REPORTAGE. Stades, gymnases, piscines... Après les JO, "tout reste encore à jouer" pour combler les carences en Seine-Saint-Denis

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"L’héritage" des JO de Paris 2024 "ne suffira pas" à résoudre les carences en équipements sportifs en Seine Saint-Denis. Des acteurs du mouvement sportif et des élus du département demandent un vaste plan d'investissements publics pour rénover et construire.

"Ici, on a le choix entre se geler ou ne plus s'entendre parler, quand il fait très froid, on met la soufflerie et c'est très bruyant !", constate un brin amer un professeur d'éducation physique. Ce lundi matin, le gymnase Jean-Jaurés au Lilas accueille deux classes d'élèves du collège qui jouxte l'établissement sportif.

Serge Reitchess, ancien professeur d’EPS et membre du CoPER 93, le collectif permanent de défense et de promotion de l’EPS en Seine-Saint Denis, fait le tour de l'établissement. "Ce gymnase est complètement obsolète du point de vue des normes de fonctionnement et d'isolation", affirme-t-il.

En hiver, on chauffe mais, comme les villes sont de plus en plus étranglées par les factures gaz électricité, on diminue le chauffage et il fait froid. Et en été, il fait une chaleur terrible, ça devient un sauna naturel !"

Le gymnase Jean-Jaurès est utilisé "plein pot" de 8 h à 22 h par les scolaires et les clubs. Construit dans les années 70, il a l'âge du collège à proximité : presque 50 ans. La salle Jean-Jaures représente pour Serge Reitchess, "l'archétype de la plupart des installations sportives en Seine-Saint-Denis".

Un peu plus loin à Bagnolet, en bordure de la commune, le vaste stade des Rigondes dédié surtout au football présente les mêmes stigmates de vétusté. "Ça pourrait être un bon complexe sportif à rénover sur Bagnolet et on en a besoin, mais une Ville ne peut pas financièrement à la fois assurer la rénovation de tous ses sites sportifs", assure l'ancien professeur d’EPS.

Un rattrapage estimé à plus "20 milliards d'euros"

Depuis octobre dernier, une pétition circule sur la toile, diffusée par le CoPER 93. Ce collectif constitué de professeurs d'EPS, d'élus locaux, de parlementaires réclame à l'Etat "un plan d'investissements publics sans précédent pour la Seine-Saint-Denis", pour réduire les inégalités sportives en Seine-Saint Denis. Et il y a urgence selon Serge Reitchess. "Le parc sportif en Seine-Saint-Denis est en moyenne vieux de plus de 40 ans. On tire à la sonnette d'alarme parce qu'il n'y a pas d'investissement des pouvoirs publics et qu'on va rester dernier département de France, il faut que ça soit l'investissement se fasse maintenant !", s'alarme ce membre du CoPER 93.

Les signataires de la pétition dénoncent également des inégalités dans l'accès au sport au sein d'associations dans le département. Le sport féminin et le handisport pâtissent surtout selon le collectif, dune grande inégalité d'accès. "On est en passe aujourd'hui de faire le bilan avec les élus des besoins réels de rénovation de reconstruction des installations, mais avant qu'on ait le document complet, le livre blanc de la Seine-Saint-Denis, on dit globalement qu'il y en aura pour 20 à 30 milliards d'euros pour réduire les carences", annonce Serge Reitchess, membre du CoPER 93.

Une carence "énorme"

La Seine-Saint-Denis, le département le plus jeune de France selon l'INSEE, (Institut national de la statistique et des études économiques) est lanterne rouge en installations sportives. "La carence est énorme, vous avez 16 équipements pour 10 000 habitants en Seine-Saint-Denis contre 50 en France", constate Martin Citarella, conseiller technique et aménagement du CDOS 93, le Comité Départemental Olympique et Sportif de Seine-Saint Denis, représentant le mouvement sportif sur le territoire départemental.

Selon le ministère des Sports, la Seine-Saint-Denis compte 2571 équipements, 12 %  de ces équipements d'entre eux sont récents (mise en service après 2005) , un quart seulement de ces infrastructures sportives sont aujourd'hui accessibles en transports en commun.

 "Ça veut dire que des gens ont plus de mal à trouver des places en club, ont des difficultés pour organiser l'activité des clubs l'activité de l'EPS, qu'il faut faire je ne sais combien de kilomètres pour aller au gymnase à pied ( .. ) Et ce qui pose aussi problème, c'est que la population du département est amenée à augmenter ", analyse Martin Citarrela.

Un manque criant de piscines

Près de 40 % d’élèves de Seine- Saint Denis ne valident pas le savoir nager !", souligne également le Coper 93. En 2022, selon un diagnostic établi par le Conseil Départemental, la Seine-Saint-Denis comptait 37 piscines, moins de 60 m2 de bassin de natation pour 10 000 habitants, contre de 260 m2 en moyenne nationale.

Pour tenter de rattraper ce retard, le Département a lancé, il y a deux ans son deuxième plan piscine. Abondé en partie par la SOLIDEO, l'entreprise chargée de la construction des ouvrages opérations d'aménagements pour les JO, ce plan doté de 35 millions, finance des projets liés à l’héritage olympique, mais aide surtout les collectivités à investir dans des équipements aquatiques très onéreux.

"Le territoire de Plaine Commune - une structure intercommunale au nord de Paris - sortira cette année de la carence avec des piscines rénovées ou construites, comme par exemple au parc des sports de Marville ou au Fort d'Aubervilliers avec une piscine à dimension olympique qui sera l'un des sites d'entraînement des Jeux", annonce Zaïnaba Saïd Anzum, conseillère départementale et déléguée au sport au Conseil départemental de Seine-Saint-Denis.

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Après les J.O, il faudra "un élan post-olympique" 

"La flamme olympique en termes d'aménagement sportif, après les Jeux ne doit s'éteindre, c'est ça l'enjeu aujourd'hui !", lance Martin Citarella. S'il salue l'héritage matériel des Jeux olympiques pour la Seine-Saint-Denis, le conseiller technique du CDOS 93 affirme que ça ne sera pas suffisant pour régler les problèmes de carences en équipements que connaît, depuis de nombreuses années, le département.

La carence d'équipements sportifs en Seine-Saint-Denis ne sera absolument pas résolue par l'héritage olympique.

Martin Citarella, conseiller technique et amenagement CDOS 93

Au-delà de l'héritage des JO, le conseiller technique espère un "élan post-olympique". "Il est illusoire de penser que d'un coup, on aura des grands plans de financement si la question du sport ne devient pas prioritaire (... )  je rappelle que Paris 2024 et la SOLIDEO sont vouées à disparaître. Il faut que tous les acteurs qui restent - l'État, les collectivités locales, le mouvement sportif - arrivent à donner un élan suffisant pour que le sport soit une des grandes causes de l'aménagement du territoire du département".

Aujourd’hui, à quelques moins de quatre mois des JO, "les planètes politiques sont alignées", estime Martin Citarella qui se félicite des actions en faveur du sport soutenues par les acteurs politiques locaux. "Je crois que les Jeux Olympiques nous aident à porter l'idée que le sport est une grande cause d'urbanisme, mais d'un point de vue budgétaire, le combat reste à mener".

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