TEMOIGNAGE. "On me traitait de gros, je ne dénonçais personne pour ne pas subir encore plus", Antonin fait le tour de France à pied pour lutter contre le harcèlement scolaire

Il est parti du Havre le 1er janvier 2022 pour un voyage à durée indéterminée. A 18 ans, Antonin a entamé un tour de France à pied pour lutter contre le harcèlement scolaire dont il a été victime au collège. Il est de passage dans notre région.

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Marcher en téléphonant...aucun problème pour Antonin qui décroche très vite. Le jeune homme a pris la route le 1er janvier 2022. "Les conditions étaient magnifiques, il y avait un grand soleil, j'avais même très chaud". Il est parti du Havre, sa région natale. Il est originaire de Gaillon près d'Evreux dans l'Eure.

Seul avec un sac à dos, une tente, un duvet "pour les nuits à la belle étoile" des vêtements de rechange "et un short pour les beaux jours". Le collégien autrefois harcelé, a aujourd'hui 18 ans. Son histoire, il ne veut pas rien en faire. Alors il marche, le matin, le midi, le soir. Au gré du vent, des températures et de ses envies. "Le voyage normalement doit durer un an et demi mais au rythme où je vais je devrais atteindre mon but en huit mois."

Un défi sans aucune pression

Antonin ne se met aucun pression, ce défi il y croit dur comme fer et il prendra le temps qu'il faut. Pour l'instant il avance à bon rythme. Après 33 jours de marche il est arrivé à Rezé dans l'agglomération nantaise.

Il y a des jours, je fais 7 kilomètres, d'autres 30. En fait, c'est comme je le sens

Antonin Browang

Et pour se loger, le jeune homme n'a pas besoin de camper. Ils sont nombreux dans chaque ville et village traversés à se porter candidat pour l'accueillir. Les portes lui sont grandes ouvertes partout.

Pour trouver un toit chaque jour au marcheur, l'association "Marcelment" prend le relais et lance des appels sur sa page Facebook. Et ils sont nombreux à répondre, presque trop. Ils se battraient presque. "Après 33 jours de marche je n'ai encore jamais dormi dehors. J'ai toujours trouvé une solution d'hébergement."

J'avais envie de sortir de ma Normandie, de découvrir le monde qui m'entoure, de voir ce que ce voyage, les paysages et les rencontres allaient pouvoir m'apporter

Antonin

Antonin a décroché un bac pro de logistique et transports en juillet 2021. De ces années lycée il garde un bon souvenir, son arrivée au collège en revanche l'a plongé dans des années bien sombres. "J'ai encaissé beaucoup de moqueries sur mon physique et mon apparence. A l'époque je ne considérais pas cela comme du harcèlement."

"J'était plus petit que les autres et un peu rond"

Les remarques désagréables sont quotidiennes. "On me traitait de gros, j'étais plus petit, un peu rond." Du haut de ses 12 ans, Antonin encaisse, en serrant les dents, parfois mais il tient le coup grâce à ses amis. "J'ai toujours été très bien entouré. Ils m'ont toujours soutenu à 100%."

Face aux adultes le jeune garçon ne dit rien de ces railleries qui le blessent. "A cette époque le harcèlement existait mais on en parlait beaucoup moins qu'aujourd'hui, il était moins pris en considération. Il n'y avait pas ou très peu. d'interventions de spécialistes dans les établissements scolaires. "

Alors Antonin se tait, d'autant qu'il a son petit caractère.

Je ne me laissais pas faire, je répondais aux attaques. Je ne voulais dénoncer personne et surtout je ne voulais pas subir encore plus.

Antonin

Il a supporté pendant deux ans en essayant de ne jamais baisser la tête. "Je ne sais pas quand, comment et pourquoi tout cela s'est arrêté. Sans doute parce qu'en grandissant les gens passent à autre chose, les mentalités évoluent, et puis physiquement moi aussi j'ai commencé à changer. Et surtout, le harcèlement scolaire est devenu un phénomène dont on a de plus en parlé. De plus en plus de personnes au fil des ans étaient sensibilisés à cette question."

