La mission Tara Océans en escale à Saint-Nazaire

De nouveaux résultats issus de la mission "Tara océans"  publiés le 14 novembre, montrent que la diversité et les fonctions des espèces planctoniques mondiales changent radicalement selon la latitude. Le voilier et les scientifiques ont fait escale à Saint-Nazaire.

La goélette des scientifiques fait escale jusqu'à vendredi à Saint-Nazaire, dernière étape de la mision microplastiques menées sur 9 fleuves européens. L'occasion d'évoquer aussi les derniers résultats publiés par la fondation Taras Océans.

Une myriade de petits organismes inconnus


L’océan abrite une myriade de petits organismes planctoniques qui sous-tendent le fonctionnement des écosystèmes marins. Cependant, leur diversité, leur répartition spatiale et les facteurs sous-jacents restent mal connus, ce qui exclut toute projection de leurs réactions aux changements globaux.

"Ici nous avons étudié les gradients latitudinaux et les prédicteurs mondiaux de la diversité du plancton parmi les archées, les bactéries, les eucaryotes et les grands clades de virus, à l’aide de données moléculaires et d’imagerie des données issues de la base de données Tara Oceans", expliquent les scientifiques

Les variations de la biodiversité et son activité en déclin

Ces résultats montrent clairement un déclin de la diversité de la plupart des groupes planctoniques vers les pôles, principalement en raison de la baisse de la température des océans. Les projections dans le futur suggèrent qu’un réchauffement sévère de la surface des océans d’ici la fin du 21ème siècle pourrait conduire à une tropicalisation de la diversité de la plupart des groupes planctoniques dans les régions tempérées et polaires. Ces changements peuvent avoir de multiples conséquences sur le fonctionnement et les services rendus par les écosystèmes marins, avec des conséquences importantes plus particulièrement en termes de séquestration du carbone, de ressources pour la pêche et pour la conservation marine.

L'océan, seul écosystème continu de la planète et fondement de la santé globale de la Terre.

La quantité astronomique de virus, de microbes et de petits animaux dérivant avec les courants, collectivement appelés " plancton",y jouent un rôle fondamental : ils constituent la base de la chaîne alimentaire marine, capturent une part importante du dioxyde de carbone atmosphérique et émettent de l’oxygène par photosynthèse.

Un premier groupe, dirigé par Lucie Zinger, professeure adjointe à l'ENS-PSL, et Chris Bowler, directeur de recherche au CNRS Paris, a analysé les données recueillies dans 189 stations d'échantillonnage, réparties de par le monde, au cours de l'expédition Tara Oceans. Leur objectif était d’identifier les moteurs de la diversité des principaux groupes planctoniques afin de cartographier leur distribution à l’échelle mondiale et d’obtenir des informations quant à leurs mécanismes de réponse au changement climatique. Les scientifiques ont combiné les nouvelles données génétiques à celles déjà publiées pour identifier les espèces présentes dans les échantillons et procédé à une analyse d'imagerie de pointe afin d’évaluer quantitativement chaque espèce. 


"Nos résultats montrent clairement que la diversité planctonique est plus importante autour de l'équateur et diminue vers les pôles » explique Lucie Zinger. « L'existence de tels gradients latitudinaux de diversité est bien établie pour la plupart des organismes terrestres et avait été décrite par Alexander von Humboldt il y a déjà 200 ans. Une coïncidence intéressante veut que nous soyons en mesure de prouver sa validité pour la plupart des groupes planctoniques dans l’océan mondial, depuis les virus géants jusqu’aux petits métazoaires, l'année du 250e anniversaire de sa naissance ".

Un catalogue planétaire regroupant 47 millions d'espèces

En parallèle, le groupe dirigé par Shinichi Sunagawa, professeur adjoint à l'ETH – Zurich (Suisse) a étudié les importants jeux de données de séquençage d’ADN et d’ARN de Tara Oceans, générés par le CEA-Génoscope et rendus publics aujourd’hui, afin d’établir un nouveau catalogue planétaire regroupant 47 millions de gènes microbiens océaniques, qui s’étend désormais jusqu’aux pôles.


L'équipe a utilisé ces données pour analyser l'activité des communautés microbiennes en mesurant les produits de la transcription du génome – appelée metatranscriptome. Autrement dit, ils ont analysé quels gènes s’expriment activement dans les génomes microbiens en vue de comprendre la capacité des microbes à s’adapter aux changements environnementaux. "Ces analyses nous ont permis d'étudier, non seulement ce que les microbes océaniques sont capables de faire, mais aussi ce qu'ils font à l'échelle mondiale. Nous avons montré que les mécanismes influençant les transcriptomes des communautés de bactéries et d’archées, et par conséquent, leur adaptation à de nouvelles conditions environnementales, sont très différents près de l’équateur et aux pôles", indique Shinichi Sunagawa.
  

