Bouin : un Breton de 50 ans plaque son ancien métier de cadre et devient ostréiculteur en Vendée

Il est dit que 2020 n'aura pas été une année ordinaire. Pénible et perturbante pour beaucoup d'entre nous, elle a surtout été éprouvante pour Patrice Le Cain. À 50 ans, cet ancien cadre du transport a choisi de devenir ostréiculteur et s'est installé à Bouin, en Vendée. Une véritable aventure.

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Nous sommes dans le marais de Bouin, en Vendée, au Polder des Champs. Un site ostréicole installé derrière la levée, de l'autre côté, il y a l'océan Atlantique.

Des dizaines de cabanes d'ostréiculteurs entourées d'étiers et de bassins. Autant de tracteurs et de plates sur remorques, prêtes à rejoindre la mer.

L'entre deux-fêtes est un moment particulier. Le gros coup de bourre pour Noël est passé, mais il reste le Réveillon de la Saint-Sylvestre. Et quel réveillon ! Le modèle 2020 s'annonce inédit tant les règles sanitaires en vigueur ont condamné la population à fêter la nouvelle année à la maison et non au restaurant ou en discothèque.

Et les huîtres, dans tout cela ? Et bien, elles vont bien et leurs producteurs aussi ! Les Français sont prêts à quelques sacrifices, mais pas tous, et surtout pas à renoncer aux huîtres


Elle est où la cabane de Patrice ?

Il faut emprunter le pont n°6 pour franchir l'étier et compter les cabanes jusqu'à la quatrième pour arriver chez Patrice Le Cain. Un vent glacial souffle sur le parc éolien tout près et sur les bassins. Pas grand monde en vue, les ostréiculteurs sont à l'intérieur.

Patrice ne fait pas exception à la règle. Il prépare ses bourriches d'huîtres n°3, la taille commerciale la plus demandée. Une cinquantaine de colis sont à préparer. 
 

2020, l'année magique

Et magique rime avec supersonique ! C'est à peu près à cette vitesse que Patrice Le Cain a traversé les derniers mois. Imaginez : voilà deux ans et demi, ce cadre spécialisé dans le transport s'installe à Pornic avec sa famille. Il y rencontre des ostréiculteurs qui deviennent des amis et, un jour, lui font faire un tour sur leur plate ostréicole dans la baie de Bourgneuf.

Le sang de ce fils de marin-pêcheur breton ne fait qu'un tour, le virus du métier est inoculé sur le champ, impossible d'en réchapper !

Après 20 ans de travail en tant qu'affréteur pour une grande société de transport frigorifique rayonnant au niveau européen, c'est à dire après vingt ans de lutte face à la concurrence, Patrice avait sans doute fait le tour de la question. Cadre, il avait un bon poste, un bon salaire, mais sans doute, quelque chose lui manquait.
 

Changer de vie, c'est maintenant

On peut imaginer les jours et les nuits à réfléchir face à un tel dilemne : rester dans le confort d'un cadre bien installé ou épouser ce métier qui fait vibrer mais qui est soumis aux aléas météo, climatiques et sanitaires ?

Changer de vie quand on vit en couple avec deux enfants, cela s'appelle une aventure. Une des plus grandes qui soit car on ne sait pas ce qu'il y a derrière le rêve qu'on poursuit.

Mais la dynamique familiale est réelle et Patrice Le Cain est soutenu à 200% par Delphine, sa compagne, qui s'occupe des relations commerciales et professionnelles, et ses deux enfants, bien sûr ! 
 

Mais comment devient-on ostréiculteur ?

Il y a ceux qui savent qu'ils feront ce métier. Parce que papa l'exerce déjà, ou quelqu'un dans la famille. Parce qu'on habite tout près d'une zone ostréicole et qu'on croise souvent les tracteurs, les bateaux, les camionnettes, les camions.

Parce qu'on aime la mer.

Et puis il y a ceux qui ont la révélation plus tard. Patrice Le Cain a entamé plusieurs démarches : trouver une concession à vendre, trouver une formation au métier d'ostréiculteur, trouver une formation pour naviguer à titre professionnel.

Pour les jeunes, plusieurs lycées professionnels proposent la formation. Le CAP maritime Conchyliculture constitue la formation de base. Il qualifie des ouvriers et des ouvrières capables de participer à toutes les opérations d’élevage des huîtres et autres coquillages.

