Plongé dans un conflit social européen, la compagnie aérienne Ryanair a changé de cap vendredi et proposé de reconnaître des syndicats, une concession accueillie de façon prudemment favorable par les organisations de pilotes. Serait-ce suffisant pour éviter la grève, notamment prévue ce mercredi ?
Arrivée en novembre 2005, Ryanair dessert depuis Nantes les villes de Marseille et Dublin et Fès. Depuis l'automne 2017, la compagnie low-cost a rajouté Edimbourg comme destination. Elle vient s'ajouter à 24 autres compagnies. Sauf que les fêtes approchant, le personnel aérien prévoit de débrayer. Une grève pourrait bien éclater ce mercredi et toucher l'aéroport de Nantes.
Confrontée à une mobilisation sociale croissante de certains de ses pilotes excédés par ses méthodes de management, la compagnie à bas prix a obtenu un peu de répit et une nouvelle chance de discuter au moment où la menace d'une grève historique plane sur son modèle.
La démarche de Ryanair "est un premier pas très important", a commenté l'Association nationale des pilotes de l'aviation civile (Anpac) italienne,
qui a suspendu sa grève de quatre heures prévue pour vendredi. Les commandants et copilotes italiens avaient prévu ce débrayage en raison du
refus de la direction d'ouvrir des négociations sur les contrats de travail.
Ryanair, qui jusqu'ici ne reconnaissait aucun syndicat, ne propose néanmoins de ne traiter qu'avec des syndicats de pilotes - et constitués exclusivement d'aviateurs de la compagnie -, sans évoquer le reste du personnel.
Mise sur le tarmac afin d'éviter toute perturbation du trafic pendant les fêtes de Noël, cette proposition a néanmoins intéressé les syndicats de pilotes auxquels elle a été adressée dans les principaux pays d'activité de Ryanair.
- Le syndicat irlandais Impact a fait part de son souhait de voir vendredi ou au cours du week-end la direction de Ryanair pour "faire des progrès" avant une grève prévue pour mercredi.
- Au Royaume-Uni, le syndicat Balpa a dit accepter de discuter en vue d'être reconnu en tant que syndicat représentatif des pilotes Ryanair. Frances O'Grady, la secrétaire générale de la confédération syndicale TUC, qui englobe Balpa, a espéré que ceci était révélateur d'"un changement plus large de Ryanair en vue de devenir une compagnie plus aimable avec les syndicats", qu'elle a toujours ignorés et admonestés jusqu'à présent.
- Au Portugal, où une grève des pilotes est également prévue pour le 20 décembre, le syndicat du personnel de bord a fait savoir qu'il voulait lui aussi entamer un dialogue social avec Ryanair.
- En Allemagne, où le principe d'une grève avait été décidé, sans qu'une date soit fixée, le syndicat Cockpit a salué "un premier pas de Ryanair",
- tout en mettant en garde la compagnie contre l'adoption d'"une tactique pour gagner du temps".
- En Espagne, où les syndicats du personnel au sol n'écartent pas une action le 30 décembre, la reconnaissance des syndicats de pilotes est en revanche perçue comme étant du "bluff", comme l'a déclaré à l'AFP Jorge Carrillo, du syndicat CCOO.
Nouveau modèle
Reconnaître des syndicats sera un changement important pour Ryanair
a reconnu le directeur général de la compagnie, Michael O'Leary, coutumier jusque-là des déclarations incendiaires à l'encontre des syndicalistes.
"Nous allons maintenant traiter avec nos pilotes par le biais de structures syndicales nationales reconnues et nous espérons que ces structures pourront être et seront convenues avec nos pilotes" au début de l'année prochaine.En trente ans d'existence, la compagnie irlandaise n'a connu aucun débrayage de pilotes, mais un automne tumultueux marqué par des milliers d'annulations de vols a témoigné d'un malaise social, même si Ryanair a mis ces perturbations sur le compte de problèmes de plannings de vacances.
Première compagnie européenne en termes de passagers transportés, Ryanair ne voulait négocier jusqu'à présent avec ses pilotes qu'au sein de comités locaux de représentation.
Les pilotes mécontents, qui réclament de meilleures conditions de travail et de rémunération, demandent à être tous recrutés avec des contrats relevant du droit du pays où ils sont basés - ce qui est loin d'être le cas actuellement.
La direction de Ryanair a fait ces derniers mois diverses propositions pour améliorer les rémunérations et la protection sociale et a nommé un nouveau chef des opérations, l'ancien directeur général de Malaysia Airlines Peter Bellew, avec pour mission première de prendre soin de la carrière des pilotes.
Nous avons besoin d'évoluer. Nous avons changé de modèle économique dans le passé.
"Nous sommes devenus en 2013 plus soucieux du client. Et je pense que désormais nous reconnaissons la valeur de notre réseau de pilotes", a expliqué M. Bellew, vendredi sur la radio BBC 4.