Le tribunal correctionnel de Nantes a prononcé jeudi 12 décembre 2024, trente mois de prison avec sursis et 30.000 € d'amende à l'encontre d'un ancien cadre de la ville de La Roche-sur-Yon. Il était jugé notamment pour "trafic d'influence" quand il travaillait comme chef de service à Nantes Métropole en 2009 et 2010.
Il échappe à l'incarcération. Il y a quelques semaines, un an de prison ferme et trois autres avec sursis avaient été requis contre Philippe X jugé pour "trafic d'influence" et "atteinte la liberté d'accès ou à l'égalité des candidats dans les marchés publics". Les juges de Nantes ont donc finalement opté pour le sursis. Cinq de ses huit co-prévenus ont été relaxés ce jeudi 12 décembre 2024 par le tribunal correctionnel de Nantes et trois ont écopé de six à dix-huit mois de prison avec sursis. Deux d'entre eux ont écopé en plus d'une amende de 10.000 €.
Philippe XXX - qui était précisément chef de service à la Conduite d'opérations en maîtrise d'ouvrage (COMO) au sein de la communauté urbaine de Nantes - se livrait en fait à une "analyse fictive des offres" qui lui étaient soumises de la part de candidats à des marchés publics, selon l'accusation. Il avait ainsi pu se rendre "dans un bar à bouchon avec prestations sexuelles en Pologne" ou assister à des matchs de rugby internationaux à Dublin (Irlande) et Edimbourg (Ecosse), avait-il été dit au début des trois jours du procès.
"Je me suis retrouvé avec un bureau à côté des toilettes"
Mais cet ingénieur territorial entré à Nantes Métropole en 2004 avait été dénoncé le 31 janvier 2012 par le "courrier anonyme" d'un "collectif de fonctionnaires encore non résignés" qui n'avaient pas pu être identifiés par les enquêteurs de la police judiciaire (PJ) de Nantes : il faisait état de "pratiques douteuses confinant à un véritable racket".
En parallèle, Philippe X. avait fait l'objet d'une procédure disciplinaire de la part de la communauté urbaine de Nantes : sa hiérarchie lui avait demandé "en vain" d'être "plus précis" dans ses Rapports d'analyse des offres (RAO). Ce fonctionnaire "négligent", selon l'une de ses collègues, avait en effet pour habitude de "ne pas motiver" par écrit ses choix : il donnait simplement à l'oral des "éléments invérifiables" aux élus quand le dossier passait en commission.
Il n'avait finalement jamais eu de sanction disciplinaire : il avait candidaté entre-temps à la ville de La Roche-sur-Yon et avait été pris par l'ancienne équipe de Pierre Regnault (PS). Près de 38.400 € seront par la suite retrouvés dans le coffre-fort d'une banque aux Sables d'Olonne (Vendée) mais cette somme d'argent était le résultat de la "vente de pièces d'Aston Martin" selon l'intéressé. Selon l'accusation, Philippe Marty aurait aussi encaissé "89.193 € en espèces".
Sa carrière à La Roche-sur-Yon avait toutefois tourné court : une "restructuration" avait été engagée en 2015 suite au "changement de gouvernance politique" après la victoire de Luc Bouard (Horizons). "Le directeur général des services a été changé pour quelqu'un qui correspond mieux à la couleur politique [du nouveau maire, ndlr] et un certain nombre de cadres ont été aimablement remerciés", avait raconté Philippe X au premier jour de son procès. "Moi, je me suis retrouvé avec un bureau à côté des toilettes."
"Je suis une victime du système"
Cette "placardisation" l'avait poussé dans "la dépression" mais la ville de La Roche-sur-Yon avait refusé de faire un lien de cause à effet, estimant que la maladie était plutôt due à sa mise en examen pour "trafic d'influence" dans ses fonctions antérieures. Cet aspect du dossier avait ainsi donné lieu à plusieurs contentieux au tribunal administratif de Nantes.
Celui qui travaille désormais dans le privé dans "la protection de la santé" chez Yseis, une entreprise de Maisons-Alfort (Val-de-Marne), était inconnu de la justice au moment des faits mais a été condamné entre-temps pour "trafic d'influence passive" en ayant accepté "une carte de télépéage et d'essence" d'une société "travaillant régulièrement sur les marchés publics". Depuis, Philippe X a fait l'objet d'un contrôle fiscal et a dû "vendre sa maison" pour payer les 265.000 € de revenus non déclarés et de pénalités rajoutés par le fisc.
Au cours de ces "douze ans de procédure" marqués par "une accusation à trous" sur "la base de ouï-dire et d'hypothèses", ce chef de service "gênait" en réalité la communauté urbaine de Nantes, était convaincue son avocate. "Je ne sais pas s'il avait des informations, mais cette procédure disciplinaire avait pour objectif de le faire partir. Nantes Métropole ne l'a d'ailleurs pas communiquée à La Roche-sur-Yon : elle voulait tout simplement se débarrasser de lui. Qu'on ne nous laisse pas croire que tout se passe dans les règles à Nantes Métropole ! On veut nous faire croire qu'il avait un pouvoir monumental alors qu'il n'avait en réalité plus la main pour les marchés supérieurs à 20.000 €."
Philippe X a au final certes "accepté des week-ends" avec ses relations de travail mais il a "toujours gardé son indépendance" au moment de se prononcer sur l'attribution des marchés publics, selon elle. "On dit qu'il a perdu sa liberté et qu'il était toujours redevable, mais sur la base de quoi ???", s'était encore interrogée son avocate, qui avait plaidé sa relaxe. "Je suis une victime du système" avait appuyé son client, qui encourait théoriquement jusqu'à dix ans d'emprisonnement et 150.000 € d'amendes.