Après le CAP ou directement après la 3e, deux bacs professionnels permettent d’approfondir connaissances et savoir-faire, et de prendre davantage de responsabilités. Le bac pro Cultures marines  s’intéresse aux coquillages et aussi aux poissons d’eau salée et aux algues.  

Bac en poche, les diplômés motivés peuvent approfondir le sujet en BTSA Aquaculture.

Pour les adultes, il est possible de suivre une formation intensive en accéléré. Ce fut le choix de Patrice qui a suivi un parcours de 280 heures à Etel, dans le Morbihan. Ensuite, il a fallu obtenir différents grades du permis professionnel de navigation, ouvrier 1, ouvrier 2, puis patron.

 

Et maintenant, la concession

La concession ostréicole est un espace accordé par l'état sur la façade maritime où le professionnel de la mer pourra exercer son métier et installer ses outils de production : bassins, cabane, tracteur, calibreuses, laveuses, etc...

Patrice a fait le tour des cabanes ostréicoles de Bouin, un des grands centres ostréicoles en France, tout en passant une annonce dans une revue spécialisée.

Et c'est dans le polder des Champs que l'opportunité s'est présentée.

Les parcs de cette concession se trouvent entre la côte et Noirmoutier, c'est le bassin de production des huîtres ''Vendée-Atlantique''. D'autres parcs sont situés plus au nord, à Mesquer, entre Loire et Vilaine. Un environnement différent qui permet de proposer deux goûts différents. Une stratégie adoptée par de nombreux professionnels afin d'optimiser la production suivant les saisons et prévenir les conséquences des interdictions sanitaires.

La recherche et l'installation de l'ancien cadre reconverti ont vite fait le tour du polder et le Breton, originaire de Bénodet en Finistère sud, a reçu un accueil à l'opposé de celui que certains lui prédisait : chaleur et solidarité. Patrice sait désormais qu'il peut compter sur les ostréiculteurs de Bouin, à la moindre difficulté rencontrée.

Et la solidarité ne s'arrête pas à la Vendée, la preuve : c'est Dominique Friou, ostréiculteur de la Bernerie en Retz plusieurs fois médaillé, qui le parraine dans le métier. Une référence qui parle toute seule.

 

2020 : y a plus qu'à...

Concession rachetée, diplôme d'ostréiculteur et permis de navigation en poche, accueil chaleureux, les choses se présentent bien.

Et puis voilà un virus nommé Covid19. Pas prévu, pas connu, pas sympa non plus. Confinement général, bars et restaurants fermés, autant de débouchés qui se bouchent sans préavis.

L'été arrive, déconfinement général, une belle saison estivale, du boulot par dessus la tête.

Et puis, c'est le reconfinement. Juste en amont des fêtes. Patrice craint le pire. Et puis non, les clients sont là, nombreux. Tout proches, sur les marchés de Montoir et Prinquiau, bientôt Pornic. Les commandes affluent au téléphone. 

Sur les cinq tonnes de bourriches commandées, 1,3 tonne est partie vers le réseau que Patrice a conservé avec ses anciens collègues et partenaires. 

Les copains du métier l'avaient dit à Patrice : ''t'occupe pas du commerce, il va venir tout seul. Occupe toi de bien faire ton métier ! ''

Et au terme de l'année 2020, même si les comptes ne sont pas arrêtés, la production a été bien gérée et le bilan est satisfaisant.


Et maintenant ?

Patrice est toujours sur son rythme de 7 jours sur 7, mais il sent que ce tempo ne pourra durer. Heureusement, il peut compter sur Quentin. Un jeune ostréiculteur âgé de 20 ans, embauché en octobre et qui affiche deux ans de métier. Autant dire qu'il a plus d'expérience que son patron ! 

Mais le patron et le salarié sont plus occupés à imaginer ensemble des projets qu'à comparer leurs états de service. Devenu Pornicais depuis deux ans et demi, Patrice a rencontré le maire de Pornic qui souhaite redynamiser un des marchés de la ville et prochainement, le marché de la place de la Terrasse devrait attirer les gourmets...

Ayant parcouru un véritable marathon sur un rythme de sprint, Patrice aspire à respirer un peu et être un peu plus avec sa famille. Il sait que son projet est bien parti, qu'il n'est pas seul, et qu'il a réussi son pari : devenir ostréiculteur à 50 ans.

La preuve, c'est marqué sur l'étiquette !


> Le reportage de notre rédaction

 

 

 

 
 

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