"Les jeunes ne sont pas assez sensibilisés" : comment "Mon test IST" va permettre de lutter contre la propagation d'infections sexuellement transmissibles ?

Depuis dimanche 1ᵉʳ septembre, il est possible d’être dépisté sans ordonnance pour quatre infections sexuellement transmissibles en plus du VIH. Le dispositif est également gratuit pour les moins de 26 ans. On fait le point avec le docteur Hikombo Hitoto, infectiologue au Mans.

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C'est l'une des grandes nouveautés de la rentrée. Il est désormais possible d’effectuer un dépistage sans prescription de quatre infections sexuellement transmissibles (IST) dans les laboratoires de biologie médicale.

Sont concernées l’hépatite B, la syphilis, la chlamydia et la gonorrhée. Ces infections sont les plus fréquentes et peuvent être guéries dès qu'elles sont diagnostiquées. Jusqu'alors, seul le VIH pouvait être dépisté sans ordonnance et sans frais. 

Cette mesure nommée "mon test IST" vise à réduire la propagation des IST en France et, donc, en Pays de la Loire. Dans la région, comme dans l'Hexagone, ces infections se répandent effectivement de plus en plus. 

Rien que pour la Chlamydia, bactérie particulièrement répandue chez les jeunes de moins de 26 ans, une hausse de 16 % a été observée par Santé publique France entre 2019 et 2022 dans le pays.

"Une tendance que l'on ressent au sein du CeGIDD, le centre gratuit d'information, de dépistage et de diagnostic, du Mans", souligne le docteur Hikombo Hitoto, infectiologue au Centre Hospitalier du Mans. 

Comment ça marche ?

Concrètement, depuis une semaine, n’importe quel patient, quel que soit son âge, peut se rendre dans un laboratoire pour être dépisté de l’hépatite B, la syphilis, la chlamydia et la gonorrhée. Le tout sans ordonnance. 

Sur place, une seule demande : remplir un questionnaire pour définir les modalités de réalisation du dépistage. Il peut se faire par prélèvement local, par analyse d’urine ou encore par prise de sang. "Le gros avantage, c'est qu'il n'y a plus besoin de passer par la case médecin traitant, gynécologue ou sage-femme en amont pour bénéficier de ces dépistages", détaille le docteur Hitoto. 

Beaucoup de personnes ne parlent pas de santé sexuelle avec leur médecin généraliste

Hikombo Hitoto

Infectiologue au Centre Hospitalier du Mans

Pour l'infectiologue ligérien, cette mesure vient ainsi compléter l'offre de dépistage en France. "On devrait pouvoir toucher des personnes qui n'osaient pas forcément venir se faire dépister avant", estime-t-il.

Selon le docteur Hitoto, une forme de tabou persiste notamment entre certains patients et leur médecin traitant à ce sujet : "C'est une réalité, beaucoup de personnes ne parlent pas de santé sexuelle avec leur généraliste. Ce sont des opportunités de dépistage perdues. Souvent, c'est parce qu'il y a une certaine crainte de jugement de la part de leur médecin à ce propos. C’est pourquoi, les médecins devraient prendre l’habitude d’aborder ces sujets avec leurs patients."

Ainsi, "Mon test IST"  devrait faciliter la vie. Cela en gagnant du temps dans le processus et évitant des discussions inconfortables avec son médecin traitant.

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Mais, si le résultat est positif, l'infectiologue rappelle qu'il est toutefois important d'en informer son généraliste. "Celui-ci doit être au courant de toutes les informations concernant notre santé pour pouvoir nous prescrire des médicaments adéquats", précise le spécialiste. Certains remèdes sont effectivement contre-indiqués en cas d'IST. 

À quoi ça sert ?

Diagnostiquer plus pour lutter mieux, c'est le mantra de "Mon test IST". "Le dépistage est essentiel pour réduire le nombre d'infections sexuellement transmissibles en France et en Pays de la Loire", appuie le docteur Hitoto. 

Selon lui, trop de personnes passent encore à côté des radars, faute de dépistage. "Ces maladies ne provoquent pas toujours de symptômes à celles et ceux qui en sont porteurs. e fait, des personnes ne se font pas dépister, se croyant (à tort) en bonne santé", indique-t-il. 

Le spécialiste rappelle donc qu'il est nécessaire d'aller se faire dépister dès qu'il y a une relation sexuelle à risque, c'est-à-dire — grosso modo – sans utilisation du préservatif ou sans certitude.

Par ailleurs, le jeudi 29 août 2024, l'OMS rapportait que seuls 57 % des adolescents européens auraient eu recours à la capote durant leur dernier rapport. Ce taux s'élevait à  63 % en 2014. Face à ces chiffres alarmants, une prévention est donc d'autant plus nécessaire.

"Les jeunes disent qu’ils ne sont pas assez sensibilisés, assure alors le docteur Hitoto. De fait, "Mon test IST" vise aussi à promouvoir la santé sexuelle". C'est pourquoi ces dépistages sont désormais entièrement gratuits pour les moins de 26 ans. Leurs aînés sont quant à eux remboursés à hauteur de 60 % par l’Assurance-maladie et le reste par la complémentaire santé s’ils ont une ordonnance médicale.

Que faire si on est positif ?

Lorsqu'un test IST est positif, l'enjeu devient celui de la prise en charge efficace du patient. "La plupart du temps, la personne est orientée en priorité vers son médecin traitant", indique le docteur Hitoto. Certains remèdes prescrits par le médecin peuvent effectivement interagir avec les médicaments qui servent à traiter les IST. 

Toutefois, dans un contexte de déserts médical, cette démarche est de moins en moins simple à appliquer. Les Pays de la Loire sont particulièrement touchés par la pénurie de médecins généralistes puisqu'elle abrite notamment la Mayenne où la désertification médicale est avancée. 

"Si le patient n'a pas de médecin ou souhaite garder l'anonymat, il peut se tourner vers un CeGIDD pour une consultation gratuite", note cependant l'infectiologue. Malgré tout, ces centres ne pourront pas pallier seuls l'absence de généraliste si les flux sont trop élevés. 

Ainsi, le docteur Hitoto assure que la prise en charge du patient reste la grosse question de mise en place de "Mon Test IST. Également médecin coordinateur entre Centre de Prévention de Vaccination et de Dépistage de la Sarthe et l'ARS Pays de la Loire, le spécialiste travaille depuis deux ans à ce sujet au sein d’un groupe de professionnels du territoire (laboratoire, pharmaciens, sage-femme, gynécologue, médecin généraliste, associations) pour tenter d’organiser au mieux la prise en soin des personnes qui seraient diagnostiquées positives à l’un de ces tests de dépistage.

C'est avec une bonne prise en charge des patients que l'on va casser les chaînes de transmission des IST

Hikombo Hitoto

Infectiologue au Centre Hospitalier du Mans

"On n'a pas encore trouvé toutes les solutions, mais les travaux continuent parce que c'est avec une bonne prise en charge des patients que l'on va casser les chaînes de transmission des infections sexuellement transmissibles en France", souligne-t-il. 

Les IST ne se limitant pas aux VIH, à l’hépatite B, à la syphilis, à la chlamydia et à la gonorrhée ; le docteur Hitoto estime qu'il n’est pas aberrant de penser à un élargissement de la mesure à d’autres IST dans les prochaines années. "Mais tout est une question de coût", appuie-t-il.

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