Déjà 19 morts sur des accidents du travail en France depuis le début de l'année 2024. Une marche blanche avait lieu ce samedi matin à Saint-Colomban, en Loire-Atlantique, à l'initiative d'un collectif de familles et de l'épouse d'un salarié décédé, en 2022, des conséquences d'un accident du travail.
Trois salariés d'une grande entreprise de travaux publics descendent d'une voiture et enfilent des tee-shirts floqués de noms et de dates. Les noms de personnes décédées sur leur lieu de travail.
Ces trois salariés arrivent de Saint-Nazaire, ils sont venus rejoindre la marche blanche organisée ce samedi matin à Saint-Colomban, quelques kilomètres au sud de Nantes. Une marche pour rendre hommage à toutes les victimes d'accidents mortels du travail, elles sont plusieurs centaines par an (près de 700 en 2021 selon le Ministère du Travail), et déjà 19 depuis le 1er janvier 2024, si l'on en croit le macabre décompte tenu sur sa page facebook par le professeur d'histoire-géographie Matthieu Lépine qui dénonce ce lourd tribut payé au travail, dans son livre "Hécatombe invisible".
"La faute aux conditions de travail, disent ces trois hommes venus dire leur refus de cette situation. La faute à l'intensification du travail, aux différents niveaux de sous-traitance, aux rendements."
Pour eux, la sécurité passe en dernier sur nombre de chantiers.
"J'attends encore que le procureur ouvre un dossier"
Ils rejoignent la petite salle, dans le bourg de Saint-Colomban où les attendent les organisatrices de cette marche blanche. Notamment Claudine Duchêne, habitante de la commune dont le mari, Pierrick, est décédé le 2 janvier 2022, après avoir été victime d'un accident sur son lieu de travail.
Le 27 décembre 2021, Pierrick travaillait à la maintenance d'une machine de production de parpaings. Il a été retrouvé en arrêt cardio-respiratoire sous la machine.
"La machine aurait dû être à l'arrêt, précise Claudine qui attend toujours les conclusions des deux enquêtes, l'une menée par la gendarmerie et l'autre par l'inspection du travail. Je n'ai pas accès aux comptes rendus. J'attends encore que le procureur ouvre un dossier !"
"Le risque zéro n'existe pas mais il y a de graves manquements"
Claudine a rejoint une association nationale "Stop à la mort au travail" dont les deux co-présidentes sont venues participer à cette marche blanche.
"On a été reçus au Ministère du Travail", explique Fabienne Berard, fondatrice de "Stop à la mort au travail" et dont le fils, Flavien, est décédé sur un chantier de forage pétrolier. "On nous a dit qu'il y avait beaucoup de travaux et d'échanges entre le Ministère du Travail et celui de la Justice" ajoute-t-elle.
L'association a reçu la promesse que la priorité serait donnée à des sanctions exemplaires et des procédures plus rapides.
"Mais ça reste du domaine de la fatalité, du pas de chance, regrette Fabienne Berard. Le risque zéro n'existe pas, mais il y a de graves manquements de la part des entreprises et qui ne sont pas assez sanctionnés."
► Vidéo de la marche blanche, à Saint-Colomban.
Le cortège, de près de deux cents personnes, a pris la direction d'un petit étang, en bordure de la commune. Un lieu qu'aimait bien Pierrick Duchêne, amateur de pêche et de nature. C'est là que sera déposée une plaque à sa mémoire et à celle de toutes les victimes d'accidents mortels du travail. Après la cérémonie de cette fin de semaine, la plaque doit être déplacée vers le pont de Pont James, annonce Claudine lors d'une prise de parole.
"Quand on part au travail, c'est pour travailler, pas pour mourir" dénonce-t-elle au micro, dans un froid glacial.
Parmi les personnes présentes, des élus dont la députée européenne LFI-NUPES Marina Mesure, spécialiste du droit du travail.
"C'est une marche pour briser le silence, dit-elle au micro. Ces drames, il y a urgence qu'ils n'adviennent plus. Il faut responsabiliser les employeurs, les donneurs d'ordres, accompagner les victimes, sanctionner de manière extrêmement ferme ceux et celles qui contreviennent à ces règles."
Une longue liste de victimes a été énoncée avant qu'une minute de silence ne soit faite en leur mémoire.
"Ils sont morts au travail, pour leur travail, de leur travail", souligne Caroline Dilly, coprésidente de "Stop à la mort au travail". Son fils, Benjamin Gadreau, est mort le 23 février 2022, après avoir chuté d'une toiture. Il était couvreur zingueur.
Selon la Confédération Européenne des Syndicats : "Alors que le nombre de décès au travail augmente encore en France et qu’il ne diminue pas du tout en Espagne, on peut s’attendre à ce que cette situation perdure pendant au moins 30 ans. Il serait pourtant possible d’y mettre fin si la volonté politique existait."
La France est l'un des plus mauvais élèves sur ce point en Europe.
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