Moins payées, moins médiatisées, mais beaucoup plus titrées, l'exceptionnelle saison des sportives nantaises

À Nantes, la saison se termine pour les clubs sportifs. Sur les parquets ou les terrains, les Nantaises ont brillé. Première coupe de France pour les volleyeuses, première accession en D1 pour les footballeuses. Moins payées, moins médiatisées, cette année les filles ont été au sommet.

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Ce n'était pas la Beaujoire des grands soirs, les féminines ne foulent pas la pelouse des stades réservés à l'élite masculine. Elles doivent se contenter d'infrastructures plus modestes et ne jouent pas à guichet fermé devant 30 000 supporters. Leur antre, c'est Marcel Saupin. Verrouillé à l'approche de Paris 2024, le stade est mis à disposition des Jeux Olympiques et se refait une beauté.

Direction, donc, la Chapelle-sur-Erdre. Autour du terrain et dans les tribunes de l'enceinte Julien Morin du Buisson de la Grolle, il n'y avait "que" 1 800 personnes.

Mais il y a eu du spectacle et du talent. Le FC Nantes version filles, c'est un club que l'on n'attendait pas et qui gagne. Une première montée en D 1 historique, là où les Canaris ont bouclé une saison en flirt permanent avec la redescente. Avec, pour finir, un 4-0 qui en dit long sur les performances masculines d'une équipe médiocre de bout en bout, mais attire toujours la lumière et les sponsors. 

Avec 12 contrats fédéraux, le maximum en D2,et budget conséquent d’1 million d’euros, il va désormais falloir pour les féminines rivaliser avec de puissantes écuries.

L'an prochain, il va falloir assurer face à de grosses pointures comme l'Olympique lyonnais ou le PSG, les matchs seront plus regardés, plus exposés

Nicolas Chabot

Entraineur du FC Nantes

 "Les filles sont préparées, elles savent à quoi s'attendre l'an prochain", conclut le coach.

Honnêtement, en toute humilité, on n'a jamais douté, on connait nos forces. Le plan de jeu était très travaillé. On savait que le mental ferait la différence. Nous étions prêtes et déterminées

Syllia Koui

Joueuse du FC Nantes

Aucune crainte et beaucoup de sérénité chez la capitaine nantaise. Pourtant, le club a été repêché administrativement après une descente sportive en 2023 et dans le groupe, il ne restait que quatre rescapés. Il fallait donc tout reconstruire.

"L'essentiel, c'était de progresser, de créer des fondations sportives et humaines solides", explique la capitaine et milieu de terrain. Syllia Koui quitte le club en ayant inscrit les deux buts de la victoire "sans regret et avec beaucoup de fierté. Je vais suivre de près ce qui se passera dans les années à venir".

Il faut dire que ce ne sont pas les salaires qui pourraient retenir les joueuses, on est loin, très loin des moyennes à 80 000 euros bruts par mois touchés par les hommes.

Des avancées, il y en a. Samedi 9 mars 2024, au lendemain de la journée de mobilisation pour les droits des femmes, la mairie de Nantes officialise la création d’un stade de foot dédié à la pratique féminine, quartier Doulon-Bottière. 

Après plusieurs mois de réfection, le nouveau terrain de la Marrière, en pelouse synthétique, a été livré en novembre. Il est principalement utilisé par le Groupement féminin Nantes est (Saint-Pierre, Saint-Médard, Nantes est Football Club et RACC football). Jusqu'alors les entrainements se tenaient sur quatre terrains et les créneaux de disponibilité étaient difficilement partageables. 1,1 million d’euros ont été investis l’opération. 

"Agir pour l'égalité"

Professionnaliser, rendre visible et valoriser le sport féminin, c’est un des objectifs des Neptunes de Nantes. Une entité à deux têtes, d'un côté le hand avec une jolie 3ᵉ place en Coupe d'Europe et le volley qui cette année a décroché sa première Coupe de France et termine 2ᵉ du championnat.

LIRE AUSSI. Coupe de France de volley-ball. "Un match de ouf ! ", les Neptunes remporte leur premier titre

Le club veut "agir pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Il faut être ambitieux pour faire bouger les lignes, exigeant aussi, et viser l’excellence. Depuis deux ans, le club a créé un modèle unique en Europe et est pionné dans le domaine du sport au féminin."

"Oui, évidemment que le sport féminin a du retard sur le sport masculin et surtout en matière de moyens financiers.  Les droits télé notamment ont permis de donner rapidement du capital au sport masculin. Ils sont une manne financière structurante, ç'a permis aux hommes de prendre pas mal d'avance sur la professionnalisation de leur sport et sur tout un tas de choses", explique Olivier Jehannet, président des Neptunes de Nantes. 

Je pense que la société dans laquelle on vit, au-delà des enjeux sociétaux sur la place de la femme, sur son émancipation et son développement, change.

Olivier Jehannet

Président des Neptunes de Nantes

"Le pouvoir et l'intérêt nouveau des marques pour les femmes qui font tout un tas de choses aussi bien, voire mieux dans certains domaines que les hommes, l'attrait commercial, fait que la balance se déplace, mais on est encore loin de l'équilibre", ajoute Olivier Jehannet.

Et question salaires ? 

"À sport équivalent, je connais mal les salaires dans le volleyball masculin, mais je pense qu'on n'est pas très éloigné de ce qui se fait dans le handball masculin. Les salaires qu'on offre à certaines joueuses correspondent quasiment aux meilleurs salaires qui existent chez nos voisins du H. Je ne sais pas si l'ensemble de la masse salariale et la moyenne dans notre effectif correspond à celui du H", répond le président des Neptunes de Nantes.