Sur la route, les rencontres sont belles, parfois inattendues, toujours enrichissantes.

"Dès le début j'ai été super bien accueilli. J'ai passé une soirée entière avec un groupe d'amis, ils m'ont ouvert la porte de leur maison comme si j'étais un des leurs, comme s'ils me connaissait depuis toujours. C'était le premier jour de mon voyage, à Honfleur. J'ai gardé contact avec eux", raconte Antonin.

Jeunes, retraités, couples avec enfants, d'origine sociales très diverses, sur son chemin, il croise tous types de généreux qui lui offrent volontiers le gîte et le couvert. 

Beaucoup de gens qui me reçoivent, me disent que c'est beau de faire ça à 18 ans, alors ça me donne envie de poursuivre mon voyage et d'aller encore plus loin

Antonin

"Il est sociable, déterminé et il y a sa petite bouille"

Les soirées souvent se passent autour de la table. "J'essaye de porter le message que face au harcèlement, même les familles ne sont pas seules. Il y a des associations qui oeuvrent partout en France. Même les parents peuvent être accompagnés et suivis".

Emmanuelle Ameline et son conjoint Dominique Ferey ont accueilli Antonin après le 5e jour de marche.

"Alors en fait, nous, on travaille pour la mairie de Bayeux. Nous sommes assignés à résidence puisqu'on vit sur le terrain de camping que l'on gère". Ils sont employés par la ville. Le maire s'est mis en contact avec eux et leur a demandé de mettre à disposition un locatif pour ce jeune homme qui faisait une marche solidaire contre le harcèlement scolaire.  

"Pour nous c'était une évidence. On a un neveu qui a été est victime de harcèlement scolaire. C'est une cause qui nous touche particulièrement. Donc voilà, on a mis tout en place. On a été rouvrir le mobilhome qui était en hivernage, on a remis le service en eau, et rallumé le chauffage", raconte Emmanuelle.

Et puis bah ça a été une belle rencontre parce qu' Antonin, c'est quelqu'un qui est énorme. Il est très sociable, il est déterminé. Ça s'est fait tout seul quoi.

Emmanuelle Ameline

"On a eu un gros coup de cœur pour lui, parce qu'il se bat pour une une noble cause. Notre neveu qui est dans une école professionnelle, qui a été victime de harcèlement. Il est un petit peu introverti mais il fait des études tout à fait classiques. Il a reçu des coups de ciseaux, des coups dans le ventre et a été agressé physiquement à plusieurs reprises. Il a aussi reçu des menaces des insultes. Le harceleur a été appréhendé, la famille a porté plainte", ajoute Dominique.

Le couple a tout de suite été séduit par Antonin.

"Il est humble et courageux. On a craqué pour sa petite bouille  avec son mètre 90. Il faisait 120 kilos chez nous et on voit qu'il déjà  perdu 10 kilos en un mois". 

Ils sont même allés jusqu'à le dorloter. "Le matin avant son départ, on est allé lui apporter le petit déj, au mobilhome. C'est mon mari qui voulait. Il m'a dit viens ! on va aller lui porter à manger. Beaucoup de lait pour ses os, des croissants, et des pains au chocolat". Et la séquence cocooning ne s'arrête pas là.

"La ville de Bayeux lui a offert un pack détente au centre aquatique à côté avec séances bien-être et balnéo. On s'est bien occupé de lui. Il le mérite. Et puis, franchement, c'est un petit mec super, super attachant".

Emmanuelle Ameline

"Je n'ai pas la prétention d'apprendre quoi que soit à quiconque, juste à ma mesure, avec mon vécu, j'essaie d' expliquer comment ça fonctionne, quels sont les signes avant-coureurs", explique le jeune adulte.

