"Du jamais vu !" , après 8 mois de pluies, les marais noyés et les éleveurs sous l'eau

Les pluies incessantes de ces derniers mois ont fragilisé certains éleveurs du pays de Retz en Loire-Atlantique. La confédération paysanne alerte la préfecture et réclame le versement immédiat des aides PAC et bio.150 exploitations sont touchées.

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À perte de vue, des terres noyées, détrempées par des mois de précipitations. Dans le pays de Retz, certains éleveurs boivent la tasse. 

À Frossay, la ferme de Maxence Kaczmarek et Camille Brin est à cheval sur deux communes. 210 hectares composés à 80 % de zones humides. Au téléphone, c'est le père, Alain Prin, qui répond. "Parce que le fils est dans les prés, les pieds dans l'eau." 

Des marais inondés

"Depuis le mois d'octobre, les pluies sont abondantes, c'est en continu et on est toujours sur du mauvais temps. Les marais ont été inondés dès l'automne, donc il n'y a pas eu de pâturage cet hiver. Il n'y en a pas eu non plus en avril-mai, parce qu'ils étaient encore inaccessibles. L’herbe n'a pas repoussé.

explique le patriarche qui veille encore sur l'exploitation.

La situation est inédite, du jamais vu.

Même les éleveurs les plus anciens n’ont pas souvenir d’une saison aussi difficile.

Confédération paysanne de Loire-Atlantique

Malgré un écoulement sans interruption du lac via l’Acheneau, l’eau n’est pas encore complètement évacuée. Pendant 7 mois ½, c'est un record.

L’état des marais est catastrophique. Au 3 juillet, il reste encore de l’eau par endroit. Le pâturage y est très retardé, voire pas démarré du tout

Confédération paysanne de Loire-Atlantique

Les foins retardés

Conséquences ? "Les récoltes de foin n’ont pas débuté, elles vont être très différées... Avec moins de volumes et une qualité dégradée", précise le syndicat agricole.

Les stocks de fourrage seront difficiles à reconstituer, alors que les hangars étaient vides après un hiver avec affouragement précoce en automne et tardif au printemps.

"Beaucoup de foins n'ont pas pu être faits. Et là maintenant, on sait que ça ne va pas être du bon foin. Ils auraient été bons s'ils avaient été fauchés entre le 1ᵉʳ juin et le 25 juin. On arrive au 14 juillet, toujours rien et avec la pluie encore annoncée ces prochains jours, on ne peut pas accéder en tracteur aux marais. C'est beaucoup trop humide", confirme l'éleveur Alain Prin.

Les réserves de foins ne vont pas se refaire. Ça fera de la litière, mais on ne nourrit pas des vaches avec de la litière

Alain Prin

Eleveur de vaches bio à Frossay

Les vaches à l'étable

Impossible par ailleurs de mettre les vaches à pâturer dans les marais.  Résultat, une consommation très élevée des stocks et une surexploitation des prairies temporaires des terres, préjudiciable à leur production future.

"Le marais contribue parfois à compenser le manque de paille par la valorisation du roseau en litière. Ce ne sera pas possible cette année, alors qu’il y en aurait besoin vu le déficit de paille prévu"

Confédération paysanne

Seule solution dans de telles conditions, acheter du foin, un surcoût de 3 000 euros. "Nous en avons trouvé en bio, mais l'hiver prochain, je ne sais pas qui pourra nous en vendre. Parce que c'est tout le monde qui souffre", poursuit Alain Prin.

S'il n'est pour l'instant pas quantifiable, le manque à gagner risque d'être élevé. "Les animaux sont restés à l'étable cinq mois de plus. Pendant tout ce temps, il faut de la mécanisation pour affourager, pour mettre de la paille, pour ressortir le fumier. D'ordinaire, il y a moins de frais", ajoute l'éleveur.

Quant au manque de foin, il l'estime à 120 tonnes. Un gros trou dans la caisse à n'en pas douter.

Une trésorerie qui fond comme neige au soleil. Alors pour faire face, il a fallu se résoudre à vendre des bêtes.

Ils ont déjà vendu 30 vaches. Il vaut mieux avoir moins de têtes à nourrir, pas le choix

Alain Prin

Eleveur de vaches bio à Frossay

"Et ils seront obligés d'en vendre d'autres en septembre, octobre ou novembre", déplore Alain Prin.

Le dérèglement climatique a sévèrement touché l'exploitation. "En 2022, c'était la canicule, cette année, c'est l'eau. Le système qu'on avait avec 210 hectares pour 230 bêtes, si ça continue, on ne pourra pas le maintenir. Donc, il faudra changer, on ne pourra pas continuer comme ça", s'inquiète l'éleveur.

D'autant que les aides à l'agriculture bio diminuent et que l'état de catastrophe naturelle ne pourra être reconnu. 

"Il n'y a pas eu une journée avec un gros orage ou une tempête de grêle. Il faut quand même que les autorités administratives soient attentives, et admettent que ces huit mois de pluie ont un impact aussi énorme, voire plus qu'un épisode climatique exceptionnel", espère Alain Prin.

Côté culture, le bilan est bien maussade lui aussi. Les blés plantés à l'automne ont pourri et au printemps peu de semences.

L'avenir semble donc bien sombre. "Ça va être difficile de conserver nos productions", admet l'éleveur. "Il y a aussi la quantité de nourriture pour les habitants de la planète. À l'échelle de notre ferme, ce n'est pas très grave, mais quand on voit les conséquences du dérèglement climatique à l'échelle mondiale, ça devient problématique. Il y a déjà environ 800 millions de personnes qui ne mangent pas à leur faim, qui souffrent de la faim", conclut Alain Prin.

La situation est aggravée par un développement démesuré de la jussie. "Là où elle était jusqu’ici contenue dans les douves et les rives, elle colonise en ce début d'été des surfaces très importantes, parfois des parcelles entières, diminuant la qualité fourragère et l’équilibre fourrager futur des exploitations concernées", constate par ailleurs la confédération paysanne.

Certaines fermes qui contribuent à valoriser les milieux humides et à préserver leur équilibre sont donc gravement impactées.

En début de printemps déjà, les agriculteurs étaient inquiets.

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Portrait d'un éleveur bovin de LOire-Atlantiquequi souffre des conditions météo très défavorables depuis quelques mois ©Céline Dupeyrat/Cyril Dudon

Pour répondre à l'urgence, le syndicat sollicite la préfecture et l'invite à venir constater les dégâts sur les exploitations. La confédération réclame "le versement immédiat des aides PAC et bio en retard, un financement spécifique pour les achats de fourrages et la compensation des pertes de qualité et des charges supplémentaires". L'invitation est pour l'instant reste lettre morte. 

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