REPORTAGE. Moins de lits, lourde facture... Colère à l'hôpital Bichat et Beaujon contre le futur hôpital Grand Paris-Nord

Une nouvelle enquête publique s'est ouverte, ce lundi 29 janvier. Elle porte sur le projet de construction du campus hospitalo-universitaire Grand Paris-Nord, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Le personnel des hôpitaux actuels est vent debout : il redoute plusieurs conséquences.

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Elles sont une soixantaine de personnes réunies place Pierre Laroque, dans le 7e arrondissement de Paris. Le comité de défense des hôpitaux Bichat et Beaujon a appelé au rassemblement devant le ministère de la Santé, ce 29 janvier.

Toutes et tous dénoncent la fermeture prochaine de ces deux établissements de santé, au nord de la capitale. Accompagnés d'une musique tonitruante qui s'échappe d'une tente rouge, Ils sont venus solliciter un rendez-vous avec Catherine Vautrin, la nouvelle ministre du Travail et de la Santé.

Le personnel de ces hôpitaux redoute une réduction de l'offre de soins, avec l'ouverture future du centre hospitalier Paris-Nord.

"Une mise en danger de la vie d'autrui"

Paul Bénard, secrétaire général de la CGT à l'hôpital Beaujon, veut que la ministre prennent conscience du danger. Le nouveau centre hospitalier de Saint-Ouen réduira l'offre de soin, avec 350 lits en moins. "Si on prend l'exemple des maternités, Bichat et Beaujon accueillent actuellement 3000 femmes par an, alors que la capacité de prise en charge sur le campus hospitalier Grand Paris-Nord ne sera plus que de 2000 patientes" évalue-t-il.

Il dénonce cette diminution du nombre de lits qui, selon lui, entraînera une réduction du personnel soignant. "Même aux urgences, il est déjà difficile de gérer le flux de malades, 120 000 par an. Le projet de l'hôpital de Saint-Ouen envisage une réduction de 10 000 patients", assène-t-il. Paul Bénard a fait le calcul et estime que "1000 postes de soignants pourraient être menacés".

Pour l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), qui a jugé les deux hôpitaux trop vétustes, la solution à cette diminution du nombre de lits sera de transférer les patients vers d'autres hôpitaux. Un patient de Clichy-La-Garenne pourrait être confié à l'hôpital Avicenne à Bobigny. Une situation que Simon Chiaroni, secrétaire de la CGT à l'hôpital Bichat, juge inquiétante : "C'est une mise en danger de la vie d'autrui, quand on sait que plus tôt vous intervenez mieux c'est". Ce projet est pour lui contraire au besoin de proximité des patients.

350 lits en moins, pour 1,3 milliard d'euros

Les deux secrétaires de la CGT défendent des arguments humains face à l'Etat qui compte ses sous. Mais même sur le plan financier, c'est l'incompréhension : "En 2013, des études avaient évalué la rénovation des hôpitaux Bichat et Beaujon à 700 000 euros, supérieur au coût du projet, nous avait-on répondu". La facture est aujourd'hui estimée à 1,3 milliard d'euros. Paul Bénard est d'autant plus scandalisé que le service d'hépatologie de l'hôpital Beaujon a été refait à neuf en 2023, et la maternité entièrement rénovée en 2018.

Christophe Prudhomme, Conseiller régional d'Île de France et médecin au Samu de Seine-Saint-Denis, est encore plus virulent face au constat de saturation des hôpitaux de son département. Selon lui, "cette politique de concentration des établissements est de la maltraitance". Pour étayer ce manque de moyens dans les hôpitaux du 93, il fait état d'une étude menée à l'hiver 2022-2023 : "150 patients sont décédés aux urgences sur des brancards faute de prise en charge. C'est scandaleux !"

Un nouveau campus hospitalier dans un centre urbain saturé

Au-delà de son importante superficie, 7,2 hectares, l'emplacement sur le site de l'ancienne usine PSA Peugeot-Citroën de Saint-Ouen est aussi contesté. Eric Coquerel, député (La France Insoumise - NUPES) de Saint-Ouen, Saint-Denis et Epinay-sur-Seine, est venu appuyer cette demande de rendez-vous auprès de Catherine Vautrin. Il juge le site d'implantation mal choisi. Selon lui, "Ce nouveau campus hospitalier va être construit en plein centre urbain de Saint-Ouen déjà saturé, alors que l'hôpital Bichat est très bien situé". Il avance une solution qui serait "de construire un autre hôpital de taille plus modéré, et qui viendrait compléter l'offre de soins de Bichat et Beaujon".

Le personnel soignant s'inquiète aussi du trafic d'une ligne de chemin fer à proximité, une voie destinée aux trains de marchandise. Située entre l'hôpital et l'université, elle devrait rester en activité en 2028, date d'ouverture prévue pour le Campus hospitalier Grand Paris-Nord.

 

Depuis 2010, une bataille juridique oppose le comité de défense des hôpitaux Bichat et Beaujon à l'AP-HP qui préfère la construction d'un nouvel établissement hospitalier à la rénovation des hôpitaux existants. Le 24 octobre 2023, la cour administrative d'appel de Paris a reconnu l'utilité publique du projet, mais un vice de procédure a renvoyé le dossier devant la justice. La cour rendra un arrêt définitif en avril, après une nouvelle enquête publique qui doit durer jusqu'au lundi 4 mars 2024.

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