Déficiente visuelle profonde, Sabine Arbore transcrit des menus de restaurant en braille. Une centaine d'établissements en France, dont une quarantaine à Nantes, ont déjà fait appel à ses services pour rendre accessible aux non-voyants l'intégralité de leurs cartes.
Si l'on tend l'oreille devant la porte du bureau de Sabine Arbore, on peut entendre des bribes de lettres, énoncées par une voix robotisée. Il suffit alors d'ouvrir la porte pour y découvrir Sabine, plongée dans son travail de transcription.
Autoentrepreneuse, elle déchiffre les menus des restaurants, et les retranscrit ensuite en version braille grâce à un outil informatique pour les rendre accessibles aux personnes aveugles.
Sur l'écran d'ordinateur de Sabine, on peut lire la carte des plats d'un restaurant, dont chaque mot est épelé à toute vitesse par une synthèse vocale "on peut régler la vitesse de lecture de la synthèse vocale. Je vais vite parce que j'utilise cet outil depuis plus de vingt ans, mais quelqu'un qui n'a pas l'habitude peut utiliser une lecture moins rapide" assure-t-elle.
Une fois la traduction effectuée en braille, c'est par une manipulation sur un clavier, via un logiciel spécifique et assorti d'une "plage braille" qu'elle envoie son travail à l'imprimante.
À la sortie : une feuille poinçonnée, lisible pour les non-voyants, mais qui retranscrit uniquement du texte, car les graphiques sont plus compliqués à mettre en forme pour les aveugles "quand on est handicapé visuel, on préfère le textuel. Tout ce qui est beau pour les valides ne l'est pas forcément pour nous", explique Sabine.
Le braille, un système universel en perte de vitesse
C'est à l'âge de sept ans que Sabine apprend le braille. Comme six millions de déficients visuels en France, elle l'utilise au quotidien, mais déplore la disparition de cette écriture, "il y a de plus en plus recours à l'informatique, à la vocalisation des documents".
Selon elle, il est fondamental de continuer à faire vivre le braille, qu'elle qualifie d'indispensable, "c'est la base de la lecture et de l'écriture, l'équivalent du papier et du crayon pour les valides". Son travail de traductrice est à ses yeux une forme d'engagement personnel pour faire perdurer un langage universel qui lui a permis d'aller à l'école comme les autres enfants.
Le plus dur pour une personne qui apprend le braille, c'est de développer le toucher
Sabine ArboreTranscriptrice de menus en braille
"Les vrais braillistes apprécient d'être autonomes, de pouvoir lire leur carte tranquillement", affirme Sabine tout en déchiffrant le menu d'une crêperie du centre de Nantes.
Un confort qu'elle ne trouve pas toujours dans les restaurants : sans carte traduite, elle doit demander de l'aide au personnel qui, selon elle, donne souvent un unique aperçu du menu sans détailler les ingrédients, ni tous les plats.
"On n'a pas l'intégralité des menus au même titre que les valides, donc on est pénalisés" déplore-t-elle, avant d'ajouter que c'est ce constat qui l'a aussi poussé à proposer ses services de transcription aux restaurants.
Des transcriptions en braille, pas seulement pour les restaurants
Une démarche en faveur des personnes handicapées que Sabine veut pertinente jusqu'au bout "je ne vais pas proposer mes services à un restaurant dans un petit village, difficile d'accès pour les non-voyants par exemple".
Elle complète ce travail en proposant des retranscriptions en braille dans d'autres domaines : pour des carnets de chants, des livres de recettes, toute sorte de documents "et même des livres de blagues" ironise-t-elle.
Inventé en 1825, le système de lecture et d'écriture repose sur la combinaison de six points saillants, répartis sur deux colonnes, et pouvant créer au total 64 combinaisons adaptées à la pulpe de l'index : les lettres de l'alphabet, les accents, les signes mathématiques et scientifiques.
Voir le reportage de Sandrine Gadet, David Jouillat, Dominique Dallemagne et Nathalie Saliou
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