Rien ne s'oppose plus à leur expulsion mais les derniers occupants des terres prévues pour accueillir le futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes, se sentent revigorés dans leur bras de fer avec l'État pour "arracher l'abandon du projet".
Le Premier ministre Manuel Valls a réaffirmé mardi sa volonté de "poursuivre" le projet de transfert de l'actuel aéroport de Nantes-Atlantique, à une vingtaine de kilomètres plus au nord, en plein bocage. Mais il a en même temps donné "rendez-vous" à l'automne, "là où toutes les mesures devront être prises pour donner une avancée décisive". Certains opposants y voient un encouragement dans leur lutte contre ce projet, vieux de plus de 40 ans, et qui devait initialement aboutir en 2017 avec l'inauguration de la nouvelle infrastructure. "L'horizon s'éclaircit", estime Julien Durand, militant anti-aéroport depuis 1973 et porte-parole de la principale association d'opposants, l'Acipa. "Manuel Valls a baissé d'un ton. On va peut-être pouvoir discuter", escompte-t-il.
Reculade
"C'est un début de victoire pour nous. Quand je l'entends, je comprends qu'il ne va rien faire cet hiver. Il signe la paix pour six mois", analyse Marcel Thébault, l'un des quatre agriculteurs dont la ferme et les animaux peuvent être expulsés à tout moment. "C'est nettement une reculade. Mais il ne faut pas s'en contenter car, sur le fond, rien n'a changé", ajoute l'exploitant agricole, l'un des grévistes de la faim du printemps 2012, à l'origine d'un accord politique qui prévoyait la suspension des expulsions jusqu'à l'épuisement des recours juridiques.Les opposants au transfert réclament "une annonce claire et sans ambiguïté de François Hollande". "Tant qu'elle ne vient pas, on déploie nos actions", promet Vincent Delabouglise, membre du collectif d'organisation paysannes Copain 44, qui a organisé mercredi le déploiement de 80 "tracteurs vigilants" autour de la ferme de Marcel et Sylvie Thébault, sorte de "répétition générale" en cas d'intervention des forces de l'ordre. Cette "énième déclaration" de Manuel Valls, pour M. Delabouglise, signifie-t-ellepour autant "un répit jusqu'à l'automne", s'interroge Dominique Lebreton, autre membre du Copain 44. "Il y a toujours une épée de Damoclès au-dessus de la tête de nos collègues paysans", souligne l'agriculteur.
La pression continue
Un huissier "est passé dans les fermes" dès mardi, puis est revenu "mercredi matin" pour expliquer "que c'était la dernière visite et que la prochaine fois il aurait de quoi ouvrir les portes des maisons et que tout serait prévu pour notre déménagement. Donc la pression continue", insiste Marcel Thébault. "Nos maisons sont protégées deux mois, mais au mois d'avril, on sera expulsables et on ne peut pas promettre à nos enfants qu'on ne verra pas les forces de l'ordre arriver. On passe dans cette situation nouvelle et ce n'est pas simple. Chaque décision (de partir ou de rester, ndlr) sera individuelle", poursuit-il. "Nous, on restera là. C'est la ruine de l'âme de quitter ici", déclare M. Thébault, qui s'est installé en 1999 avec son épouse à Notre-Dame-des-Landes, où il a élevé deux enfants et plus de 70 bovins, dont 35 vaches laitières, elles aussi "militantes".Le juge de l'expropriation de Nantes n'ayant pas assorti ses ordonnances d'expulsion d'astreinte financière, le "bras de fer" continue "pour arracher l'abandon du projet", lâche l'un des membres du "comité de pilotage pour un avenir sans aéroport", qui a lancé un "appel d'offres" destiné à "remplacer celui de la préfecture" de Loire-Atlantique. Fin octobre, quelques jours avant l'annonce d'une reprise des travaux pour 2016, la préfecture avait lancé un premier appel d'offres pour des travaux de débroussaillage
de la desserte routière du futur aéroport, désormais clos.
Les quelque 200 occupants de la zone attendent quant à eux samedi et dimanche "plus de 500" participants à trente chantiers, notamment le débroussaillage d'une zone devant permettre la réouverture d'un sentier pédestre. Des rassemblements de soutien aux manifestants poursuivis par la justice sont également prévus dans les prochaines semaines, tout comme une nouvelle mobilisation le 27 février.