Améliorer le quotidien des enfants malades avec de bons repas, c'est l'ambition de la collaboration mise en place par l'Institut Gustave Roussy (un centre de lutte contre le cancer), l'association Princesse Margot et deux chefs d'un restaurant étoilé.
Rien de nouveau sous le soleil : à l'hôpital, on mange mal. Dans nombre d'enquêtes menées en milieu hospitalier, l'alimentation est souvent championne en matière d'insatisfaction. Des plats sans goût, peu appétissant, voire clairement repoussant.
C'est face à ce constat que Murielle Hattab, la présidente et fondatrice de Princesse Margot, une association qui vise à améliorer le bien-être des enfants atteints de cancer, a décidé en 2018 de lancer les premiers "repas toqués" à l'hôpital Saint-Louis. Des menus spécialement pensés pour les enfants, par des chefs cuisiniers.
"L'alimentation est primordiale"
"Quand on est malade, qu'on a une chimiothérapie, on a des nausées, une altération du goût, c'est une double peine de mal manger. L'alimentation est primordiale quand on est un enfant ou un adolescent atteint d'un cancer", explique Murielle Hattab, qui a fondé l'association suite du décès de sa fille, atteinte d'une tumeur au cerveau.
Depuis le 21 décembre, ce dispositif des "repas toqués" s'est invité à l'Institut Gustave Roussy de Villejuif (Val-de-Marne), qui accueille chaque année 3 500 enfants malades du cancer. Pendant trois mois, Irwin Durand, chef-cuisinier du restaurant étoilé le Chiberta, et Tessa Ponzo, sa cheffe-pâtissière, se sont rendus tous les mercredis dans les cuisines de l'hôpital.
En présence des enfants et de quelques parents, ils ont élaboré ensemble quatre repas que les jeunes patients pourront déguster un mercredi sur deux : "poulet du dimanche", poisson pané, hamburger revisité et kebab amélioré. "On ne cherche pas forcément le visuel, mais le côté gustatif et gourmand", explique Irwin Durand. Pour la pâtisserie, Tessa Ponzo a également revisité les classiques : madeleine, cookie, mousse au chocolat et Paris-Brest.
Dans la salle à manger, Angélique, dont la fille est hospitalisée à Gustave Roussy, termine le cookie du jour : "Ça change plutôt que de voir toujours la même chose. Ça leur permet de ne pas avoir que de la nourriture de l'hôpital. D'ailleurs la plupart du temps les enfants demandent qu’on leur ramène de la nourriture de l'extérieur."
Améliorer le quotidien
Des recettes qu'il a fallu adapter aux normes d'hygiène en vigueur dans les hôpitaux, le poisson cru et certaines cuissons de viande sont par exemple proscrites. Mais ces recettes ont également dû être ajustées en matière de goût, pour pallier la perte de sensibilité causée par les traitements.
Un défi relevé par ces deux chefs bénévoles, qui ont formé six personnes de l'Institut Roussy à la réalisation de ces repas toqués." Le métier de cuisinier est un métier de partage et on ne peut pas avoir de meilleur partage qu'ici. On se rend compte que ce qu'on est en train de faire peut vraiment changer la journée d'un enfant", se réjouit Irwin Durand.
Un moment convivial
Pour le docteur Christelle Dufour, cheffe du département de cancérologie de l'enfant et de l'adolescent à Gustave Roussy, ces repas améliorés sont un succès. "Certains enfants ne mangent pas, ils ne peuvent même pas sentir l'odeur du repas qui arrive car cela leur déclenche des nausées. Ils ont une perte d'appétit et les repas toqués peuvent redonner envie de manger", détaille la pédiatre oncologue.
Ces repas sont également l'occasion d'un moment de convivialité, le déjeuner étant pris dans la salle à manger du service. "Ils mangent tous ensemble, dans une grande salle et avec leurs parents. Dans la complexité, nous voulons remettre un peu de normalité", poursuit-elle. À terme, l'objectif pour l'Institut Roussy, l'association Princesse Margot et les chefs bénévoles est de pouvoir servir la quarantaine de repas tous les mercredis, voire plusieurs fois par semaine.