais il faut faire plus. Le problème, c'est que lorsqu'un employé ne fait plus partie des métiers dits 'en tension' ses droits sont révoqués", explique-t-il, solidaire d'autres travailleurs en quête de régularisation.
Le rejet du projet de loi immigration
Aboubacar Dembélé est lui aussi venu manifester devant la Chambre haute. Il travaille dans la logistique à Alfortville dans le Val-de-Marne. Bien que son secteur d'activité ne soit pas considéré "en tension", il ressent également la pression de ses patrons. "Parfois on nous demande de venir travailler à 2 heures du matin pour préparer des commandes pour un salaire de 600 euros par mois", note le manutentionnaire. Depuis 23 mois, il occupe un piquet de grève avec ses autres collègues en attente de régularisation. "On ne lâchera rien tant qu'on n’arrivera pas à nos fins", affirme-t-il.
Aboubacar Dembele du CSP Vitry et gréviste Chronopost dénonce l'hypocrisie du gouvernement:
— Révolution Permanente (@RevPermanente) November 6, 2023
" Nous rejetons ce projet de loi de précarité et de misère. Depuis 23 mois nous luttons contre une entreprise de l’Etat, la Poste, qui exploite les camarades avec des salaires de 600€" pic.twitter.com/zCsRSYegvJ
Pour Aboubacar Dembélé, les difficultés ne sont pas présentes qu'au travail. Sa situation le pénalise également dans les transports. Il raconte que "les contrôles au faciès sont fréquents". "Tant que je ne serais pas régularisé, j'aurais peur de prendre les transports car je me sens comme une cible."
Ahmada Siby et Aboubacar Dembélé rejettent le projet de loi immigration qui tend à les criminaliser et demandent "des solutions pérennes pour la régularisation."