Au Centre hospitalier départemental de la Roche-sur-Yon, comme à Luçon et à Montaigu, les services d'urgence sont perturbés par un mouvement de contestation peu commun. Une partie du personnel a décidé de se mettre en arrêt maladie. Un mouvement en marge des syndicats, pas en opposition à la direction du CHDR mais pour interpeller l'État et réclamer des mesures fortes et rapides.
L'action est plus impactante qu'une simple grève qui les contraint à rester en poste. Certains personnels soignants des urgences du centre hospitalier départemental de la Roche-sur-Yon en Vendée, se sont mis en arrêt maladie. Ils estiment être abandonnés par les services de l'État. A bout de souffle après deux ans de crise sanitaire et des conditions de travail qui se dégradent chaque jour un peu plus.
"Les conditions sont compliquées éreintantes, clairement pas viables sur le long terme. Nous n'avons pas le temps de nous occuper de nos patients. Parfois nous n'avons pas le temps d'administrer les traitements ou les gestes d'hygiène de base ne serait-ce que donner un urinal à un malade qui a besoin de se soulager, il faut parfois 20 minutes, voire plus", témoigne une soignante sous couvert d'anonymat.
"On a une charge mentale extrêmement lourde à porter"
"Nous avons beaucoup trop de patients sous notre responsabilité. Ce sont des patients qui arrivent aux urgences, certains attendent un lit mais il n'y a pas de place. On doit tout de même s'occuper d'eux en continuant à administrer les traitements et faire les soins dont ils ont besoin. Et en même temps, on doit recevoir les nouveaux qui arrivent, c'est à dire des prises en charge qu'il faut débuter. Donc on ne peut pas tout gérer", souffle-t-elle. Il y a des gens qui sont dans un contexte de douleur intense, il faut que l'on soit tout de suite auprès d'eux pour commencer les soins. Au final, on n'intervient pas tout de suite parce que d'autres dans les couloirs ont un état de santé qui se dégrade, ou nous devons procéder à des antibiothérapies, des aérosols..."
Nous devons toujours choisir quel patient traiter en premier. Sauf qu'ils ont tous besoin de nous à l'instant T et on ne peut pas se diviser
Une soignante en arrêt maladie
"Il y a beaucoup d'entraide dans le service mais la pression est telle qu'on n'y arrive plus. Nous avons tellement d'interruptions de tâches, de coups de téléphone, de changements de soins, de thérapeutiques, on ne sait plus où on en est. On ne sait même plus qui sont nos patients. A quoi ils ressemblent ? Où sont-ils placés dans les couloirs ?
Un matin nous avons perdu un malade pendant deux heures, juste parce qu'il avait été changé de place. On ne l'a pas retrouvé tout de suite. Je ne savais pas à quoi il ressemblait parce je n'avais pas eu le temps d'aller le voir
Une soignante en arrêt maladie
"Le problème est global"
Lui, travaille aux urgences depuis 10 ans. "Petit à petit, on s'est rendu compte que les gens étaient de plus en plus nombreux à venir aux urgences. On a eu de plus en plus d'entrées malgré la restructuration. On a beaucoup de personnes âgées atteintes de plusieurs pathologies qui doivent rester à l'hôpital. Malheureusement, le problème est global, dans les autres services l'activité est aussi surchargée."
On voit des gens qui restent, 12 heures, 24,heures, 48 heures, ce qui n'était pas le cas quand j'ai commencé à travailler.
Un soignant en arrêt maladie
Une situation qui s'est aggravée depuis un an. "Je n'ai jamais vu ça, des gens qui restent très longtemps sur un brancard à observer ce qui se passe autour d'eux, à attendre que l'on s'occupe d'eux. Ils ont mal, parfois faim, envie d'aller aux toilettes, cette situation là est nouvelle."
Les personnels ont alerté l'ARS des Pays de la Loire et la direction il y a déjà des années. "Nous n'avons pas été entendus." Le covid a mis les revendications entre parenthèse. "Depuis, l'accélération est évidente. L'afflux des patients est devenu de plus en plus important et difficile à réguler."
La goutte d'eau ? La surcharge d'activité au mois de décembre.
Dès le matin en début de journée, on pouvait avoir 15 personnes, 20 personnes il y a quelques années, c'était déjà énorme. En 2022 nous sommes passés à 30 ! Et en décembre jusqu'à 60 personnes. Ça veut dire que l'on est en insécurité totale par rapport à ces gens là.
Un soignant en arrêt maladie
Pour tous, le point de non retour est atteint et ce mouvement, ils ne s'y engagent pas de gaité de cœur. Ils n'ont, disent-ils, plus le choix.
Ce n'est pas dans notre âme de soignants de se mettre en arrêt mais il faut savoir dire stop. Les conditions ne sont plus acceptables. Je travaille de nuit et quand je rentre chez moi j'ai le sentiment de n'avoir pas fait mon travail, pas pris soin des patients comme je le souhaiterais
Une soignante en arrêt maladie
"On n'a plus envie de venir au travail dans ces conditions. Psychologiquement nous sommes à bout. Notre direction essaie de faire des choses avec les moyens du bord. Avec ce mouvement, nous attendons des actions de l'Etat avec de vraies mesures fortes pour l'hôpital public. Les professionnels de santé sont tous aujourd'hui dans le même bateau. Plus personne ne trouve de sens à son métier. Nous sommes en souffrance, ce mouvement c'est un cri d'alarme", conclut la soignante.
En début d'après-midi, une vingtaine de soignants ont manifesté devant l'ARS de Vendée. Une délégation a été reçue par la direction.
Les arrêts maladie devraient durer 48 heures. Contactée la direction du centre hospitalier départemental de la Roche-sur-Yon, assure "avoir pris les mesures nécessaires afin que les services concernés ne soient pas trop impactés par le mouvement". La nuit prochaine pourtant s'annonce extrêmement compliquée. Dix salariés se sont déclarés en arrêt maladie.