Selon le 6ᵉ baromètre de l'Unicef et de la Fédération des acteurs de la solidarité, plus de 2 000 enfants seraient sans solution d'hébergement à quelques jours de la rentrée scolaire, en France. Bien que la situation se dégrade dans l'Hexagone, les chiffres s'amenuisent en Pays de la Loire.
Depuis 2017, des membres de l'Unicef et de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) passent une nuit avec le 115, à l'aube de la rentrée des classes. L'objectif ? Se rendre compte du nombre d'enfants et de personnes en famille (couples avec enfant, femmes avec enfant...) sollicitant ce numéro, à la recherche d'un hébergement d'urgence.
Cette année, c'est la nuit du 19 au 20 août qui a été analysée et, au total, 59 % des demandes non pourvues concernaient des personnes en famille. Dans un baromètre, publié ce jeudi 29 août, les organisations précisent que 2 043 enfants, dont 467 de moins de trois ans, sont alors restés sans solution d'hébergement, ce soir-là, en France. C'est 120 % de plus par rapport à 2020.
« En 2022, nous avons eu la promesse du zéro enfant à la rue puis celle des 120 millions pour l’hébergement d’urgence. Ces promesses sont indispensables face à l’évolution à la hausse du nombre d’enfants sans solution » 👇 pic.twitter.com/GoiSDiI4kV
— Fédération des acteurs de la solidarité (@FedeSolidarite) August 29, 2024
"À l'échelle nationale, ces chiffres sont alarmants puisqu'ils explosent d'années en années", déplore Charlotte Abello, membre de la FAS chargée de la communication. Toutefois, cette hausse ne se reflète pas en Pays de la Loire. La région affiche effectivement une baisse importante de 52 % du nombre de mineurs restés sans solution de mise à l'abri lors de l'analyse, par rapport à 2023.
31 enfants à la rue en Pays de la Loire
Faute d'hébergement d'urgence disponible, 62 personnes en famille auraient été contraintes de dormir dehors entre le 19 et le 20 août dernier, en Pays de la Loire. Cela représente 31 enfants, dont neuf de moins de trois ans qui avaient déjà passé la nuit dans la rue la veille. "C'est certes moins que l'an passé, mais la situation reste dramatique dès lors que des mineurs continuent de vivre à la rue", fixe Maïté Fernandez, déléguée régionale de la FAS.
Nous savons que de très nombreuses personnes n'essaient même plus de composer le 115, par découragement
Maïté FernandezDéléguée régionale de FAS en Pays de la Loire
D'autant plus que ces chiffres relevés par le baromètre sont à prendre avec du recul. D'une part, parce qu'ils ne sont que le reflet d'une nuit et, d'autre part, parce qu'en moyenne près de 70 % des personnes sans-abris n’appelleraient pas ou plus le 115.
"Ce service d'aide d'urgence est de plus en plus saturé, faute de places suffisantes pour accueillir et de moyens disponibles pour que les écoutants puissent répondre à tous les appels. Au bout du téléphone, les temps d'attentes sont très longs et les réponses malheureusement trop souvent négatives, de telle sorte que beaucoup de familles restent souvent sans réponse. De fait, nous savons que de très nombreuses personnes n'essaient même plus de composer le numéro, par découragement", souligne Maïté Fernandez.
Ainsi, le nombre d'enfants à la rue est certainement plus élevé, en France comme en Pays de la Loire. À noter également que le baromètre ne prend pas en compte le cas des mineurs non accompagnés dont la plupart dorment dans des squats où les conditions de vie sont déplorables, entre insalubrité et insécurité.
Gros travail des associations ligériennes
Il est ainsi Impossible, au regard des chiffres d’une seule nuit, de déterminer si la situation s’améliore vraiment. "Il est certain, en revanche, que la pression reste extrêmement forte, sur le 115 comme sur les associations qui hébergent, qui font leur possible pour répondre aux besoins des familles, dans un contexte où les moyens sont cruellement insuffisants", avance Maïté Fernandez.
La déléguée régionale souligne aussi que l’action des travailleurs sociaux et de leurs structures associatives est indispensable à la prise en charge des personnes à la rue, et donc des enfants, et qu’elle manque de reconnaissance et de soutien.
Hier encore, deux familles avec des enfants sont venues nous demander de l'aide, malheureusement, nous n'avons trouvé aucun moyen de les héberger.
IsabelleBénévole à la Maison du Peuple
Isabelle, bénévole auprès de la Maison du Peuple de Nantes — membre du collectif des personnes à la rue — depuis 10 ans, évoque quant à elle une triste situation. "Hier encore, deux familles avec des enfants sont venues nous demander de l'aide, malheureusement, nous n'avons trouvé aucun moyen de les héberger", raconte-t-elle.
La Maison du Peuple travaille avec des hébergeurs solidaires qui accueillent les personnes à la rue une nuit ou deux, le temps que 115 trouve une solution. "Ce système nous permet parfois de faire des miracles, mais on y arrive de moins en moins", déplore la bénévole.
Maïté Fernandez souligne également que la saturation du 115 contraint tous ses acteurs à mettre en œuvre des critères de priorisation des familles et des personnes en situation de vulnérabilité, de plus en plus restrictifs. "Pour des raisons évidentes, les familles avec enfants, notamment en bas âge, sont prioritaires par rapport aux autres appels. Malheureusement, il ne faut pas oublier les hommes et femmes isolées qui restent à la rue et dont la vulnérabilité s’accroît chaque jour dans cette situation."
À noter, par ailleurs, que le 115 propose uniquement des solutions d'hébergement d'urgence de nuit. Lorsque les demandes sont pourvues, les familles sont mises à l'abri de 18 h le soir à 8 h le matin. Le reste de la journée, elles errent dans les rues. "C'est très déstabilisant pour les enfants qui ne comprennent plus où ils vont", appuie Isabelle de La Maison de Peuple.
Vulnérabilité de l'enfant
Pour que la situation s'améliore, l'Unicef et de la Fédération des acteurs de la solidarité en appellent à la responsabilité de l'État. Lors de la conférence de presse de présentation du baromètre, Adeline Hazan, présidente nationale de l'Unicef, a notamment dénoncé une "violation flagrante des principes de la Convention internationale des droits de l’enfant par la France".
Ce traité érige particulièrement "le droit d’avoir un refuge, d’être secouru, et d’avoir des conditions de vie décentes" comme un principe fondamental.
À partir du moment où on n’a pas de logement, le développement de l’enfant n’en sort pas indemne.
Adeline Hazanprésidente nationale de l'Unicef
"À partir du moment où on n’a pas de logement, on ne peut pas aller à l’école dans de bonnes conditions, on ne peut pas se soigner dans de bonnes conditions. Le développement de l’enfant n’en sort pas indemne.", a également pointé la présidente.
En effet, la rue à des répercussions désastreuses sur la vie d'un enfant. Le baromètre souligne des "conséquences néfastes sur leur état de santé" et un renforcement de "leur vulnérabilité".
L'Unicef et de la FAS demandent donc "un accueil inconditionnel et respectueux des droits de l’enfant" ainsi qu'un accompagnement des familles dans la durée. Pour cela, les organisations réclament, en partie, une revalorisation du budget de l'État alloué au logement, alors que celui voté en 2024 (1,3 milliard d'euros) a été amputé d'environ 100 millions d'euros par rapport à celui dépensé en 2023 (1,4 milliard d'euros).
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