Je pense qu'on n'a pas à rougir de ce qu'on a pu proposer, notamment cette saison à nos joueuses

Olivier Jehannet

Président des Neptunes de Nantes

"C'est sûr que le modèle économique du sport féminin a encore besoin d'être consolidé, de se trouver. Aujourd'hui, chez nous, l'activité fonctionne parce qu'il y a des partenaires derrière et des actionnaires qui mettent de l'argent", précise Olivier Jehannet.

 Il faut mettre les bouchées doubles pour rattraper le retard, mais il faudra bien stabiliser à un moment car ça ne peut pas être une course effrénée à la masse salariale

Olivier Jehannet

Président des Neptunes de Nantes

7 millions d'euros de budget

Le budget des Neptunes de Nantes, volley et hand, avoisine les 7 millions d'euros.

"On a la chance d'avoir été bien suivis quand il a fallu par les collectivités, notamment Nantes métropole. Il y a encore quelques iniquités dans les subventions, mais globalement, on ne va pas leur cracher dessus. Il y a les aides, l'accompagnement, la mise en place des équipements sportifs, des infrastructures. Avec tout ça, on n'est quand même pas à plaindre", admet le président des Neptunes.

Côté Département, l'investissement est modeste. "Mais ils ont une vraie politique du sport pour tous, du maillage du territoire qui bénéficie directement à l'association et donc directement aux équipes. Après, on sait tous que par les temps qui courent, les finances publiques ne sont pas au top, on fait avec ce qu'on nous donne", se satisfait le président des Neptunes qui savoure une "saison géniale."

On a enchainé 6 compétitions. Résultat ? 5 titres, un bilan exceptionnel. Avec le FC Nantes qui monte en D1, c'est vrai que le sport féminin dans notre ville se porte très bien

Olivier Jehannet

Président des Neptunes de Nantes

"Elles ne lâchent rien ! "

Nicolas Trouvat, préparateur physique des volleyeuses et des handballeuses nantaises, est un homme heureux, lui aussi.

"Les filles ont beaucoup de talent et surtout, elles travaillent très dur, elles sont très sérieuses. Quand on arrive à combiner les deux comme ça, à obtenir une bonne structuration, et avec un tel investissement, on ne peut que gagner !"

"Elles ne lâchent rien ! On l'a vu notamment au volley, il y a eu des remontées impressionnantes pour gagner des matchs et puis une saison très compliquée à gérer avec beaucoup de matchs en très peu de temps", raconte le préparateur physique.

Ce sont des athlètes qui sont capables d'aller très loin dans la compréhension de ce qu'elles font. Elles sont toujours extrêmement curieuses, elles veulent savoir pourquoi elles font tel exercice. Elles sont dans un partenariat de performance avec moi

Nicolas Trouvat

Préparateur physique des Neptunes de Nantes

"Moi, j'individualise les séances, chaque jour, je réponds à chacun des besoins. J'échange beaucoup avec elles. On est dans cette relation de sportives qui veulent vraiment aller au fond des choses et qui appliquent parfaitement dès le premier jour ce qu'on leur demande", confie le préparateur physique.

Pour moi, ça, c'est assez rare et c'est une qualité qu'on retrouve chez les femmes et moins chez les hommes qui, pour schématiser, sont un peu plus bourrins

Nicolas Trouvat

Préparateur physique des Neptunes

Une recherche de l'excellence qui passe par tous ces petits détails, cette application constante, une envie de progrès, de développement.

On donne moins de crédit aux femmes. Elles doivent aller chercher plus loin pour être encore plus fortes et laisser moins de place au hasard

Nicolas Trouvat

Préparateur physique des Neptunes de Nantes

Nicolas Trouvat se dit aujourd'hui "très fier" d'avoir apporté son expertise à ces athlètes. Mais il sait que pour les féminines, le chemin est encore long, même si lui officie pour un club qui œuvre pour la parité. "Elles ont rempli la Trocardière, 4 500 places quand même", rappelle-t-il.

"Plus physique et plus spectaculaire"

Et côté performance, ces athlètes n'ont rien à envier aux hommes. 

"Aujourd'hui, on voit le résultat avec des projets type Neptune où on donne aux femmes la même place qu'aux hommes, le même accès aux infrastructures. Désormais, les femmes sautent aussi haut que les hommes, ou presque, elles courent aussi vite. Il y a des femmes qui battent les hommes sur les tests. Les différences physiologiques naturelles existent bien sûr, mais en valeur pure l'écart se réduit de plus en plus".

Le sport féminin va devenir de plus en plus en plus physique et de plus en plus spectaculaire

Nicolas Trouvat

Préparateur physique des Neptunes

Des femmes qui cartonnent, qui impressionnent, mais qui restent dans l'ombre. En quelques années, la proportion de temps d’antenne consacrée à la retransmission de compétitions sportives féminines a progressé de manière significative, +10 % par rapport à 2012, mais reste insuffisante. 

Le sport professionnel féminin doit par ailleurs asseoir un modèle économique pérenne. Les recettes de sponsoring sont par exemple cinq fois moins élevées que celles du sport masculin.

Selon un rapport récent de l’ARCOM (ancien CSA), 72 % des retransmissions télévisuelles sont exclusivement consacrées aux sports masculins.

Le match est loin d'être gagné. Les footballeuses de l'US Orléans viennent d'apprendre la suppression pure et simple de leur équipe. Élus locaux et supporters sont vent debout contre cette décision piteusement justifiée par le président du club "comme un choix budgétaire".

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