"Courses annulées", absence d’information voyageurs et nouvelles numérotations "bricolées", les nouveaux contrats d’exploitation des réseaux de bus de grande couronne continuent de faire grincer des dents, à seulement quelques jours du retour des élèves dans les classes.
"C’est un autre trajet beaucoup plus long mais malheureusement avec le peu de bus qui passent je n’ai pas le choix", témoigne Bénie. Alors qu’elle doit se rendre tous les matins à son travail au même titre que de nombreux Franciliens durant la période estivale, elle doit ajouter près de quarante minutes à son trajet quotidien.
Elle dit dorénavant "éviter" la ligne DM151 depuis la reprise des lignes "DM" de Keolis par l’opérateur Transdev, lauréat de la nouvelle délégation de service public. "J’empruntais la ligne DM151 pour justement éviter tous les changements de RER et de métro", se désole-t-elle, lassée de cette ligne qui lui permettait de rejoindre Paris en seulement une demi-heure via la nationale RN20.
Neuf réseaux de bus ouverts à la concurrence cet été
Ces multiples changements de main s’inscrivent dans un contexte d’ouverture à la concurrence des lignes de bus de grande couronne, divisées en plusieurs lots. Le réseau Cœur d’Essonne fait partie de l’un des neuf nouveaux contrats mis en service le 1er août dernier et remplace plusieurs transporteurs sur ce territoire de 200 000 habitants en Essonne. Sauf que depuis, le réseau est particulièrement impacté par les annulations et les retards importants comme le rapportaient nos confrères du Parisien au début du mois.
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"Ils ne sont pas en mesure d’assurer le service sur plusieurs lignes et ont été contraints de proposer des horaires allégés pour la rentrée"
Marc PélissierPrésident de l'AUT-FNAUT Île-de-France
"Ils ne sont pas en mesure d’assurer le service sur plusieurs lignes et ont été contraints de proposer des horaires allégés pour la rentrée", témoigne Marc Pélissier, président de l’AUT-FNAUT Île-de-France, cette fois-ci pour le réseau de bus du Grand Versailles. Même constat pour ce réseau, repris par Transdev aux mains de Keolis le 1er août dernier. "Il y a eu beaucoup de suppressions."
"La pénurie de conducteurs est ressentie partout, mais elle se ressent particulièrement là où les nouvelles délégations de service public entrent en vigueur, précise Marc Pélissier. S’ils ne sont pas satisfaits par leurs conditions salariales, ils s’en vont."
Une transition "bien maîtrisée", pas exempt de "difficultés"
Pour Île-de-France Mobilités (IDFM), l'autorité organisatrice des transports dirigée par Valérie Pécresse, le changement de contrat est désormais un "processus bien maîtrisé" par les opérateurs "même s’il peut induire quelques difficultés, principalement lorsque certains salariés choisissent in fine de ne pas changer d’employeur".
La ligne DM151 du réseau de bus Cœur d'Essonne, empruntée par Bénie, est l'une des 33 lignes Keolis reprises par Transdev durant l'été. Mais depuis la passation, rien ne va plus : "les bus n'ont même plus de girouettes [l'écran permettant d'indiquer le numéro de ligne ainsi que la direction à l'avant du bus, ndlr], comme pour ceux de RATP Cap IDF à Saclay", confie Hichem Tayeb, un étudiant passionné par les transports en commun.
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"Un grand nombre de courses ont été annulées sur les anciennes lignes Daniel Meyer [filiale de Keolis, ndlr] avec un manque de communication"
Hichem TayebUsager et étudiant
"Un grand nombre de courses ont été annulées sur les anciennes lignes Daniel Meyer [filiale de Keolis, ndlr] avec un manque de communication", ajoute-t-il, avant de conclure : "Seule une affiche A4 à peine lisible indique les suppressions". Île-de-France Mobilités (IDFM) confie rester "vigilante" au respect de la qualité de service proposée par les opérateurs des nouveaux contrats, après leur avoir demandé de "veiller à communiquer une information voyageurs fiable et en temps réel".
