Dans le Val-d'Oise, un bailleur social redoute une hausse des impayés. CDC habitat qui gère 100.000 logements sociaux en Île-de-France organise des ateliers pour sensibiliser les locataires. Objectif : leur donner des astuces pour maîtriser leur consommation d'électricité et de gaz et réduire leurs dépenses.
"Est-ce qu'on rallume le chauffage ?" Une question pas si anodine alors que le coût de l'énergie flambe. Et qui peut même devenir un vrai dilemme pour la centaine de locataires d'une résidence de Villiers-le-Bel (Val-d'Oise), quartier Derrière-les-Murs, à une vingtaine de kilomètres au nord de Paris.
Dans cette commune, le bailleur social CDC habitat, filiale de la Caisse des dépôts, gère notamment une résidence intergénérationnelle, toute neuve, inaugurée il y a presque deux ans. 102 habitants y ont été relogés à l'occasion d'une opération de rénovation urbaine de ce quartier prioritaire.
Parmi eux, des retraités, des locataires aux revenus modestes pour qui les fins de mois sont parfois difficiles. Habitués au chauffage collectif pendant des années dans leurs anciennes tours aujourd'hui démolies, ils sont désormais maîtres de leur consommation énergétique.Alors, à l'heure de la "sobriété énergétique", ils font devoir apprendre de nouveaux gestes pour ne pas voir leur facture d'électricité augmenter.
Des ateliers très attendus par les locataires
"Qu'est-ce qui consomme le plus ?", demande un locataire. "Le chauffage ?", tente un homme. "Exactement ! Deux tiers de la facture", détaille l'animateur de l'atelier, un représentant de l'association d'éducation à l'environnement Inven'terre, basée à Sarcelles, une commune voisine. Il est venu donner des conseils pour faire des économies d'énergie et éviter une facture trop lourde.
Ce jour, une vingtaine de locataires est venue assister à un des ateliers de sensibilisation aux bonnes pratiques énergétiques, proposés par CDC habitat dans un local au pied de la résidence.
Parmi ces habitants, cette aide était très attendue. "Je savais déjà que pour le chauffage, la température idéale était de 19 degrés en journée. Il m'arrivait parfois de monter plus haut et de le régler entre 20 et 25 degrés. On m'a aussi conseillé de toujours mettre un couvercle sur ma casserole, en utilisant mes plaques de cuisson", explique une locataire qui a souhaité rester anonyme. Elle ne se dit pas vraiment inquiète pour sa facture, mais reste attentive à sa consommation. "Chaque mois, je paie des charges pour une consommation estimée, mais pas pour ma consommation réelle...", avoue-t-elle.
L'humidité, l'usage du four ou de l'eau chaude... Du tac au tac, l'animateur de l'atelier répond aux inquiétudes des locataires et désamorce les idées reçues.
Pour l'un de ses voisins, c'est l'occasion de remettre à plat ses habitudes de vie. "Pour l'instant, je ne redoute pas de payer une grosse facture, parce qu'on fait très attention. Surtout quand on a une petite retraite de 900 euros. Ici, on a pu me conseiller sur les meilleures heures pour faire tourner le lave-linge ou le lave-vaisselle. Après, je compte quand même surveiller ma consommation, les lumières et la cuisine. Je vais cuisiner en journée : en profiter le matin pour préparer un repas que je mange le midi et le soir", détaille le locataire.
Dede, elle, vit dans la résidence avec ses 2 enfants depuis novembre 2020. L'hiver dernier, elle raconte avoir dû payer 700 euros de régularisation. Elle affirme que depuis, elle a installé sur son téléphone l'application d'EDF pour suivre sa consommation. Elle aussi "cuisine en gros" pour la semaine et débranche les appareils en veille.
"Réduire ci, réduire cela", énumère Claudette, 72 ans. "Je n'ai pas envie d'avoir une facture élevée", craint la retraitée.
Des changements d'habitude énergétique bienvenus selon l'Ademe. L'agence chargée de la transition écologique estime que le chauffage ou les appareils de cuisine représentent une grande partie de la consommation électrique d'un logement.
La prévention pour éviter les factures et les loyers impayés
Les habitants y trouvent leur compte, tout comme le bailleur. "Le 4 novembre dernier, une vingtaine de locataires a participé à notre atelier qui était en libre accès. Cela représente plus de 20% de nos locataires. La mise en place de ces ateliers correspond à notre volonté d’attirer le plus large public possible. Nous avons beaucoup de locataires âgés", expose Lydia Bendifallah, cheffe de projet Développement social urbain chez CDC habitat.
"Dans cette résidence, la plupart des occupants ont peu de moyens. Il s'agit principalement de personnes âgées avec une petite retraite, très sédentaires. Il y a d'autres profils de résidents aussi, qui ont aussi besoin de chauffer davantage leur domicile. Tous redoutent l'arrivée de factures de régularisation énormes, déjà qu'ils doivent composer avec un budget très réduit". L'enjeu est de taille pour le gestionnaire : éviter ces surcoûts, sous peine de devoir faire face à une nuée de locataires qui ne peuvent payer leur loyer.
La responsable estime qu'il "faut les accompagner pour qu'ils s'approprient les nouveaux équipements et pour leur donner des bons conseils en matière d'économies d'énergie. C'est très important compte tenu de l'inflation, de la crise énergétique à durée indéterminée et des nombreux changements. Ils passent pour la majorité d'un système de chauffage collectif au chauffage individuel électrique, avec le réglage du thermostat. Ils ont aussi des modes d'emploi assez longs à lire et pas forcément intelligibles de tous."
Début janvier prochain, le bailleur social prévoit de se rendre dans les logements pour aider les locataires qui le souhaitent, à maîtriser encore plus leur consommation d'énergie.
Sur l'ensemble de la France, CDC habitat gère un parc de 350.000 logements, dont 100.000 en région Île-de-France. Parmi les occupants, le gestionnaire estime que "35% d'entre eux se trouvent sous le seuil de pauvreté". Ces mesures s'ajoutent à d'autres aides du gouvernement, comme le chèque-énergie ou l'indemnité inflation mis en place en 2021.