Qui n’a jamais étudié à l’école de la République une des pièces de théâtre de Molière ? De cette découverte, a pu naître de l’ennui ou un plaisir inoubliable. Au-delà du talent de l’auteur et des goûts de chacun, comment Molière est-il passé de favori du Roi-Soleil au statut d’auteur populaire et républicain ? À Versailles, une exposition tente de répondre à cette question.

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Quatre siècles ont passé depuis la naissance de Jean-Baptiste Poquelin le 15 janvier 1622 et son baptême à l’église Saint-Eustache de Paris.

C’est trop bien les quiproquos

Alban

À Versailles, là où Molière a acquis ses lettres de noblesse sous Louis XIV, tout le monde connait l’auteur et comédien. "Le Malade imaginaire, L’Avare, Dom Juan, j’aime bien Molière, c’est plein d’humour, j’adore les situations", sourit Yassine, lycéen de 15 ans. "C’est trop bien les quiproquos !", renchérit son camarade et copain Alban. Toujours sur la place du marché Notre-Dame, Béatrice, retraitée, lance spontanément : "Je n’ai que d’excellents souvenirs avec Molière", comme si l’artiste était une vieille connaissance.

Il a fallu près d’une demi-heure pour rencontrer un passant trentenaire moins emballé : "Molière, je vois bien mais ça m’a toujours gonflé", avant d’avouer presque gêné, "mais je ne suis pas Versaillais." Ceci explique peut-être cela ! Toujours est-il que Molière est ancré dans notre mémoire collective et ses œuvres se transmettent de génération en génération sur les bancs de l’école et dans les salles de spectacles.

Molière, le favori de Louis XIV  

Pour comprendre comment Molière s’est imposé dans notre culture et dans notre patrimoine artistique, rendez-vous à Versailles pour l’exposition "Molière, la fabrique d’une gloire nationale". C’est à l’Espace Richaud, Boulevard de la Reine, lieu idéal pour célébrer le Roi du théâtre.

Dans le premier espace de l’exposition, le visiteur est accueilli par un buste de Molière et le portrait officiel du Louis XIV en majesté signé Hyacinthe Rigaud. La question de l’art au service du pouvoir s’impose et le souvenir lié au manuel scolaire ressurgit. Cette peinture représentant le Roi-Soleil est la plus célèbre et la plus montrée en classe.  Avant d’être vilipendé par la Révolution pour Louis XIV et érigé en modèle républicain pour Molière, ces deux personnages font partie de l’Histoire de France.

Après des débuts à Lyon et Béziers en 1655, Molière joue pour la première fois devant Louis XIV en 1658. Un an plus tard, il rencontre son premier succès à Paris avec les Précieuses ridicules au théâtre du Petit-Bourbon. En 1664, il crée Le Mariage forcé au palais du Louvre avec le compositeur Jean-Baptiste Lully. Le souverain en personne participe au spectacle, déguisé en bohémien. La même année, direction Versailles pour la création de la première version du Tartuffe. Puis Molière et sa troupe deviennent "troupe des comédiens ordinaires du roi". Un privilège.

En juillet 1668, Molière devient le maître de cérémonie des fêtes royales. Le dramaturge et comédien meurt en 1673 et seulement neuf ans après son décès ses Œuvres complètes sont publiées. Ce premier ouvrage est à découvrir dans l’exposition.

Molière, "Républicain et populaire"

17 ans avant la fin de la Monarchie absolue et la Révolution, Voltaire est le premier grand écrivain à placer Molière au-delà de la simple figure d’artiste favori du roi. Le philosophe des Lumières publie en 1772 Vie de Molière, un étonnant éloge qui s’accompagne de réflexions sur la portée philosophique des œuvres du dramaturge.

À partir de la Révolution, tous les régimes politiques vont honorer l’héritage artistique de Molière. Sous Napoléon, il fait son entrée dans les programmes scolaires du lycée; Le Misanthrope est classé parmi les chefs d’œuvre français.

On peut parler de sacre républicain avec la Troisième République.

Martial Poirson, commissaire de l’exposition

Deux grandes plumes du XIXème siècle vont l’encenser et se placer en héritier. Dans sa préface de la Comédie Humaine, Balzac le considère comme un inégalable peintre des mœurs. En 1864, Victor Hugo qualifie Molière de "prophète du romantisme", symbole de "l’avant-garde artistique.

La fin du XIXème siècle marque un tournant majeur. "On peut parler de sacre républicain avec la Troisième République", explique Martial Poirson, commissaire de l’exposition et professeur d’histoire culturelle et d’études théâtrales à l’Université Paris 8. "Molière est présenté comme un artiste patriote", il incarne le "génie français". Il est également vu comme un auteur laïc voire anticlérical. Rappelons qu’il fut excommunié par l’Église catholique car comédien et homme de théâtre. "Son œuvre sera au cœur de la politique d’instruction publique de la Troisième République et dans tout l’Empire colonial", poursuit-il.

Molière va devenir un auteur populaire au XXème siècle, surtout au lendemain de la Première Guerre mondiale. Pour remonter le moral des Poilus, plusieurs de ses pièces sont jouées à l’arrière du front.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avec la création du festival d’Avignon, Molière est toujours sur le devant de la scène. En 1953 et en 233 représentations, 370 000 spectateurs assistent à Dom Juan mis en scène par Jean Vilar et interprété par la compagnie du Théâtre national populaire. Des croquis de costumes issus de la collection Jean Vilar sont présentés dans l’exposition et figurent parmi les documents les plus intéressants.

S’émouvoir avec Molière 

À l’issue de la visite de l’exposition, une déception : celle de ne pas lire, entendre ou voir davantage du Molière. Deux courts extraits de L’Avare sont tout de même présentés. Le premier, réalisé et interprété par Louis de Funès, et le second signé Georges Méliès, nous permettent seulement d’entrevoir cette œuvre. Rythme, mots, répliques, mouvements des corps, expressions du visage… Avant tout, Molière s’écoute, se vit et se regarde. Heureusement, l’Opéra royal de Versailles propose un cycle Molière.

Et si le Panthéon, Temple de la République, n’est plus à l’ordre du jour car "toutes les figures qui y sont honorées sont postérieures aux Lumières", le  génie de Molière ne brillera jamais autant que sur la scène du Temple du théâtre : la Comédie-Française. L’institution créée en 1680, soit sept ans après sa mort, programme de nombreuses représentations des plus grandes pièces de théâtre du comédien et dramaturge.

De la Monarchie à la République, le rideau ne se baisse jamais sur les œuvres de Molière.

Infos pratiques : Exposition, "Molière, la fabrique d’une gloire nationale" Jusqu’au 17 avril 2022, Espace Richaud, 78 Boulevard de la Reine, Versailles. Du mercredi au vendredi de 12h à 19h, et les samedis et dimanches de 10h à 19h. 

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