Complexité du protocole sanitaire, cours en distanciel, non remplacement du personnel... Des professeurs de primaire et du secondaire témoignent de leur quotidien et des raisons du mouvement de grève qui s'annonce très suivi.
Dix jours après la rentrée, les enseignants sont sous tension. L’ensemble des syndicats représentatifs ont appelé à la grève dans l’Education nationale jeudi, dénonçant "une pagaille indescriptible" dans les écoles en raison du protocole Covid-19 mis en place et "un sentiment fort d’abandon et de colère parmi les personnels".
La continuité pédagogique en question
Face à l'augmentation des cas de Covid-19 au sein des classes et à aux changements successifs du protocole sanitaire à l'école, les enseignants interrogés déplorent la difficulté de faire cours dans des conditions correctes.
La continuité pédagogique des enseignements devient impossible à mettre en œuvre dans ces conditions.
Gilles, enseignant en CE2 en Seine-Saint-Denis
"C'est extrêmement difficile de mettre en place quelque chose de continu dans le travail car les élèves absents changent de semaines en semaines. Cela dépend des résultats des derniers tests effectués. Dès qu'un cas positif est détecté, on doit tout arrêter notre fonctionnement de classe et appeler les parents", explique Gilles, enseignant en CE2 en Seine-Saint-Denis, membre du Snuipp-FSU, le premier syndicat du primaire.
"C'est une triple sanction", poursuit l'enseignant, d'abord pour les élèves qui ne peuvent pas suivre le cours, ensuite pour les parents qui croyaient avoir une journée tranquille et qui doivent venir chercher leurs enfants en urgence et enfin, pour nous, les enseignants, qui essayons d'avancer dans nos programmes et qui sommes coupés en plein milieu d'une journée".
François Bouyer, professeur agrégé d'histoire-géographie dans un lycée à Vanves dans les Hauts-de-Seine, reconnaît que certains ont des difficultés en ce qui concerne l'acquisition des méthodologies. "En effet, celle-ci passe par l'entraînement", explique-t-il. "Or, il y a une différence entre faire un devoir à la maison et le faire en classe avec une correction derrière. On remarque beaucoup d'inégalités entre les membres d'une même classe. Pour les plus autonomes, le distanciel ne pose pas de problème. Mais pour ceux qui sont en difficulté, le suivi des apprentissages demeure compliqué", observe l'enseignant.
Faire avec les moyens du bord
"Demain je serai gréviste. Dans l’établissement il y aura une majorité d’enseignants grévistes ainsi qu’une grande partie du personnel de la vie scolaire", témoigne Jonathan professeur d'histoire-géo dans un établissement de Pantin (Seine-Saint-Denis). "Dans mon collège, les conditions de travail se dégradent. Derrière tous les annonces officielles on doit, comme d’habitude, se débrouiller avec les moyens du bord", déplore l'enseignant.
Derrière tous les annonces officielles on doit, comme d’habitude, se débrouiller avec les moyens du bord
Jonathan, enseignant au collège à Pantin
Il insiste sur le manque de moyens humains et sur les situations intenables qui ne permettent pas aux élèves d'apprendre dans de bonnes conditions. Par exemple, en ce moment, dit-t-il "depuis deux semaines, c’est une professeur d’anglais de notre établissement qui remplace le principal adjoint". "Le principal adjoint a pris un poste dans un autre collège et alors que ce remplacement est prévu depuis au moins un mois, notre collègue, professeur d'anglais n’est toujours pas remplacée. Ce qui signifie, que depuis 15 jours, quatre ou cinq classes n'ont pas de cours d'anglais", se désespère-t-il.
D'autres enseignants qui ont souhaité rester anonymes, pointent le mépris de leur tutelle soulignant les consignes ministérielles arrivant le soir même pour être appliquées dès le lendemain. Ils réclament un vrai dialogue social. Tous dénoncent la gestion calamiteuse de la crise sanitaire : "garder l'école ouverte pourquoi pas, mais pas à n'importe quel prix !"