La précarité des médecins étrangers pourtant indispensables aux hôpitaux pendant la crise

Les praticiens diplômés à l'étranger (hors UE) très nombreux dans les hôpitaux de banlieue notamment en Seine-Saint-Denis ont joué un rôle essentiel pendant l’épidémie. Pourtant, leurs salaires sont parfois dérisoires et leur statut très précaires.

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Ce jeudi 21 mai, comme souvent les jours fériés,  Hassen (*) est de garde à l’hôpital de  Montfermeil en Seine-Saint-Denis. De jour comme de nuit au chevet des malades, ce médecin au service réanimation travaille 60 heures par semaine en moyenne. Pourtant, ce docteur diplômé en Tunisie est deux fois moins payé que ses confrères et enchaîne les statuts précaires. "On a toujours des contrats CDD renouvelables tous les
6 mois, pas de primes, pas d’heures supplémentaires, beaucoup moins de vacances que nos collègues. On est obligé d’enchaîner les astreintes le week-end, de faire des gardes de nuit pour améliorer notre rémunération. Tous les 5 jours, je dors à l’hôpital
", raconte ce médecin.

" Sans eux, on n’aurait pas fait "


Ces deux derniers mois, Hassen a dû travailler deux fois plus pour prendre soin des patients atteints du Covid. Le service a doublé sa capacité d’accueil. "On est passé de 10 lits à 20 lits", raconte –t-il. En réanimation, sur six médecins, trois ont des diplômés étrangers hors UE. Sans eux, sa cheffe de service assure qu’ils n’auraient pas pu affronter la crise sanitaire de la même façon.
"Sans eux, on n’aurait pas fait ! on n’aurait pas ouvert d’autres lits. On n’aurait pas doublé notre liste de garde. Je pense  que les malades auraient été transférés de façon beaucoup plus massive et puis en  étant tous un peu comme ça, je pense qu’il y aurait eu des gens qui n’auraient pas eu accès à la réanimation", explique Dany Toledano,Cheffe de service de réanimation de l'hôpital de Montfermeil.
A l’hôpital de Montfermeil, ces praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) représentent presque 50% de l’effectif global.

"Dans la pratique on travaille comme nos confrères diplomés en France"

Tunisien, il est arrivé en France en 2016, il a terminé sa formation de spécialité à l’hôpital de Montfermeil et exerce aujourd’hui comme « assistant associé ». "Sur le plan pratique, on est médecins, on travaille comme nos confrères diplômés en France ou en Europe.  Par exemple aujourd’hui, je suis de garde avec mon collègue, j’ai l’unité A et lui l’unité B. Les patients ne savent pas que je suis diplômé en Tunisie ou en France", remarque-t-il.
Mais officiellement, Hassen n’est pas reconnu comme médecin en France, pour pouvoir être inscrit à l’Ordre des médecins, il doit passer un concours très sélectif.

Seulement 5 places en réanimation au concours

Ce médecin de Montfermeil a passé le concours l’an dernier et malgré 14-15 de moyenne, il n’a pas réussi. "En réanimation, ils prennent 5 médecins par an en France, alors qu’à Montfermeil, il manque justement 5 médecins réanimateurs. Et dans certaines spécialités, ils n’ouvrent pas de portes", déplore le médecin tunisien.

Selon le syndicat  national des praticiens à diplôme hors Union européenne, il faut compter huit à dix ans en moyenne entre la date d’arrivée en France et l’obtention de l’autorisation officielle d’exercer. Pour eux, ce mode de sélection est à revoir. "On demande à un praticien de passer un concours ouvert à tout le monde qui est drastique. Quand il n’y a que 5 postes ouverts, malgré un 16 de moyenne, on peut ne pas avoir son concours alors qu’on exerce depuis des années dans le système français ",  dénonce Hocine Saal, chef de service des urgences à l'hôpital André-Grégoire, à Montreuil et vice-président du syndicat national des padhue (SNPADHUE).

Aujourd’hui, plus de 5 000 Padhue, venant principalement du Maghreb,  exercent en France, selon ce syndicat.

Une lettre et une pétition pour demander leur reconnaissance

Pourtant la loi Santé votée l'an dernier et son article 70 doivent permettre l'intégration et la régularisation des Padhue déjà en activité en France. Mais le décret n’a toujours pas été publié.

Une lettre a été envoyée au Premier Ministre à l’initiative de 13 médecins  pour demander l’intégration au système de santé de ces praticiens diplomés hors Europe. "Parmi les premiers médecins à avoir été victime du covid, il y avait beaucoup de médecins à diplômes étrangers", remarque Amine Benyamina, psychiatre à hôpital Paul Brousse, signataire de la lettre et à l'origine d’une pétition pour la reconnaissance du rôle des médecins à diplôme étranger pendant cette crise. Lui-même a été dans la situation des Padhue, il y a une vingtaine d’années. "Les mesures prises ne sont pas des mesures claires, et de nouveau on reproduit des statuts précaires", dénonce-t-il.
La pétition a recueillie plus de 42 000 signatures mais les médecins à l'iniative assurent n’avoir toujours pas obtenu de réponse du gouvernement.

Pour Hassen, la précarité et l’incertitude demeurent, car c'est aussi son visa de travail qui doit être renouvelé  au rythme de ses postes à l’hôpital. Son contrat qui devait se terminer le 1er mai a été prolongé jusqu’au 10 juillet. "J’ai un contrat jusqu’à la fin de la crise sanitaire mais après je ne sais pas", confie-t-il.

(*) : le prénom a été modifié

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