Des canalisations en PVC cette matière plastique interdite en France depuis les années 1980, il y en aurait des centaines de kilomètres dans notre région, notamment dans les zones rurales. En Sarthe, des associations se sont unies pour réaliser des analyses d'eau. Résultat : le plastique dégagerait du chlorure de vinyle monomère, un gaz cancérigène avec des effets immédiats sur le foie. Elles ont alerté les services de l' État. Après l'amiante et le plomb, ils redoutent un futur scandale sanitaire
Depuis 2 ans, Jacqueline Gilles, cette habitante de Saint-George de la Couée, une commune rurale de la Sarthe, ne boit plus une seule goutte d'eau qui sort du robinet.
"Je remplis la bouteille le matin très souvent, je laisse reposer. Je laisse reposer des heures, parce qu'on m'a dit qu'il fallait au minimum 9 heures pour que les que les gaz s'échappent. Et ensuite je verse l'eau dans une bouteille avant de la boire"
Son réseau d'eau est alimenté par des canalisations en PVC. Une matière plastique interdite en France depuis 1980 car elle dégage un gaz cancérigène : le CVC, le chlorure de vinyle monomère.
J'aimerais être informée de la qualité de l'eau qui coule de mon robinet. J'aimerais qu'il y ait des analyses de faites chez moi, parce que je ne sais pas ce que je bois
Jacqueline GilleHabitante de Saint-George de la Couée
Avec l'aide de l'association "Comité citoyen Sarthe", Jacqueline a pu avoir accès à des analyses d'eau, pratiquées en bas de son hameau.
Des taux 2,4 fois supérieurs aux normes autorisées
Selon le ministère de la Santé, en France, le taux de chlorure de vinyle monomère ne doit pas dépasser les 0.5 microgramme par litres. Le résultat est sans appel.
Il y a un taux de 1,2 mg par litre. C'est à dire 2,4 fois la quantité maximale autorisée. Les données, d'après le code de l'environnement, doivent être publiques. Mais elles sont extrêmement difficiles à obtenir
Hervé ConrauxVice-président du Comité citoyen Sarthe
Face à ce manque de transparence de la part des syndicats d'eaux, l'association "comité citoyen Sarthe" s'est unie avec "Sarthe environnement" et l'UFC "Que choisir" pour alerter les services de l'état.
Il faut en faire une priorité départementale, régionale et nationale. Á partir du moment où on a conscience qu'il existe un danger pour la population, on se doit d'agir !
Jean-Christophe GavalletPrésident France nature environnement Pays de la Loire
Qu'est ce que le chlorure de vinyle monomère (CVM) ?
Le CMV est un gaz organique, incolore à température ambiante. C’est un composé très volatil et faiblement soluble dans l’eau.
En France, l’analyse du chlorure de vinyle monomère (CVM) dans l’eau du robinet, sur le réseau de distribution, est selon le ministère de la Santé, "systématique depuis 2007". La limite de qualité pour l’eau du robinet est fixée à 0,5 µg/L, en application de la règlementation européenne relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (directive 98/83/CE et directive 2020/2184).
"Cependant, cette règlementation européenne n’oblige pas à mesurer la concentration en CVM dans l’eau du robinet (l’estimation de la présence de CVM dans l’eau pouvant se faire par calcul). En 2007, les progrès techniques permettant alors d’analyser plus facilement le CVM dans l’eau, la France a mis en place une règlementation plus exigeante que la réglementation européenne et rendu obligatoire l’analyse du CVM dans le contrôle sanitaire de l’eau", précise le ministère de la Santé.
Le CVM est un produit chimique purement synthétique. Il n’existe aucune source naturelle de ce composé. Le chlorure de vinyle monomère est principalement utilisé pour l’élaboration (par polymérisation) du polychlorure de vinyle (PVC). Le PVC a de multiples usages, dont la fabrication de canalisations.
"La présence de CVM dans l’eau du robinet peut résulter d’une pollution de la ressource en eau, principalement du fait de rejets d’industries du PVC. Cette pollution peut être directe ou provenir de la dégradation en CVM de certains hydrocarbures chlorés. Le CVM peut s’accumuler dans les eaux souterraines, alors qu’il est généralement trop volatil pour être retrouvé dans les eaux superficielles", rappelle le ministère.
Les effets sanitaires du chlorure de vinyle monomère
Le CVM est classé depuis 1987 comme étant un agent cancérogène certain pour l’homme selon le centre international de recherche sur le cancer (CIRC). Toutefois, ce classement a été établi sur la base d’études menées en milieu professionnel, avec des expositions par voie respiratoire à de fortes doses de CVM (industries du PVC et du CVM essentiellement.)
