Dons, pourboires, avec les paiements plus fréquents par carte bancaire, sommes-nous moins généreux ?

La générosité, bientôt disparue, comme nos petites pièces et les espèces ? Nous avons de plus en plus tendance à payer et à acheter avec des moyens dématérialisés. Sommes-nous vraiment plus radins ?

"Gardez la monnaie pour vous !", une phrase qui appartiendrait désormais au passé ? Peut-être, avec l’habitude de régler nos achats avec les cartes bancaires, ou par exemple avec les cartes tickets-restaurant. Ce sont des moyens de paiement "dématérialisés", au contraire de nos pièces et billets, "matérialisés" aussi appelés "monnaie fiduciaire".

Alors, est-on moins généreux au moment de payer au restaurant, ou encore pour donner aux personnes dans le besoin ? Pour le savoir, nous avons posé la question à des restaurateurs, des hôteliers, mais aussi à des associations caritatives en Pays de la Loire.

Tous et toutes indiquent s'adapter à la montée en puissance de ces nouveaux moyens de paiement. 

Après le plat ou la nuit, toujours un petit plus

Notre tour de la région commence d’abord à Angers (Maine-et-Loire). Posons d’abord nos valises et passons une nuit au Grand Hôtel de la Gare. À la tête de cet établissement de 51 chambres, François Taillandier, 62 ans. L’hôtelier est aussi le président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH Pays de la Loire), dans la région. 

Installé depuis 18 ans, il juge que ces nouvelles façons de payer ne changent pas les habitudes des clients.

"Aujourd’hui, les terminaux de paiement permettent aux clients d’ajouter une somme complémentaire pour le service. Il y a donc une alternative offerte pour laisser des pourboires. Les restaurants, hôtels et cafés peuvent installer une application pour ajouter un complément, pour le personnel. Ils leur sont reversés, et ces pourboires bénéficient d’une franchise d’imposition en dessous d’un certain montant", détaille François Taillandier.

L'Union des métiers et des industries de l’hôtellerie le rappelle en effet : "Depuis le 1er janvier 2022, les pourboires remis volontairement aux salariés en contact avec la clientèle dont la rémunération ne dépasse pas 1,6 Smic, soit 2 827,07 euros, sont exonérés de cotisations et contributions sociales, ainsi que d'impôt sur le revenu. Cela concerne naturellement le secteur des hôtels, cafés et restaurants mais aussi tous les autres secteurs où il est d’usage que le client laisse un pourboire (coiffeur, voiturier, livreur, …)." Une mesure en vigueur jusqu'au 31 décembre 2024, ajoute cette union professionnelle.

Donner ce petit plus est ancré dans les habitudes de ses clients : "Ils demandent à pouvoir laisser quelque chose. Il est souvent réparti entre l’ensemble du personnel. Cet usage s’est toujours pratiqué. Il est institutionnalisé, pas comme aux États-Unis, où le service n’est pas compris. Là-bas, il n’y a pas de rémunération sauf ce qui est laissé. Les salariés y sont très sensibles : c’est un supplément d’âme, de service, que le client valorise." L'hôtelier ajoute : 

Un pourboire peut représenter 200 euros par mois pour un salarié, dans un restaurant de luxe ou un hôtel haut de gamme.

François Taillandier

Président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH), dans les Pays de la Loire

L'habitude de l'arrondi

Rendez-vous ensuite au bord de la mer, à Notre-Dame de Monts (Vendée), à l’Estran. C'est un restaurant d'une centaine de couverts. Associée avec son mari, Hélène Clautour, 47 ans, y accueille ses convives depuis 20 ans.

Côté pourboires, elle n’a pas choisi d’installer une application sur ses bornes de paiement. "On les gère avec la caisse, directement sur le prix. Les caisses sont obligatoirement configurées, pour pouvoir faire l’arrondi", explique-t-elle. Un regret néanmoins : "Dommage que le patron ait à gérer les pourboires. Ce n’est pas notre rôle : cet argent est pour les salariés, car c’est à leur bon vouloir."

Celle qui est aussi présidente de la branche restaurateurs de l'UMIH en Vendée constate toutefois que les clients sont aussi généreux : "Il y a toujours autant de pourboires, sachant que cela fait une bonne décennie qu'ils diminuent de façon générale. Tout le monde a pris l’habitude de l’arrondi ou du pourboire. Même les anciens qui règlent avec un chèque demandent d’arrondir ou d’ajouter."

Les gourmets donnent encore. Une analyse que la restauratrice tient tout de même à nuancer.

"On s’est aperçus que dès le passage à l’euro (NDLR : dès 1999 pour les chèques et le 1er janvier 2002 pour la monnaie), cela baissait au fur et à mesure des années, avant de se stabiliser. Depuis la stabilisation, malgré les paiements qui se font de plus en plus par carte bleue, il n’y a pas eu de baisse".

Depuis 2 ans, les gens ont pris le pli, et nous proposent d’arrondir ou ajouter 2 euros sur carte. À voir si d’ici un ou deux ans cela augmente, sachant que les pourboires sont défiscalisés

Hélène Clautour

UMIH de Vendée

Charité bien ordonnée même sans carte bleue

Beaucoup d'entre nous continuent à aider les personnes dans le besoin. Or, ce public est une victime collatérale de la hausse des paiements par carte bancaire et autres moyens immatériels.

C'est ce que constate Flavie, 38 ans, bénévole et trésorière de l'association nantaise "Les petits gilets". Avec d'autres bénévoles, elle participe à des maraudes à l'attention des personnes sans domicile fixe, dans le centre-ville de Nantes et dans le quartier de la gare.

"Même si ce n'est pas une discussion que nous avons souvent avec nos bénéficiaires, je constate qu'ils ont plus de difficultés à 'faire la manche'. Cela est encore plus vrai depuis le début de la crise du Covid. Maintenant, les personnes achètent quelque chose en supermarché plutôt que de donner des espèces, car elles n'en ont plus", décrit cette bénévole. Une évolution est toutefois à noter : d'autres initiatives pour éviter cette barrière du paiement existent.

C'est le cas par exemple de l'autre côté de la Loire. Ce restaurateur de Saint-Étienne (Loire) fait partie des nouveaux adeptes du concept italien du "café suspendu". En clair, un consommateur paie son café et choisit d'en payer un deuxième. Une autre tasse, "en attente", pour une personne qui en a besoin. Autre point positif : l'idée s'est étendue aux baguettes de pain, comme c'est le cas dans au moins 19 boulangeries et restaurants de Lyon.

Et l'Église n'échappe pas non plus à ce mouvement : le diocèse de Nantes (Loire-Atlantique) a installé des bornes dans ses bâtiments, en complément de l'application "la Quête"

LIRE AUSSI. Baguettes "en attente" : des boulangeries lyonnaises adoptent le concept

Des signes encourageants, dans un pays où 77 millions de cartes bleues sont en circulation. En France, "près de 65% de la consommation courante est réglée avec une Carte Bleue", précise dans ses dernières statistiques le groupement français des Cartes bancaires. 

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