Patrick était atteint de sclérose en plaque depuis 32 ans. Face à la dégradation de son état, il a décidé de se tourner vers le suicide assisté pour une fin de vie dans la dignité. Une décision dans un premier temps difficile à accepter par sa famille. C'est en Suisse qu'il est parti paisiblement, auprès des siens. Nous l'avons rencontré quelques jours auparavant.
Patrick a 26 ans quand il apprend qu'il est atteint d'une maladie dégénérative incurable, la sclérose en plaque. Nous sommes en 1993.
Son état se dégrade petit à petit, lui donnant des idées de suicide. En 2010, il évoque la possibilité d’aller en Belgique et Suisse, pour une fin de vie dans la dignité.
La famille se renseigne. L'an passé, ils entament une première fois les démarches, mais Brigitte, son épouse, n’arrive pas à aller au bout.
Au printemps dernier, Théo, le fils du couple, en reparle à sa mère en expliquant qu’il faut vraiment avoir recours au suicide assisté.
"Patrick a parlé beaucoup à son fils en disant 'j'en peux plus, j'en peux plus et tout'. Et là Théo, notre fils, m'a regardé et m'a dit 'maman, il faut vraiment écouter papa'. Là, on lui a dit 'OK, on va faire ce qu'il faut pour toi", raconte Brigitte, l'épouse de Patrick.
Le but du Patrick était de partir avant Noël. Il a eu recours au suicide assisté le 3 novembre dernier. Il nous a accueillis chez lui quelques jours avant son départ pour la Suisse.
"On doit accompagner les personnes qui n'en peuvent plus de la vie"
"Tout le monde a grandi dans cette idée-là, qu'il allait à un moment donné y avoir une dégradation physique et que nous c'était quelque chose qu'on ne voulait pas, qu'on n'acceptait pas, de voir une personne finir totalement dépendante", raconte Brigitte.
Il voulait se suicider et pour nous, ce n'est pas un acte digne alors qu'on doit être aidé pour faire ça, on doit accompagner les personnes qui n'en peuvent plus de la vie
BrigitteEpouse de Patrick
"Comment tu es maintenant là ?" demande Brigitte à Patrick, allongé dans son lit médicalisé.
"Ben soulagé. Soulagé parce que ça va s'arrêter", répond-il.
"Qu'est-ce que tu ressens ? "C'est : enfin, ça va être fini. Enfin, on va arrêter".
Soulagés malgré la peine
Quelques heures après notre rencontre, Patrick s'est rendu en Suisse. Il est allé au bout de son choix de mourir par le biais d'une mort volontaire assistée aux côtés de sa famille. Nous avons revu sa femme et son fils Théo, quatre jours plus tard.
"La peine est dure par contre, oui il nous manque, c'est indéniable. Il nous manque terriblement pour plein de choses", explique Brigitte.
Même s'il ne faisait plus rien, il était notre tête.
BrigitteEpouse de Patrick
"On a quand même perdu un mari et un papa pour moi, mais soulagés aussi, raconte Théo, le fils du couple, il y a presque plus de soulagement que de tristesse parce qu'on sait que cette souffrance s'arrête, que cette vie qui était difficile, qui était insupportable pour lui aujourd'hui, ça s'est enfin arrêté".
Il voulait jusqu'au bout être acteur de ce geste, d'être vraiment dans son choix à lui.
BrigitteEpouse de Patrick
"Il voulait jusqu'au bout être acteur de ce geste, d'être vraiment dans son choix à lui, explique Brigitte, il voulait vraiment le porter ça. Et ça nous a portés, nous aussi. Il s'est libéré, il nous a libérés aussi.
"Je vais me souvenir et retenir surtout des moments très forts, que ce soit avant son départ et une fois là-bas en Suisse avant qu'il parte définitivement, raconte Théo, des moments très forts de soutien entre nous dans la famille, de rigolade malgré la situation et c'est ces moments-là que je veux beaucoup retenir".
Propos recueillis par Elise Coussemacq et Fanny Borius. Montage : Nicolas Guilbaud
Un projet de loi sur la fin de vie présenté en décembre
Le projet de loi sur la fin de vie sera présenté en décembre prochain au conseil des ministres, indiquait le 6 octobre dernier le cabinet d'Agnès Firmin Le Bodo, la ministre chargée de sa préparation.
Emmanuel Macron a reçu le pré-projet de loi avant "la fin de l'été", échéance fixée début avril par le chef de l'État lui-même à l'issue des travaux de la Convention citoyenne sur la fin de vie.
Du côté des politiques, si la gauche défend majoritairement le suicide assisté et l'euthanasie, sous conditions, la droite et l'extrême droite y sont hostiles, et la majorité présidentielle laisse apparaître certaines divergences internes.
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