A Notre-Dame-des-Landes, la bataille de la communication

L'opération en cours à Notre-Dame-des-Landes vise à "reprendre le contrôle" de la ZAD. Au-delà des affrontements dans le bocage, l'enjeu est également, pour les deux camps, de gagner le soutien de l'opinion publique. Après deux jours de reportage sur le terrain, voici une tentative de décryptage.

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La première difficulté des reporters sur le terrain, c'est de pouvoir accéder à la zone. Voir ici, le récit de nos confrères de France 2  sur leur arrivée, lundi, pendant la nuit, alors que l'opération venait de commencer, et que la RD281 était bloquée par les gendarmes.
Sous couvert de nous "protéger du danger", les autorités paraissent surtout soucieuses de contrôler l'image de cette opération. 200 caméras, selon Gérard Collomb, auraient été embarquées par les gendarmes "de manière à diffuser un certain nombre d’images et montrer que les forces de l’ordre emploient cette force de manière mesurée ". Des caméras qui fournissent à la presse des images libres de droit.

Contrôle des images vs transparence 


En parallèle, nous avons constaté à plusieurs reprises des tentatives d'éloigner les caméras ou appareils photos des zones d'affrontement. Pour citer un exemple personnel, mardi matin, nous étions seuls dans un champ, d'où nous tentions d'accéder à un talus, pour avoir un point de vue, à la fois proche, et protégé, sur les échanges de projectiles. Malgré nos casques siglés TV, et nos brassards de presse jaune fluo, les gendarmes mobiles ont entamé des sommations avant tirs de lacrymogènes. Et malgré nos cris pour signaler que nous étions journalistes, ils ont ensuite envoyé les gaz dans notre direction.
Une attitude opaque dénoncée ce mercredi par le syndicat de journalistes SNJ CGT, et que les autorités ont sans doute essayé de compenser ce mercredi, en embarquant une équipe de journalistes pour les emmener filmer des opérations de déconstruction.

A l'inverse, les habitants de la ZAD ont immédiatement compris l'intérêt de jouer la transparence. Contrairement à l'opération César en 2012, où les journalistes étaient considérés comme des ennemis, nous circulons librement, sur toute la zone. Les membres du groupe presse nous appellent pour nous signaler les lieux où se déroulent les affrontements, et de nombreuses personnes soulignent l'importance de la présence des caméras, pour leur rôle de "pacificateurs, dans les deux sens". C'est également le groupe presse, qui lundi, à 4h du matin, a appelé tous les journalistes identifiés comme couvrant régulièrement le sujet de Notre-Dame-Des-Landes, pour les prévenir que les opérations avaient commencé. 

A ce sujet, une petite précision sur la surprise provoquée par cet horaire très matinal : dans le droit français, les expulsions ne peuvent pas commencer avant 6h du matin. C'est pourquoi, le communiqué du ministère de l'intérieur parlait lundi "d'opérations de maintien de l'ordre", entre 3 et 6 heures du matin.

Le choix des mots


Très important, le choix des mots, dans la bataille de l'opinion. Par exemple, la préfète de Loire-Atlantique, Nicole Klein, parle de "squats" évacués. Sur la ZAD, les occupants parlent de "lieux de vie", ou de "ferme", dans le cas des 100 noms. D'un côté, le terme renvoie à l'illégalité des constructions, de l'autre, à la perception qu'en avaient leurs habitants, après avoir eux-même érigé ces hangars, cabanes, et petites maisons en bois, ou en torchis.



Il y a aussi la question de la légalité des expulsions. En théorie, ces dernières doivent faire l'objet d'une procédure judiciaire, et les personnes, lorsqu'elles sont identifiées, doivent être prévenues des ordonnances d'expulsions à leur encontre. Dans le cas des 100 noms, cela n'a pas été le cas, alors que les habitants disent s'être signalés, depuis 5 ans, auprès de la préfecture et de Vinci, et recevaient régulièrement du courrier à cette adresse.

Quelles munitions? Quels blessés?


Dans cette bataille d'image, il y a aussi la question des violences, et des blessés. La préfecture évoque mardi un seul blessé pris en charge par les autorités côté zadistes, les autres "ne s'étant pas présentés". Sur le terrain, nous avons pu constater qu'il était impossible de franchir les lignes d'affrontement, les occupants et leurs soutiens blessés ont donc été évacués par les équipes médicales de la ZAD, et refusaient à toute prise de vue, pour éviter notamment, d'être identifiés comme ayant participé activement aux tirs de projectiles contre les autorités.
Quant à la nature des blessures, les équipes médicales de la ZAD font état d'éclats de grenades désencerclantes au niveau des jambes, du thorax, et du visage, preuve selon elles, de tirs tendus, théoriquement interdits lors d'opérations de maintien de l'ordre. 
Côté forces de l'ordre, nous en étions mercredi après-midi à 28 blessés, pour moitié par jets de projectiles, pour moitié par des traumatismes sonores, selon le porte-parole du ministère de l'intérieur.

Sur place, nous avons pu constater les cratères causés par certaines munitions utilisées par les gendarmes mobiles, des cratères apparemment causés par des grenades de type F4, qui disposent d'une charge explosives pour diffuser des gaz lacrymogènes.


C'est l'une de ces grenades F4, dont l'usage est controversé suite à de multiples incidents, qui a hier blessé 4 gendarmes, après avoir été renvoyée à l'envoyeur, selon le porte-parole du ministère de l'intérieur qui suit les opérations depuis Notre-Dame-des-Landes.
De leur côté, nous avons vu les occupants utiliser des pierres, des cocktails molotov, des fusées de détresse, et de la boue. Mardi, ce sont des fusées anti-grêle, à la portée plus longue, qui ont été tirées contre un hélicoptère de la gendarmerie, tirs sur lesquels une enquête a été ouverte. Enfin, de très nombreux occupants et leurs soutiens choisissent d'utiliser des méthodes non violentes, comme la chaîne humaine filmée lundi, autour des 100 noms, ou comme la simple présence, en première ligne, comme Alexandre, 83 ans, que nous avons rencontré mardi, appuyé sur sa canne, au beau milieu des échanges de projectiles, et supportant sans sourciller les gaz lacrymogènes.



Dans la guerre des images, il y a aussi cette conférence de presse, donnée mardi dernier, par les habitants de la ZAD, où l'une des expulsées des 100 noms témoignait avec un agneau mort dans les bras. L'image est forte, mais le décès de l'animal n'est pas directement imputable à l'évacuation musclée de lundi après-midi : le troupeau avait été déménagé la veille, dans des conditions d'urgence qui ont pu provoquer la mort de cet agneau suite au stress subi. 

L'émotion provoquée par les images diffusées, par les termes employés, est de nature à mobiliser, dans un sens comme dans l'autre. Les deux parties en ont conscience, et plus que jamais, notre mission de journaliste est donc de faire preuve de rigueur, de vérification, et d'analyse dans la manière dont nous rapportons les événements. 



 

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