La justice reconnaît une atteinte à la dignité humaine au commissariat de Bondy

Le tribunal administratif de Montreuil vient de condamner le ministère de l'Intérieur suite à de graves manquements au commissariat de Bondy (Seine-Saint-Denis). La ville alerte elle aussi sur la vétusté du bâtiment.

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Recevoir les gardés à vue dans les toilettes du commissariat. C'est la goutte d'eau qui a fait déborder un vase déjà bien plein pour les avocats du barreau de Seine-Saint-Denis. À partir de l'été 2023, ils ont été contraints de faire leurs rendez-vous avec les gardés à vue dans les WC du commissariat, faute d'un local disponible - la pièce utilisée jusqu'alors ayant été mise à disposition des renforts appelés au moment des émeutes après la mort du jeune Nahel.

Mi-décembre, le tribunal administratif de Montreuil a enjoint le ministère de l'Intérieur à proposer des conditions d'accueil des gardés à vue plus décentes. Dans une ordonnance que France 3 Paris Île-de-France pu consulter, il est demandé aux autorités d'entamer une rénovation des cellules, de proposer des toilettes avec une aération et un chauffage garantissant l'hygiène des espaces, ou encore de faire déplacer le local "entretien avocat" dans un bureau adapté.

"Déjà, le premier local posait problème", explique Maître Dilloard, mandaté pour représenter le barreau de la Seine-Saint-Denis dans cette affaire. "Il avait plusieurs vocations : entretiens d'avocats, mais aussi comme salle d'examens médicaux et de contrôle d'éthylotest. Mais surtout, il donnait sur un endroit où les policiers prenaient leur pause et pouvaient tout à fait entendre nos conversations avec nos clients." Il ajoute que "quand on est avocat en Seine-Saint-Denis, on s'habitue à ce genre d'inconfort". Mais quand ce local disparaît pour laisser place à une table et deux chaises dans des toilettes, c'est trop et les avocats du barreau décident de se mobiliser.

Des kits d'hygiène périmés dans les placards

Dans l'ordonnance établie par le tribunal de Montreuil, il est aussi expressément demandé aux autorités de distribuer les kits d'hygiène disponibles dans tous les commissariats de France. Un symptôme du traitement réservé aux personnes dans ce commissariat d'après Maître Dilloard : "Avoir des kits d'hygiène qui périment dans des placards et des femmes gardées à vue qui n'ont même pas accès à une serviette hygiénique, ça en dit long. On oublie qu'ils sont humains."

Le rapport de la visite du bâtonnier de 2023 documente même le dérapage d'un des policiers sur place, selon lequel l'hygiène ne serait pas la priorité des personnes interpellées, car "ces gens-là ne se lavent pas chez eux".

Un problème qui ne date pas d'hier

En 2013, le rapport d'une visite du contrôleur général des lieux de privation de liberté soulignait déjà des difficultés importantes et relevait des manquements dans les conditions d'accueil : il était déjà signalé, par exemple, qu'aucun matelas et couverture propre n'étaient mis à disposition des personnes interpellées.

Il y a deux ans, la loi a changé et permis aux bâtonniers de visiter les lieux de privation de liberté. Stéphanie Chabauty, bâtonnier de Seine-Saint-Denis se saisit de ce droit en janvier 2023.

Les conclusions de la visite indiquent alors des relevés de températures autour de 15 degrés, sans couverture mise à disposition. Mais aussi des cellules particulièrement sales, ou encore "qu'aucune démarche n'est faite pour donner un minimum d'accès à l'hygiène aux gardés à vue". Il y est noté que "tous les constats réalisés par Monsieur le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Libertés en 2013 sont toujours d'actualité". Dix ans plus tard, la situation n'a donc pas évolué.

Un seul commissariat pour 80 000 habitants

Stephen Hervé, maire (LR) de Bondy, a fait de la sécurité dans sa ville un cheval de bataille dès son élection en 2020. Il s'est empressé de fonder une police municipale et s'est intéressé très vite au seul commissariat de police nationale de son secteur. L'édile le visite lui aussi à plusieurs reprises.

"L'accueil des plaignants Bondynois, les rendez-vous avec les avocats, les conditions de travail des officiers de police judiciaire... rien ne se déroule correctement dans ce commissariat, il est urgent de s'en occuper impérativement", indique-t-il.

En qualité de maire, il ne peut qu'alerter sur le sujet. Il a écrit à plusieurs reprises à Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur. Un bâtiment vétuste et surtout sous-dimensionné : "Je demande la reconstruction d'un commissariat à la bonne taille par rapport à la mission qu'il doit remplir, dans une zone avec une délinquance réelle et de nombreux points de deal." Car le commissariat occupe une circonscription de deux communes, Bondy et les Pavillons-sous-Bois, qui réunit un peu moins de 80 000 habitants.

Les autorités sommées de faire des travaux

La préfecture de police de Paris assure que des travaux pour un montant estimé de 200 000 euros seront engagé tout début 2024 dans ce commissariat, le tribunal administratif ayant accordé un délai de 3 mois. Ils porteront notamment sur : la rénovation des cellules, la mise en place de points d'eau dans les locaux des gardés à vue, la mise en place d'un système d'appel des personnes en garde à vue et la création et l'aménagement de bureaux pour les entretiens des gardés à vue avec leur avocat. 

Pour Maître Dilloard, la décision du tribunal de Montreuil, qui condamne le ministère de l'Intérieur, fera date. "D'autres commissariats du département vont suivre", assure-t-il, "Bondy est loin d'être le seul commissariat du 93 à accueillir des gardés à vue dans des conditions indignes." Il y a, en Seine-Saint-Denis, 26 commissariats de police nationale.

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