REPORTAGE. "Avec l'inflation c'est pas toujours facile..." Immersion dans la précarité étudiante

Sauter des repas et vivre en dessous du seuil de pauvreté concerne aussi le monde étudiant. En plein Paris, les files d'attente des distributions alimentaires ne désemplissent pas. Selon une enquête de l'association Linkee auprès de ses bénéficiaires, près de 77 % des étudiants interrogés vivent avec un peu plus de 3 euros par jour. Cet article a initialement été publié en octobre 2023.

"Il est 19h40, nous sommes en pleine distribution et on attend près de 600 étudiants", prévient Eloi Perignon à l'entrée du local de l'association Linkee, dans le 20e arrondissement de Paris. Cela fait dorénavant trois ans que cette association organise tous les jours en France, et chaque jeudi rue des Haies dans Paris, des distributions alimentaires à partir d'invendus ou de surplus des supermarchés.

"Nous nous sommes rendus compte que beaucoup d'étudiants s'y rendaient et en avaient besoin"

Julien Meimon

Fondateur de l'association Linkee

"Pendant le confinement, nous avions été très actifs pour récupérer les invendus alimentaires et les redistribuer aux gens qui en avaient besoin. Nous nous sommes alors rendus compte que beaucoup d'étudiants s'y rendaient et en avaient besoin", résume Julien Meimon, le fondateur de cette initiative lancée "par et pour les étudiants".

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Quatre fois plus de repas distribués cet été

Or, n'importe quel étudiant peut s'inscrire à l'une des distributions de l'association. "Il n'y a pas de conditions de revenus, nous sommes ouverts à tous les étudiants", précise Éloi Perignon. Navets, salades, poireaux... mais évidemment des fruits, des produits secs ou des pâtes, tout est récupéré pour être distribué aux étudiants franciliens.

"J'ai eu de tout, des fruits, des légumes et même des sandwichs. Parfois, ils nous donnent aussi des produits d'hygiène. (...) C'est varié"

Une étudiante

auprès de France 3 Paris Île-de-France

"J'ai eu de tout, des fruits, des légumes et même des sandwichs. Parfois, ils nous donnent aussi des produits d'hygiène. (...) C'est varié", se réjouit une jeune bénéficiaire. "Des aliments simples et naturels, pour qu'on mange bien. C'est le plus important", ajoute son amie également venue à la distribution. "Je n'ai presque plus besoin de faire des courses. Je ne pense pas que j'aurais pu faire autrement."

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Depuis janvier dernier, l'association Linkee a déjà distribué plus d'un million et demi de denrées alimentaires aux étudiants, contre près d'un million sur l'ensemble de l'année 2022 selon son étude "Précarités étudiantes : deux après, rien n’a changé".

"C'est convivial et familial"

"Ça va la musique, ce n'est pas trop fort ?", demande Éloi. Les cabas se remplissent au rythme de la musique. À la dernière étape de la chaîne, des viennoiseries trônent sur une table à laquelle deux bénévoles s'affèrent pour leur distribution. "C'est convivial et familial", ajoute Cyrine, étudiante en 2ème année de licence et bénévole de l'association.

"Ce n'est pas tous les jours facile pour les étudiants. Il est parfois vrai qu'ils se cachent et qu'ils ont honte de ça, alors qu'il ne faut pas"

Cyrine

bénévole et étudiante en L2

Dehors, Cyrine donne le "petit bonus" de ce soir : du chocolat et un agenda pour la rentrée. "Avec l'inflation et les prix qui augmentent, ce n'est pas tous les jours facile pour les étudiants. Il est parfois vrai qu'ils se cachent et qu'ils ont honte de ça, alors qu'il ne faut pas", clame Cyrine. "Je suis moi-même à l'université et cela se ressent que les étudiants sont en galère."

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"Malheureusement, nous sommes encore là trois ans après. Non seulement, nous devons être là en ce moment car il y a du monde, mais il y en a encore plus. Nous avons le double de ce qu'il y avait l'année dernière", s'alarme Julien Meimon, qui a lancé les premières distributions "massives" aux étudiants en octobre 2020. Avant de conclure, "nous sommes assez inquiets pour cette rentrée. Il y a une précarité étudiante qui ne fait qu'augmenter".

"Malheureusement, nous sommes encore là trois ans après. (...) Il y a une précarité étudiante qui ne fait qu'augmenter"

Julien Meimon

Fondateur de l'association Linkee

Cet été, Linkee affirme avoir distribué "près de 4 fois plus de repas" cet été par rapport à l'été dernier. "Depuis la rentrée, nous faisons le même constat sur chacune de nos distributions : les files d'attente sont de plus en plus longues", indique l'association.

La Ville de Paris a également débloqué près de 345 000 euros aux associations d'aide alimentaire destinée aux étudiants, telles que Linkee ou Cop1, lors d'un vote au Conseil de Paris le 3 octobre dernier.

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