S'ajoute à cela une nouvelle numérotation de certaines des lignes reprises, dont la ligne DM151 devenue "M151" au milieu de l'été, sans réelle cohérence, alors que la ligne DM17A devient "DM17". "Le nouveau transporteur ne peut afficher que quatre chiffres et lettres. Ce n'est que du bricolage, soulève Marc Pélissier. Quand les DSP entrent en service, il n’y a normalement pas de nouvelles numérotations de lignes durant la période où il y a suffisamment d’autres problèmes à gérer."
"Les transporteurs vont essayer de boucher les trous en recrutant des conducteurs intérimaires"
Marc PélissierPrésident de l'AUT-FNAUT Île-de-France
Une grande cacophonie dont les voyageurs se seraient bien privés, surtout à l'approche de la rentrée scolaire. "Les transporteurs vont essayer de boucher les trous en recrutant des conducteurs intérimaires, souffle Marc Pélissier. La consigne d'Île-de-France Mobilités [l'autorité organisatrice des transports, ndlr] est de privilégier les lignes scolaires".
"Nous avons observé certaines difficultés au moment du démarrage, principalement dues à des pénuries de conducteurs de bus, mais qui se résorbent progressivement", reconnaît Île-de-France Mobilités (IDFM), qui assure suivre "très étroitement" le démarrage de ces neuf nouveaux contrats de délégation de service public (DSP), "encore plus à l’approche imminente de la rentrée scolaire".
"Nous avons observé certaines difficultés au moment du démarrage (...) mais qui se résorbent progressivement"
Île-de-France Mobilitésauprès de France 3 Paris Île-de-France
Pour la rentrée, l'autorité organisatrice des transports assure qu'un retour "quasi normal" avec une offre "proche de 100%" est prévu par l'opérateur Transdev Cœur d’Essonne, "de même que RATP Cap Île-de-France pour ce qui est du réseau de bus de Paris-Saclay". "Un plan de transport adapté mis en place avec la Région nous a permis de déployer une offre de transport réaliste pour la rentrée scolaire 2023", tente de rassurer l'opérateur Transdev Île-de-France.
"Un plan de transport adapté (...) nous a permis de déployer une offre de transport réaliste pour la rentrée scolaire 2023"
Transdev Île-de-Franceauprès de France 3 Paris Île-de-France
Quant au réseau de bus Roissy Est, repris par Keolis également en août et qui dessert les environs de Mitry-Mory en Seine-et-Marne, la situation serait "également en voie d’amélioration", ajoute IDFM.
"Ces transitions ne tombent pas très bien"
Or, pour la l'AUT-FNAUT Île-de-France, la mise en service des nouvelles délégations de service public n'intervient pas au moment le plus opportun. "Avec la pénurie de chauffeurs, nous ne sommes pas au bout des difficultés. Il ne faut pas que ces transitions, qui ne tombent pas très bien, en ajoutent davantage. Un mois avant la rentrée, ce n'est pas suffisant", prévient Marc Pélissier.
Il souligne que les difficultés interviennent notamment lors d'un changement d'opérateur. "Lorsque cela passe de Transdev, à Transdev, tout va bien." L'opérateur privé Transdev, filiale de la Caisse des dépôts, se félicite quant à lui de la "réussite" du lancement de ses cinq nouveaux contrats. Un succès qu'il justifie après l'embauche de plus de 800 conducteurs entre janvier et août 2023 en Île-de-France.
"Il ne faut pas que ces transitions, qui ne tombent pas très bien, ajoutent davantage de difficultés. Un mois avant la rentrée, ce n'est pas suffisant"
Marc PélissierPrésident de l'AUT-FNAUT Île-de-France
Le représentant des usagers s'inquiète de la pérennité d'une offre "dégradée", au risque d'une diminution de l'intérêt pour le bus. "Ce n’est pas vrai sur tous les réseaux, mais on est globalement inquiets dans la situation des réseaux de bus d'Île-de-France, soumis à beaucoup de changements et à beaucoup de contraintes", conclut-il.
Ces changements sont mis en place "pour faciliter à la fois le transport et le confort des usagers", indique Île-de-France Mobilités (IDFM), qui assure avoir conscience que cela nécessite des "changements d’habitudes".