Le CVM peut être à l’origine de cancers du foie pouvant se manifester selon deux formes :
L’angiosarcome hépatique, un cancer du foie très rare (10 cas/an estimés en France) et le carcinome hépatocellulaire (ou hépatocarcinome), forme la plus fréquente de cancer du foie (7 600 cas/an estimés en France) mais le plus souvent lié à d’autres facteurs de risques comme l’alcoolisme ou les infections par les virus des hépatites.
Dans le cas d’une consommation quotidienne d’eau du robinet renfermant des teneurs de CVM, le risque de cancer est théorique et fondé sur des études toxicologiques réalisées sur des animaux
Ministère de la Santé
"L’exposition aux CVM par la consommation d’eau du robinet est faible et aucun lien certain n’a été établi à ce jour entre les cas d’angiosarcome et d’hépatocarcinome et la consommation de l’eau du robinet", conclut le ministère.
Une réunion en préfecture le 18 octobre
Reçues la semaine dernière par la préfecture, les 3 associations sarthoises "lanceuses d'alertes" ne décolèrent pas.
Elles n'ont pas obtenu le droit de participer aux futurs échanges entre l'Agence régionale de santé, les syndicats d'eaux et l'Etat.
Le 18 octobre 2022, les associations Comité Citoyen, Sarthe Nature Environnement, et l' UFC Que choisir ont été reçues, à leur demande, par le secrétaire général de la préfecture. Autour de la table les services de l'État, l’agence régionale de la santé (ARS) de la Sarthe, l’agence de l’eau Loire-Bretagne (AELB) pour échanger sur la pollution de l’eau potable par des canalisations en PVC qui libèrent dans l’eau du CMV, indétectable par les abonnés sarthois.
Tous les participants ont convenu de la "réalité des risques sanitaires, de leur importance dans le département et de l'urgence à agir".
Nous avons fait état des informations qui illustrent l’insuffisance des mesures prises pour protéger la santé de tous. Elles n'ont pas été contestées.
Comité citoyen Sarthe nature environnement
"Malgré le travail en cours depuis 2012, la connaissance de cette pollution, bien que reconnue, reste très incomplète et les dispositions mises en œuvre (prélèvements d'échantillons d'eau, purges) sont notoirement insuffisantes", dénonce le comité.
"Resserrer le suivi" mais sans les associations...
La préfecture et l’ARS ont indiqué leur volonté de "resserrer le suivi " de la situation en améliorant la connaissance des réseaux de distribution, des résultats d’analyse, de l’efficacité des purges et des changements de canalisations. Les association présentes se félicitent "de cette volonté" et redisent que "toutes les informations recueillies doivent être communiquées aux associations".
"Nos associations n'ont pas obtenu d'être incluses dans une structure de suivi aux côtés des services de l'État, de l’ARS, des syndicats d’eau ! Pourtant, ce mode de fonctionnement a fait ses preuves dans d'autres départements de la région", regrette Pierre Guillaume de l'UFC "Que choir de la Sarthe".
Préfecture et ARS ont toutefois l’intention de rappeler aux syndicats d’eau les obligations qui leur incombent pour distribuer une eau conforme aux normes en vigueur.
En lanceurs d'alerte, nos associations rappellent que le code de la Santé publique prévoit que, face à cette pollution de l’eau potable, la responsabilité de la qualité de l’eau potable est partagée entre tous : syndicats des eaux, ARS et préfecture
Comité citoyen Sarthe nature environnement
Les associations réclament "que tous les abonnés sarthois concernés soient directement et correctement alertés."
Selon le collectif les services ont confirmé "que les demandes d'information concernant cette pollution recevraient réponse, nous permettant ainsi de maintenir notre vigilance active et responsable face à ce qui pourrait devenir un scandale sanitaire de plus."
La Sarthe comptent pas moins de 45 syndicats des eaux. De petites structures avec très peu de moyens. Pour comparaison une seul organisme gère la Loire-Atlantique. Difficile alors d'envisager des analyses régulières. Alors les associations aimerait que "tout le système soit repensé, car un test à la charge du citoyen coûte cher : 1335 euros. "
"L'inventaire patrimonial n'est pas fait, c'est affligeant ! "
"Pour faire avancer la question il suffirait de faire le plus possible d'analyses au robinet dans les endroits où on sait que les canalisations sont à risque. Et comment on le sait ? Grâce à un document : l'inventaire patrimonial. Il est à faire par chaque syndicat des eaux et ensuite transmis à l'ARS, le tout doit être centralisé nationalement. Le problème, c'est que moins de la moitié des départements français ont rendu leur copie. Le ministère n'a donc pas les documents pour travailler. En Sarthe c'est le cas et c'est affligeant ! "
Ni l'ARS ni la préfecture de la Sarthe n'ont pour l'instant répondu à nos sollicitations.