En déficit depuis plusieurs années, la maternité des Lilas, pionnière dans l’accouchement sans douleur, devait fermer le 1er juin 2023. Les autorités sanitaires viennent de lui accorder un sursis de plusieurs mois pour travailler sur un modèle économique plus viable.
« Je savais qu’ici, je serais écoutée, entourée et accompagnée, à mon rythme. » Il n’est pas difficile pour Colline Aubry de lister les motivations qui l’ont poussée à se faire suivre et à accoucher à la maternité des Lilas. Elle a donné naissance à son premier enfant, Nunzio, le 1er juin 2023. À cette date, l’établissement aurait dû être fermé définitivement. Mais les salariés et la direction de cette maternité hors-norme sont parvenus à un accord avec l’agence régionale de santé pour faire perdurer l’institution.
Comme elle, 1 090 parents ont choisi la maternité des Lilas en 2022. L’endroit existe depuis 1976 et a bâti sa réputation sur une philosophie : écouter au maximum les mamans et prendre le temps avec elles, quitte à y laisser son équilibre financier.
« Par exemple, pour le bain, il n’y a pas d’horaires. Cela peut prendre 15 minutes à une maman, et 45 à une autre, on ne les pressera jamais. » Dans la nurserie, sur fond de musique relaxante Cécile Mazzocchi, auxiliaire de puériculture, explique combien elle est fière de travailler ici. Auparavant dans un hôpital public parisien, elle peut ainsi comparer ses différentes expériences. « Dans un hôpital classique la charge de travail est plus importante, les auxiliaires doivent distribuer les plateaux-repas et désinfecter les chambres par exemple. Nous, notre luxe, c’est qu’on a tout notre temps pour les mamans mais aussi les papas et les fratries. »
Haut lieu de préservation des droits et des libertés des femmes, l’établissement a aussi pratiqué 600 interruptions volontaires de grossesse l’an passé. Il a accueilli, en 2020, le premier accouchement d’un homme transgenre reconnu parent dès la naissance de sa fille.
Enfin, aucun dépassement d’honoraires n’est pratiqué. Les patientes pénètrent dans une maternité privée mais remboursée par l’assurance maladie.
Une maternité privée sous perfusion
Le dossier est compliqué depuis de nombreuses années. Son statut d’association à but non lucratif lui permet de ne pas être rentable, mais pas d’enregistrer un déficit aussi élevé. Sur son budget annuel de 13 millions d’euros, seulement 9 sont couverts par les frais de séjours et d’actes médicaux payés l’assurance maladie. Les 4 millions restants sont subventionnés par l’ARS, l'agence régionale de santé. Sans cette aide de trésorerie, il serait impossible pour la maternité des Lilas de payer les frais de fonctionnement nécessaires à la prise en charge des patientes et de garantir leur sécurité.
« Nous ne chercherons jamais la rentabilité mais la situation n’est pas soutenable », admet Raynald Maisonneuve, le directeur adjoint de la structure. « Nous allons nous diversifier en proposant de la chirurgie obstétricale et gynécologique, mais aussi en proposant une prise en charge autour de l’endométriose, car il y a un manque sur le département.
Un plateau technique
Problème, pour cela, il faut déjà déménager. Les locaux loués par l’association sont vétustes et ne répondent plus à toutes les normes de sécurité. D’autant que l’ARS souhaite que la maternité se rapproche d’un « plateau technique » c’est-à-dire d’une infrastructure médicale qui permette de réagir aux différentes complications qui pourraient survenir lors de l’accouchement.
Après un différents cycles de réunions avec les professionnels et les usagers de la maternité ainsi que les élus, l’ARS a assuré vouloir trouver une solution pérenne et durable qui convienne à chaque partie prenante. « Après l’étude de plusieurs hypothèses, il a été décidé lors d’une réunion tenue en janvier 2023 d’approfondir le rapprochement avec la maternité de l’hôpital public de Montreuil, tout en développant l’offre de santé aux Lilas, notamment en matière de santé de la femme, d’orthogénie et de périnatalité qui constituent des priorités. »
Tout est mis en œuvre pour éviter la fermeture définitive de ce lieu. La Seine-Saint-Denis aurait du mal à se priver d’une maternité… Depuis 30 ans, il s’agit du département qui enregistre le plus fort taux de natalité de France métropolitaine.