La température, paramètre clé de la répartition et de l’activité microbienne dans l’océan

Le gradient de diversité et les fonctions observés chez les espèces bactériennes ne changent pas progressivement à mesure que la latitude augmente. L'activité et la diversité microbienne restent stables entre l'équateur et 40° de latitude (nord ou sud), puis elles changent rapidement, et par étapes, jusqu'à environ 60° de latitude (nord ou sud), où un nouvel état stable commence.

Ces deux limites écologiques (une au nord de l’équateur, l’autre au sud) correspondent à des changements physico-chimiques précis dans les eaux de surface, principalement une baisse significative de la température. La composition et le nombre d’espèces microbiennes, de part et d’autre de cette limite, varient alors considérablement. Les nouvelles cartes de la diversité planctonique créées par Lucie Zinger et son équipe montrent que des limites similaires existent chez toutes les espèces planctoniques, des bactéries jusqu’à la plupart des virus, en passant par les archées, les protistes et le zooplancton. Ici aussi, la température semble être le principal facteur expliquant ces tendances, la disponibilité des ressources venant en seconde position.
 

Vers une "tropicalisation" des régions océaniques tempérées et polaires


L'influence primordiale de la température sur la répartition des espèces planctoniques soulève des questions évidentes dans le contexte actuel de changement climatique. En se basant sur les modèles les plus récents et les plus précis du GIEC, l’équipe de Lucie Zinger, , a prédit l’évolution possible de cette biodiversité planctonique. Bien que ces prédictions doivent être affinées et validées, elles montrent clairement que des températures océaniques plus élevées sont susceptibles d’engendrer une « tropicalisation » des régions océaniques tempérées et polaires, avec des températures de l'eau plus élevées et une plus grande diversité d'espèces planctoniques.

Les eaux tempérées et polaires sont actuellement très importantes pour plusieurs raisons environnementales et économiques : elles jouent un rôle crucial dans la capture du carbone atmosphérique et son stockage dans l’océan ; elles sont des zones de pêche très actives, contrôlant d’intenses activités économiques, et une grande partie de ces eaux sont protégées pour fournir un refuge aux espèces en voie de disparition. Les changements les plus importants en matière de diversité prédits par l’équipe de Lucie Zinger devraient se produire au sein de ces zones, modifiant en conséquence les écosystèmes associés et engendrant de graves conséquences à l’échelle mondiale.






 
Á propos de Tara
 La Fondation Tara Océan

La Fondation Tara Océan est la première fondation reconnue d’utilité publique consacrée à l’océan en France. Elle développe une science de l’océan de haut niveau, en collaboration avec des laboratoires internationaux d’excellence, pour explorer, comprendre et anticiper les bouleversements liés aux risques climatiques et environnementaux. Ses deux missions-clés : explorer et partager. Pour faire de l’océan une responsabilité commune et le préserver, la Fondation Tara Océan sensibilise et éduque les jeunes générations pour protéger cet écosystème vital.


La mission Tara Oceans 2019-2013

Débutée en septembre 2009, la mission Tara Oceans a constitué un voyage de quatre ans au cours duquel la goélette scientifique Tara a effectué plus de 200 stations d'échantillonnage de plancton. Le but était d'étudier les écosystèmes planctoniques dans la perspective du changement climatique. 120 scientifiques internationaux ont pris part à cette odyssée de 140 000 km, collectant 35 000 échantillons, ayant mené à la découverte de 200 000 nouveaux microorganismes, dont « 95 % demeurent inconnus », explique Éric Karsenti, CNRS/EMBL, directeur scientifique du Consortium Tara Oceans.

" Les premiers résultats de l'expédition ont dépassé toutes nos attentes, l’expédition Tara Oceans a enrichi nos connaissances d’une montagne de données, encore en cours d'analyse. Les travaux actuels comprennent la diffusion publique de nouveaux importants jeux de données, représentant collectivement la plus grande description à ce jour d'un unique biome planétaire par le biais de la génomique ".

La goélette Tara a été le vaisseau à naviguer le plus au nord de l'Histoire (88,6° N, à l’exception des brise-glaces) et a été la première à franchir les passages du Nord-Est et du Nord-Ouest la même année.






 
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