Lors des émeutes, plusieurs membres du gouvernement ont pointé du doigt la responsabilité des parents. Un discours pas toujours bien vécu dans les quartiers. Notre équipe est allée à la rencontre du collectif des "gilets roses", des mamans médiatrices de Corbeil-Essonnes qui racontent leurs difficultés à encadrer les plus jeunes.
C'est sur un banc devant la mairie qu'elles nous ont donné rendez-vous. Un endroit calme, pour parler. Les "gilets roses" sont des mamans de différents quartiers de Corbeil-Essonnes, une association de bénévoles sans local.
Elles nous livrent leur analyse des événements à travers leur propre situation, celle de mère de famille. Fatoumata Sidibé dresse le portrait type de ces femmes : "elle travaille beaucoup, elle cumule des fois deux boulots voire trois parfois. Elle est tout le temps dehors, elle n'est pas à la maison donc elle ne crée pas de lien, elle ne sort pas avec ses enfants, elle ne l'accompagne pas dans ses études, dans sa scolarité donc elle n'a pas de visibilité sur l'enfant. Elle est fatiguée, elle arrive le soir, elle a le temps de cuisiner, elle va gérer le nettoyage, c'est tout ce qu'elle peut faire. (...) Donc, si la mère elle n'est pas là, c'est la rue qui va éduquer l'enfant".
En dehors de l'école, la loi du plus fort
Dans la rue les enfants rencontrent un autre cadre sur lequel les mamans n'ont, au bout d'un moment, plus de maîtrise. "Les jeunes font partie d'un groupe, si tu veux exister dans un quartier, il faut être avec certaines personnes et ces personnes-là, c'est aux qui dirigent tout. S'ils décident quelque chose, tu vas le faire que tu le veuilles ou pas, tu vas le faire", une autre bénévole renchérit : "même s'ils ne sont pas d'accord, ils sont obligés de suivre les autres".
Délitement du lien familial, absence des parents, difficile, dans ce cas, de réussir sa scolarité. "Pourquoi le niveau scolaire dans les quartiers est si bas ? Pourquoi est-ce qu'il y a autant d'échecs ? Il faut se poser la question. Pour moi, l'Etat n'a pas mis assez les moyens dans les quartiers. Les jeunes, à partir de 16 ans, s'ils ne se débrouillent pas bien, ils se retrouvent dehors, sans situation. Je ne trouve pas ça normal du tout, même s'il est exclu, il faut qu'il soit mis ailleurs." martèle Fatoumata. "Ils se sentent inférieurs par rapport à d'autres qu'ils prennent pour des grosses têtes (...) donc l'école, ça n'est pas fait pour eux, ils abandonnent très tôt." regrette Fatimata Sy.
Des pères cloîtrés, des mères en première ligne
Le soir, ces mamans tentent d'apaiser les esprits, chacune dans leur quartier, en allant parler aux jeunes mais l'action, là encore, a ses limites. "Ceux qui cassent, on ne les voit pas, ce ne sont pas eux qu'on voie. Ce sont les jeunes qui ne font rien, c'est eux qu'on voie dans la rue, on parle avec eux, on les sensibilise, parfois, on reste jusqu'à 1h du matin pour parler avec les jeunes pour qu'ils ne cassent pas. Les papas ne sont pas sortis pour aider, ce sont les mamans seulement qui sortent parler avec les jeunes, seulement les mamans. On les a sollicités mais ils ne sont pas sortis" témoigne Fatoumata Sylla. Quand bien même, les mères des "gilets roses" continueront leurs rondes le temps qu'il faudra.
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