Bagui Traoré était jugé pour son rôle présumé dans les émeutes urbaines qui avaient suivi la mort de son frère Adama suite à son interpellation par les forces de l'ordre en 2016.
La cour d'assises du Val-d'Oise a rendu vendredi soir son verdict dans l'affaire des violentes émeutes à Persan et Beaumont-sur-Oise ayant suivi la mort d'Adama Traoré en 2016 – à la suite de son interpellation par les forces de l’ordre. Cinq personnes étaient ainsi jugées depuis le 21 juin dernier pour avoir tiré sur les forces de l'ordre lors de ces émeutes, dont le propre frère du défunt : Bagui, 29 ans, détenu depuis quatre ans et demi et qui a toujours clamé son innocence.
Deux d'entre elles ont été condamnées à douze ans de prison – reconnues coupables d'avoir été les auteurs de tirs contre les gendarmes lors des échauffourées. Les trois autres, dont Bagui Traoré, ont été acquittées. Mardi 6 juillet, l’avocat général avait requis l’acquittement de du frère d'Adama Traoré dans cette affaire. "Je ne suis pas là pour faire des hypothèses, je n'ai pas de preuves. Et quand on n'a pas de preuves, on en tire les conséquences", avait-il affirmé.
Un dossier "hors normes"
"La justice ne peut pas se passer de preuves, or c'est ce qu'il s'est passé dans le cas de Bagui Traoré", a déclaré le président de la cour, Marc Trévidic, en lisant la motivation du verdict, prononcé après une trentaine d'heures de délibération dans ce dossier "hors normes" aux 13 000 pièces cotées et quelque 90 parties civiles.
L'ancien juge antiterroriste a eu des mots particulièrement durs pour l'enquête de police qui a désigné Bagui Traoré comme tireur ou donneur d'ordres lors des émeutes et a abouti, au terme de cinq ans de procédure, à son renvoi devant les assises. "Personne, ni dans la procédure ni à l'audience, n'a indiqué l'avoir vu tirer sur des forces de l'ordre ou même s'être tenu à proximité d'un tireur. De même, personne ne l'a entendu donner des consignes ou avoir fourni une arme à feu", a-t-il détaillé, estimant que "l'enquête en était restée aux simples hypothèses et un débat sur de simples hypothèses a certainement sa place dans un bureau d'enquêteurs mais pas devant une cour d'assises".
"Le chemin n’est pas encore fini"
À l'annonce de l'acquittement de Bagui Traoré, des applaudissements et vivats de dizaines de ses soutiens ont éclaté dans une des grandes tentes de retransmission, installées dans le hall du tribunal. Une partie des dizaines de gendarmes parties civiles étaient venus en uniforme, dans la salle, assister au prononcé du verdict. Émue aux larmes, sa soeur Assa Traoré, devenue depuis 2016 une militante iconique de la lutte contre les violences policières, a estimé à la sortie du tribunal que "le chemin n'est pas fini", en référence à l'instruction toujours en cours à Paris sur les circonstances de la mort d'Adama.
Au cours du procès, de nombreux gendarmes et policiers ont défilé à la barre pour raconter le chaos et la tension extrême de ces nuits d'émeutes où leur hiérarchie a refusé l'utilisation d'armes létales pour riposter aux tirs, en dépit du danger. Dans ses plaidoiries mercredi, la défense de Bagui Traoré a pour sa part fustigé un "naufrage" de l'institution judiciaire et accusé les enquêteurs de l'avoir ciblé pour "faire diversion" à la mort de son frère Adama. Un drame dont l'ombre a hanté tout le procès. L'affaire Adama "a pollué le débat", a regretté après le verdict Laurent-Franck Liénard, l'un des avocats des gendarmes parties civiles, jugeant qu'il avait été difficile de dissocier ce dossier emblématique de celui des tirs sur les forces de l'ordre. "Mes clients sont des gens normaux qui ont failli mourir ce jour-là, failli prendre une balle pour rien. La famille Traoré, ils ne la connaissent pas", a-t-il poursuivi.