L’association de défense des animaux dévoile le témoignage à visage découvert d’une ancienne salariée d’un élevage de canards en Mayenne. Animaux entassés, bâtiments délabrés… Elle décrit une situation de maltraitance.
Dans un noir quasi complet, les canards marchent au même rythme, dans la même direction, collés les uns contre les autres.
Dans une nouvelle vidéo publiée ce mercredi 17 juillet, L214 dénonce le faux plein air d’une exploitation de plus de 5 000 canards à chair, à Châtillon-sur-Colmont, en Mayenne. L'élevage dépend du groupe Michel et la viande de ces anatidés est commercialisée par le groupe LDC , qui détient notamment les marques Le Gaulois et Loué.
Sur les images, les canards sont amassés dans un grand hangar, sans accès à l’extérieur. Pourtant, ils sont censés être élevés en “free range”, une méthode d’élevage en plein air. Le témoignage à visage découvert d'Anaïs, une ancienne salariée, vient appuyer la séquence.
La jeune femme a travaillé pendant près de huit mois dans l’exploitation. Lors de son entretien d’embauche, elle avait fait savoir à son futur employeur l’importance qu’elle accordait au bien-être animal. “Il m’avait garanti qu’il n’y aurait pas de problème à ce sujet”, se souvient Anaïs.
"Dès les premiers jours, j’ai remarqué que des choses n'allaient pas, confie-t-elle. Je me disais que c'était temporaire… Ça ne l’était pas”. Dans la séquence dévoilée par L214, elle raconte que les canards vivent enfermés dans un bâtiment délabré, sur un sol paillé souillé qui reste le même pendant 50 jours.
Je lui ai dit que s’il ne changeait pas sa façon de travailler, je le dénoncerai
AnaïsAncienne salariée de l'exploitation
Au bout de quelques mois, Anäis décide de filmer ce qu’elle voit. Puis, elle prévient son patron : “Je lui ai dit que s’il ne changeait pas sa façon de travailler, je le dénoncerai. C’est chose faite”. Ses vidéos, utilisées par l’association animaliste, montrent des canards déplumés et agonisants.
En conflit ouvert avec son employeur à ce sujet, la jeune femme fait un abandon de poste en juin 2024.
155 canards morts en 50 jours
Dans un communiqué, L214 dénonce également une surmortalité au sein de l’établissement. Documents à l'appui, l’association indique que 155 canards sont morts dans un des bâtiments de l'élevage en 50 jours, cette année.
Selon la charte technique d’élevage de volaille de chair , une mortalité inexpliquée supérieure à 2 % doit déclencher une visite ou un examen clinique du vétérinaire. D’après l’association, ça n’a pas été le cas.
L214 annonce avoir déposé une plainte mardi 15 juillet contre l’élevage auprès de la procureure de la République du tribunal judiciaire de Laval pour mauvais traitements et abandon d'animaux, et contre le groupe Michel (Selco) et l'abattoir SNV (LDC) pour tromperie du consommateur.
N’ayant pas encore regardé la vidéo, LDC n’a pas souhaité réagir. Toutefois, le Site Château Gontier, filiale du groupe chargé de l'abattage des canards, assure avoir “détecté ces dernières semaines une problématique d'irrégularité des poids des canards qui nous a amené à demander au groupement de producteurs de mettre en place un plan d'action”.
La réaction du groupe Michel
Le Groupe Michel, en revanche, a communiqué mercredi matin par la voix de Joachim Michel, responsable des activités volailles :
« Nous venons d’apprendre qu’une vidéo serait diffusée ce soir par l’association L214, concernant un éleveur de notre groupement, avec lequel nous travaillons depuis 2 ans. Je n’ai pas encore visionné cette vidéo, il n’est donc pas possible pour moi à ce stade de réagir à des images que je n’ai pas vues.
Nous sommes un groupe privé et familial spécialisé les métiers de la nutrition animale et l’organisation des filières d’élevages. À ce titre, nous contractualisons la production avec nos clients-éleveurs indépendants et nous revendons leurs volailles à nos clients transformateurs. Chaque lot de canards fait l’objet de 3 visites techniques par des techniciens avicoles, formés et qualifiés du groupement, ainsi qu’un audit par un organisme tiers et indépendant. Un audit biosécurité est réalisé dans chaque élevage tous les 2 ans.
Sur les 3 derniers lots de cet éleveur que nous avons visés, les visites n’ont pas révélé de non-conformités quant à la sortie à l’extérieur des canards. Cependant, le contexte influenza aviaire interdisait toutes sorties des canards sur parcours du 4 décembre 2023 au 14 mars 2024.
Nous avons constaté chez cet éleveur une qualité d’élevage difficile en début d’année. Nous avons alors décidé de suspendre temporairement la production le temps de mettre en place un plan d’actions. Ce dernier est en déploiement et s’avère efficace. »
L'éleveur, effondré, envisage de porter plainte
Une de nos équipes a rencontré mercredi matin l'éleveur incriminé : il s'agit de Philippe Jehan, figure médiatique du département puisque'il a été président de la FDSEA 53. Mais il refuse pour le moment de s'exprimer, se dit effondré, et envisage de porter plainte pour diffamation.
De son côté, la préfecture de la Mayenne a, elle aussi, réagi mercredi par ce communiqué :
"Cet élevage fait l’objet d’une attention particulière des services de l’État.
Une inspection de l’exploitation, au titre de la protection animale, a ainsi été réalisée le 14 juin 2024 par les services vétérinaires de la direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP) de la Mayenne.
Lors de cette inspection, il a été relevé des manquements aux règles applicables en matière de bien-être animal et de protection sanitaire. Ces constatations ont été formalisées dans un rapport adressé à l’exploitant.
Ce dernier est mis en demeure d’apporter un ensemble de mesures correctives aux irrégularités constatées dans la tenue de son élevage.
L’exploitation est actuellement en vide sanitaire (phase d’élevage pendant laquelle les bâtiments sont vides d’animaux), depuis le 27 juin.
Une nouvelle inspection interviendra à l’issue du délai réglementaire de mise en demeure pour contrôler l’effectivité des actions correctives qui ont été prescrites à l’exploitant".