Le département de Seine-Saint-Denis souhaite rejoindre l'académie de Paris. Pour Emmanuel Constant, vice-président du département en charge de l'éducation, cela permettrait à la Seine-Saint-Denis de lutter contre le manque de mixité sociale au sein des établissements.
Intégrer le département de Seine-Saint-Denis à l'académie de Paris. C'est la demande qu'a faite le président du département Stéphane Troussel à l'Education Nationale. Une manière, selon l'élu socialiste de rendre le territoire plus attractif afin de garder les enfants du 93 dans les classes séquano-dyonisiennes.
Le vice-président de Seine-Saint-Denis, Emmanuel Constant estime que cette démarche permettrait de développer la mixité sociale dans son département. L'élu en charge de l'Education, également principal dans un collège, espère pouvoir mutualiser les moyens entre Paris et son département qui connaissent des dynamiques démographiques inverses sur le plan de la scolarité.
Le découpage des académies est en place depuis plus de 40 ans. Votre demande peut surprendre aux premiers abords. Quel en est l'enjeu principal ?
Emmanuel Constant : D'abord, encourager la mixité sociale dans les écoles. Nous avons de plus en plus de données qui montrent que les écoles du département souffrent d'un manque de diversité sur le plan social. Le classement de l'Indice de Position Sociale (IPS) de nombreux établissements atteste qu'en Seine-Saint-Denis plus qu'ailleurs, les établissements manquent de mixité.
Dans notre département, de nombreux collèges et lycées sont ségrégés. En d'autres termes, les parents des élèves viennent souvent du même milieu socio-professionnel. C'est un problème, car la littérature universitaire montre depuis de nombreuses années que la diversité des profils sociaux au sein d'une école est un facteur important pour la réussite des élèves, mais également des enseignants.
Comment se traduit ce manque de mixité ?
E.C : Par un phénomène d'évitement. Dans plusieurs villes du département, on observe une gentrification. De plus en plus de personnes qui exercent des fonctions de cadres ou encore des médecins s'installent chez nous. Or, cette réalité n'est pas visible dans les établissements du département. Les enfants issus de ces nouvelles familles sont souvent scolarisés dans d'autres départements.
On observe parfois des écarts importants entre le nombre d'élèves attendus en 6ème dans nos établissements en sortie de CM2 et ceux qui sont réellement inscrits dans nos collèges. Sur les 130 collèges du département, une quarantaine n'a pas le nombre d'enfants attendus. On veut rendre le département plus attractif sur le plan scolaire.
D'autres facteurs ont-ils motivé cette requête auprès du ministère de l'Education Nationale ?
E.C : Oui, nous souhaitons également ce rattachement pour venir en aide aux enseignants. Beaucoup de professeurs du département sont jeunes et commencent leur carrière dans des conditions difficiles. Le fait d'intégrer l'académie de Paris permettrait de mutualiser les capacités des deux départements pour la création de collèges d'application.
Ce sont des établissements où les nouveaux lauréats du concours sont accompagnés en début de carrière par des professeurs expérimentés et des professionnels de la pédagogie. Cela n'est pas applicable sur l'académie de Créteil, car cet accompagnement nécessite la présence de professeurs aguerris. Ce que l'on a plus de mal à trouver chez nous.
En quoi l'intégration à l'académie de Paris permettrait-elle de répondre à ces défis ?
E.C : Il s'agit de mettre en commun les moyens de nos deux départements qui connaissent des dynamiques démographiques inverses. En Seine-Saint-Denis, nous accueillons actuellement 80 000 collégiens. Le département se prépare à en compter 8 000 à 10 000 de plus dans les années qui viennent. Paris connaît à l'inverse un recul du nombre d'élèves.
Malgré ces changements dans les dynamiques de population, l'organisation administrative reste la même et mène à un système inégalitaire. Il est dépassé. Nous ne demandons pas de traitement de faveur, simplement l'égalité de traitement. Cela passe par des propositions de solutions pour remédier au manque de diversité sociale de nos établissements. Pour les enseignants, cela permettrait de créer des structures d'accompagnement afin de venir en aide à ceux qui débutent et considèrent ce métier comme une vocation.
Par voie de presse, L'Education Nationale évoque au sujet de votre demande un processus "lourd et lent ". Quelles sont vos attentes immédiates ?
E.C : Nous comprenons que ce processus demande du temps, mais nous sommes prêts à travailler dès maintenant avec le gouvernement pour trouver des solutions. Nous avons fait un ensemble de propositions au ministère de l'Education Nationale lors d'une rencontre le 10 mars.
Nous suggérons par exemple, la mise en place de filières d'excellence ou encore de classes européennes et de filières linguistiques au collège pour diversifier les enseignements. Nous avons notamment proposé la création d'un observatoire de la mixité sociale qui peut être mis en place rapidement. La clé est d'identifier les établissements les plus ségrégés afin de comprendre ensemble les raisons de cette ségrégation sociale dans les écoles de notre département. Ensuite, nous pourrons y apporter les solutions adéquates.