"Mon enfant a souffert avant de mourir", le procès des auteurs présumés de la mort de Nadir Marouf s'ouvre devant les assises de Nantes

Quatre accusés devront répondre de "vols avec violence ayant entrainé la mort" du jeune Nadir Marouf, un lycéen sans histoire âgé 18 ans. Ils encourent la perpétuité. Le procès s'est ouvert devant la cour d'assises de Nantes. La mère de la victime s'exprime pour la première fois.

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C'est un procès qui s'annonce douloureux pour la famille du Nadir Marouf, tant les quatre accusés se renvoient la balle.

Qui a tué Nadir ?

Le 9 août 2020, le corps inerte du lycéen brillant et sans histoire était retrouvé par Lola, une amie d'enfance. Inquiète de ne pas avoir de nouvelles, elle se rend au domicile familial et trouve la porte ouverte intacte. En entrant, elle aperçoit la dépouille du jeune homme, les pieds entravés par du ruban adhésif, un oreiller recouvre son visage. L'autopsie révèlera qu'il est mort suit à une strangulation manuelle, asphyxié puis étouffé. Mais que s'est-il passé, qui a fait quoi ? C'est tout l'enjeu du procès. Durant l'instruction, les trois principaux suspects, incarcérés et âgés de 24, 26 et 48 ans, poursuivis pour "vol avec violences ayant entrainé la mort", ont livré des versions très contradictoires.

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En ouverture du procès ce vendredi matin, un des avocats de la défense, maître Franck Boëzec qui représente Dahou Rahou, un des quatre accusés, le seul à comparaitre libre, conteste la constitution de partie civile de la jeune femme au motif "qu'elle ne serait ni victime, ni membre de la famille."

Une demande rejetée par la cour. Lola, la jeune femme qui a grandi au côté de Nadir fait partie d'un groupe d'amis très soudé, quatre adolescents qui se connaissent depuis le collège et partent régulièrement ensemble en vacances. Tellement proche, que près de quatre ans après les faits, Lola fait toujours l'objet d'un suivi psychologique important. 

"Je sais qu'il a souffert"

Au terme de cette première matinée, la mère du jeune Nadir, jusque-là très discrète, s'est exprimée. C'est une femme brisée qui prend la parole.

Mon fils ne reviendra jamais. Il est parti, il avait 18 ans, c'était quelqu'un de très intelligent, de très gentil

Nabila Belhalfaoui

Mère de nadire Marouf

" J'ai perdu un fils, j'ai une maladie génétique, j'ai mes filles, mais les garçons ont un X (chromosome) fragile, j'ai deux garçons qui sont handicapés. C'était le seul...c'était un miracle, c'était le seul qui était normal et très intelligent. Il avait 18 de moyenne. C'était ma continuité, c'était lui qui devait s'occuper de son frère Wessim qui est handicapé. Maintenant Wessim n'a plus rien, il n'a plus personne après moi. Personne ne pourra me rendre mon fils", raconte Nabila Belhalfaoui.

Sa voix est étouffée par le chagrin, mais elle défend sa vérité. Elle pointe Dahou Rahou comme le principal responsable. Les trois autres, ceux qui étaient sur place cette nuit-là, ceux qui comparaissent pour vol avec violences ayant entrainé la mort de son fils "sans lui, ils ne seraient pas venus. Ce sont des SDF, des sans-papiers, des migrants. Ils ne seraient pas venus chez nous."

"Pour moi, celui qui a tout fait, c'est monsieur Rahou. C'est lui qui a tout préparé, c'est lui qui a volé les clés à mon mari, c'est lui qui a fait le double. Sans lui, ils ne nous connaissent pas ces gens-là. C'est lui qui nous connaît, c'est lui qui est venu chez nous. C'est lui qui connaît Wessim", assène-t-elle.

Pour moi, c'est lui, il est en liberté. Et c'est ça qui me met en colère. C'est lui qui a tué mon fils !

Nabila Belhalfaoui

Mère de Nadir Marouf

"C'est lui qui a pris le cercueil"

 "C'est mon mari qui le connaissait surtout. Et en plus, il a fait le couscous pour nous. Les musulmans ont fait le couscous quand il y a un mort. Mon époux l'a appelé. Il lui a dit, voilà, je veux faire le couscous. Il lui a dit, je m'occupe de tout. C'est lui qui a tout fait. On voulait lui donner de l'argent. Il a refusé", explique Nabila Belhalfaoui.

"Et le jour où on a pris le cercueil, dans la mosquée, c'est comme chez vous, dans les églises, pour faire la prière du mort, il était là. C'est lui qui a pris le cercueil. Il m'a ramené des gâteaux. Il a osé venir vers moi, me regarder et me donner les gâteaux. Alors que c'est lui qui a tué mon fils. Il faut avoir du courage pour faire ça."

C'est une grande trahison. Quand mon mari allait à la mosquée, il emmenait Wessim avec lui. Et quand il était en réunion, il laissait Wessim avec lui. Pour vous dire la confiance qu'on avait

Nabila Belhalfaoui

Mère de Nadir Marouf

Elle raconte son arrivée en France et ce fils qui "l'a toujours soutenue".

Même quand j'avais des problèmes avec mon mari, c'est lui qui réglait les choses. C'était quelqu'un de merveilleux

Nabila Belhalfaoui

Mère de Nadir Marouf

"Je sais qu'il a souffert, mon enfant a souffert avant de mourir", s'indigne cette mère que rien ne consolera.

Elle décrit un enfant calme.  "Ce n'est pas quelqu'un qui se dispute. Non, je sais qu'il est peureux. Je n'étais pas là pour le défendre. Je n'étais pas là.

Vous savez ce que j'ai dit à mes filles en Algérie ? Quand je vais mourir, vous n'allez pas mettre la date de ma mort. Mettez le 9 août 2020.

Je suis morte le 9 août. Je suis morte avec Nadir

Nabila Belhalfaoui

Mère de Nadir Marouf

"Je suis une autre personne. Si je continue à vivre, c'est pour Wassim. Parce qu'il est handicapé. Il n'a personne après moi. Je suis partie avec mon fils. C'est tout ce que j'ai à dire", insiste-t-elle.

L'audience a repris avec l'examen de personnalité des accusés.

"Quelqu'un de très inséré"

"Mon client est quelqu'un de très inséré, c'est quelqu'un qui a toujours travaillé, parfois dans des conditions difficiles. Et donc, il a un parcours professionnel assez lisse. Il a un parcours de vie également assez commun", explique Franck Boëzec, avocat de Dahou Rahou.

"Il a toujours fait montre d'une très grande détermination. Et puis, en même temps, c'est quelqu'un qui est décrit comme étant très simple dans sa façon d'aborder les gens, assez généreux, pas du tout agressif. Il mène sa petite vie, en sortant les poubelles le matin dans les halls d'immeubles. Il se lève très tôt pour aller faire les nettoyages dans les halls d'immeubles, des choses comme ça. C'est un travail qui est un peu ingrat, mais voilà, c'est sa vie", précise l'avocat de la défense.

"Je pense qu'il faut attendre que le procès se déroule. On a pu comprendre effectivement pendant l'instruction que mon client était parfois désigné comme étant l'homme orchestre, la personne qui est responsable de tout. Évidemment, il conteste formellement cela puisqu'il conteste les faits de manière générale et donc a fortiori d'avoir initié quoi que ce soit qui est à l'origine de la mort malheureuse de ce jeune garçon", conclut Franck Boëzec.

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