"Il y a aussi des discussions passionnantes avec les enfants. Quand ils sont en âge de comprendre j'aborde la question avec eux à table et souvent leurs questions sont très pertinentes. Celle qui revient le plus souvent le plus souvent c'est : Comment fait-on, vers qui se tourner si on est harcelé ou harceleur ?"

"Je suis extrêmement fière mais il nous manque"

Pour boucler la boucle, et ces milliers de kilomètres Antonin s'est fixé un an et demi. Vu l'allure, il pourrait arriver au bout en seulement 8 mois. "Ce serait un record! "

S'il marche seul, la famille n'est jamais bien loin. "Mes parents sont à 100, voire 200% derrière moi-même s'il étaient un peu inquiets quand je leur ai présenté mon projet."

Ce n'est pas Marie-Ange la maman qui va dire le contraire.

"Je suis très fière, extrêmement fière de lui forcément. Moi je le suis de très très peu. En temps que maman poule j'étais très inquiète de le savoir seul sur les routes, isolé dans la nature. Aujourd'hui ça va mieux je vois que tout se passe très bien pour lui."

Cette aventure, il y a quelques années en arrière, Marie-Ange n'y aurait pas cru. 

"Il a pris en maturité depuis deux trois ans. C'est un jeune très ouvert qui a toujours besoin d'aller vers les autres. Il n'a jamais aimé laisser les gens seuls. Il cherche le regroupement."

"On n'a rien vu"

A l'époque, comme beaucoup, les parents d'Antonin n'ont rien décelé des souffrances de l'adolescent. Ils ne sont pas rendu compte. Alors lorsqu'ils ont su, il a fallu absorber le choc. 

Quand il me l'a dit, j'étais mal. Je me suis dit : qu'est ce que j'ai raté ? Je n'ai pas vu les signes, Je n'étais pas là quand il en avait besoin. C'est très difficile à accepter de se dire que nous n'avons rien vu

Marie-Ange, maman d'Antonin

Aujourd'hui Marie-Ange ne le lâche pas d'une semelle : "C'est mon petit, il n'a que 18 ans. Le petit dernier d'une fratrie de quatre. Qu'il continue comme ça, c'est un magnifique projet mais quand même qu'il revienne vite à la maison. Il nous manque..."

A la rencontre des scolaires

Le parcours d'Antonin a pour l'instant était ponctué par une intervention scolaire dans un établissement de Jans en Loire-Atlantique. "Ça s'est vraiment très bien passé, j'ai pris la parole devant des classes de CE1,CE2, CM1 et CM2. L'échange a été instructif. Je leur ai parlé du harcèlement bien sûr, de mon voyage et de l'association Marcelment."

D'autres dates sont prévues notamment à la Maison Familiale Rurale de la Roche-sur-Yon en Vendée. "Là je vais rencontrer des étudiants plus vieux que moi. Ils travaillent sur un projet intitulé appréhender la différence, c'est dans ce contexte là que j' interviens."

Dans les jours qui viennent, Antonin sera en Vendée, avec des étapes aux Lucs-sur-Boulogne, à Saint-Philbert-de-Bouaine, à la Génétouze, et à La Roche-sur-Yon. Direction ensuite le littoral et la Rochelle.

L'ennui ce n'est pas pour lui. Antonin pense souvent "à ses sponsors qui lui donnent de la visibilité et surtout aux pompiers du SDIS d'Evreux". Il y a travaillé pour financer son projet. Les gars de la caserne ne perdent pas une miette du périple.

8 000 kilomètres au moins, peut-être plus. Et après ? "J'aimerais bien intégrer l'armée, les Chasseurs Alpins, les élites de l'armée française. Ce tour de France me permet aussi de m'entraîner physiquement et mentalement...Et si je n'y arrive pas, il y aura un autre voyage à pied. Je repartirai sur les routes".

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