Alors que la vigne entame son renouveau en Île-de-France, la période intense de froid vient fragiliser ces vignerons qui développent leur production. La région a obtenu une IGP en 2020.
Ce devait être sa première année de récolte et de vinification. Malheureusement pour ce vigneron nouvellement installé, les pertes sont importantes. "Ce sera environ 30% de mes vignes, un peu plus un peu moins, c'est difficile à dire. On va le savoir d'ici deux à trois semaines", déplore Bruno Lafont, propriétaire du Clos Ferout situé dans le Vexin (Val d'Oise).
L'épisode de froid qui touche la région depuis plus d'une semaine a fait d'importants dégâts dans de nombreux domaines agricoles. Les vignes n'ont pas été épargnées, d'autant que la période de redoux précédente avait accélérer le bourgeonnement des plantes.
Même constat pour Pierric Petit, vigneron indépendant installé à Chelles : "Nous avons planté les vignes il y a trois ans, elles devaient entrer en production cette année. La problématique est d'avoir de jolis bois plutôt qu'une bonne récole. Le problème du gel est qu'il brule les bourgeons et diminue la taille des bois. Nous sommes obligés de tailler plus court l'année suivante."
Sur les 6 hectares des Coteaux du Montguichet en Seine-et-Marne, du pinot noir, du chardonnay, du pinot gris et du savagnin sont plantés pour faire du vin rouge comme du vin blanc.
Les vignes ont presque disparu en Île-de-France
Pierric Petit et Bruno Lafont font partie de ces nouveaux acteurs de la filière. Ce dernier, ancien haut dirigeant de Lafarge a acquis une propriété installée dans le parc régional dans la commune Le Heaulme à la lisière de l'Oise. Il y a planté ses premières vignes en 2017 après un long travail de préparation du sol.
"À la fin avril, j'aurai 1,5 hectares de planté dont l'essentiel de pinot noir et 30% pineau d'Aunis de façon à donner à cette crue du Vexin une caractéristique particulière. Nous avons fait beaucoup d'essais avec des vinologues et des chefs de culture", raconte-t-il.
Un travail de longue haleine car plusieurs années sont nécessaires avant de produire de premières bouteilles. Pour eux deux, cette année devait justement marquer l'arrivée des premiers raisins permettant de passer à l'étape de la vinification.
Car la vigne francilienne, bien que présente historiquement en région parisienne, a pratiquement disparu au XXe siècle. Ne subsistent que des petites parcelles gérées le plus souvent par des associations ou des municipalités.
Pas ou peu d'indemnisations
Mais l'obtention d'une indication géographique protégée (IGP) en 2020 pour les vignerons franciliens a boosté un secteur jusque-là endormi. Pierric Petit, ancien menuisier, s'intéresse à la vigne depuis 10 ans et s'est notamment formé en Bourgogne. Il a choisi d'implanter ses vignes à Chelles pour son côté "péri-urbain" : "vous prenez le RER et vous vous retrouvez dans un endroit incroyable", explique-t-il.
À terme, il espère pouvoir faire entre 30 et 40 000 bouteilles par an. "Cette année, si on fait 3 000 bouteilles, ça sera bien. La vigne est jeune, les trois premières années, on leur demande de ne pas trop produire pour qu'elle puisse s'implanter. Mais économiquement, c'est assez compliqué de se retrouver sans récolte", indique-t-il.
Les deux vignerons ne pourront ainsi bénéficier d'indemnisation car elles sont calculées sur les récoltes précédentes.
Période de gel qui perdure
Ces épisodes de gel arrivent après deux années déjà difficiles pour les vignerons franciliens. "Nous avons eu deux années de sécheresses. Il faut de l'eau pour que les racines descendent car la vigne n'est pas productive tout de suite à 100%. Les résultats ne sont visibles que 4-5 ans après. Si vous ne sortez qu'une petite partie de votre production à cause des problèmes climatiques, c'est encore une fois un effort financier difficile. Avec la particularité en Île-de-France que cela nous donne un retard en vinification et en finance qui est très handicapant", précise Bruno Lafont, vigneron installé dans le Vexin.
Nous avons eu deux années de sécheresses. Il faut de l'eau pour que les racines descendent car la vigne n'est pas productive tout de suite à 100%. Les résultats ne sont visibles que 4-5 ans après.
Jean-Luc Dakowski, vice-président de l'Union Vigneronne Vals d'Oise et de Seine, une association qui travaille avec près d'une trentaine de vignerons, observe lui des dégâts plus réduits chez ses partenaires, de l'ordre de 5 à 10% des bourgeons. Les quelques parcelles situées à Paris ont, elles, été protégées en raison de leur proximité avec la ville où il fait toujours plus chaud, de l'ordre de 2 à 3 degrés supplémentaires.
"Mais nous sommes partis à présent sur une période de gel le matin. Cela est inquiétant, il ne faut pas que cela dure longtemps. Le gel le plus dangereux étant celui de fin avril-début mai qui rend la récolte impossible", redoute Jean-Luc Dakowski.