Trottinettes : des fauteuils roulants pour dénoncer les incivilités et sensibiliser aux dangers

Dans une campagne de sensibilisation, une association luttant contre les risques liés aux trottinettes a placé des fauteuils roulants sur des emplacements de stationnement à Paris. En 2020, 347 accidents impliquant cette "mobilité douce" ont été dénombrés dans la capitale.

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"Mobilité douce, ben voyons ! Entre les morts et les blessés, sacrée douceur !". Le ras-le-bol est palpable au bout du fil. Jean-René Albertin raconte l'accident de sa femme, percutée en mai 2019 par une trottinette électrique, en plein milieu du jardin des Halles à Paris. Il est depuis devenu président de l'association philanthropique contre l'anarchie urbaine vecteur d'incivilités (APACAUVI), une structure qu'il a fondé dans la foulée de l'accident pour aider les victimes de ce "n'importe quoi".

Les difficultés juridiques face à ces véhicules sans plaques

Des aides se font au niveau juridique surtout. Pas simple en effet de faire valoir ses droits suite à ce genre d'accidents. "Les trottinetteurs fichent le camps en général, pas moyen de les retrouver, et quand on y arrive, ils sont généralement insolvables". Depuis deux ans, c'est une soixantaine d'affaires qui leur ont été remontées, et l'association ne se concentre pas que sur les trottinettes, les fous du vélos sont aussi dans leur collimateur, ou les pilotes de "trucs à une roue", les gyroroues. 

Une campagne choc était donc nécessaire selon l'association, et c'est l'agence de communication MullenLowe qui a en réalité dégainé l'idée. Des proches du patron de cette société avaient été victimes de ces "chauffards sur roulettes", il fallait agir.

Première opération, les 28 et 29 novembre derniers : dans le 10e arrondissement, aux heures de déjeuner, des fauteuils roulants ont été placés sur des emplacements de stationnement de trottinettes. Sur les sièges, on pouvait lire : "un moyen de transport peut en amener un autre". Le message est clair. 

Même chose le 2 décembre dernier, dans le 9e arrondissement cette fois, puis quelques jours plus tard suite à un accident mortel dans l'Essonne d'un trottinetteur ayant percuté un camion-benne. "Certains usagers, d'abord énervés de notre initiative, ont finalement compris notre démarche en discutant avec nous", explique Bastien Bourdier, le directeur artistique de cette campagne. "Nous ne sommes pas contre ces engins", précise le garçon de 31 ans, "nous voulons juste sensibiliser sur les risques liés à des usages non-prudents"

"Les voir rouler à fond sur les trottoirs, ou ne pas s'arrêter aux feux rouges, ce n'est plus possible", renchérit de son côté Jean-René Albertin. "Et le tout sans plaque d'immatriculation !". L'an dernier, 347 accidents liés à l'usage de ces engins ont été dénombrés dans la capitale. 

Les responsables publics pointés du doigt

Le président de l'APACAUVI demande aux municipalités de prendre leurs responsabilités, d'augmenter les contrôles notamment, et de créer un fond d'aide aux victimes puisque c'est "l'anarchie". "Ces comportements dangereux sont égoïstes", fustige-t-il dans sa diatribe téléphonique, "ils causent des accidents, et pas que des égratignures ! Ma femme pianiste n'a plus pu jouer de son instrument pendant un an (...) La mairie de Paris, elle, ne cesse de parler d'environnement, mais l'environnement c'est quoi ? L'environnement, c'est le vivre-ensemble, non ?".

David Belliard, l'adjoint d'Anne Hidalgo en charge des mobilités recadre tout de suite le débat : "en termes de statistiques, les accidents graves, c'est peanuts !". Pour l'élu, la question est surtout celle de la régulation. "Nous voulons réguler la vitesse, le nombre et l'usage". Pour être concret, il énumère les mesures déjà prise en ce sens : une vitesse de 10km/h maximum intra-muros, 20km sur les grands axes, avec 15.000 trottinettes en libre-service, et pas une de plus, 5.000 par marque donc (Lime, Dott et Tier sont les trois opérateurs dans la capitale).

L'écologiste insiste enfin : l'objectif est surtout de réduire le sentiment d'insécurité, c'est ça, selon lui, "le coeur du problème". Pour retrouver des trottoirs 100% piétons, l'adjoint, qui n'utilise pas ces engins personnellement, parle de la nécessité de créer des aires de stationnement. Il évoque aussi une "montée en charge de la police municipale" mais sans parler d'augmentation des effectifs toutefois, ni de nouvelles sanctions. On en saura donc pas plus.

7 morts et 774 blessés en 2020

De son côté, Jean-René Albertin n'a pas fini au téléphone : "et pourquoi pas un BCR des vélos et trottinettes ? comme pour les motos ! Un Brevet de sécurité routière, voilà une des solutions. Tout ce qu'on demande après tout, c'est que ces gens respectent le code de la route !"

Avec sept morts et 774 blessés l'an dernier en France, ces nouveaux véhicules n'ont pas fini de faire polémique. Onze morts ont pour l'instant été dénombrés en 2021.

Et si certaines municipalités, comme Paris donc, régulent les engins en libre-service, en "free floating" comme on dit, c'est-à-dire ceux que l'on trouve un peu partout sur les trottoirs et dans les rues, il ne faut pas oublier les milliers de véhicules privés. Ceux-là ne sont pas tous bridés, ou bien souvent facilement débridables, "un jeu d'enfants" paraît-il. Et ça aussi, ça a le don d'énerver le président de l'APACAUVI : "certains roulent même plus vite que les voitures", lâche-t-il pour conclure, avant un long silence tout en soupirs... "Quel scandale !".

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