Réchauffement climatique, pesticides, bio, innovations... 5 clés pour comprendre les vignes et les vins de nos régions

Intempéries, réchauffement et vendanges précoces. Ces bouleversements dessinent depuis quelques années une nouvelle carte des vignes et des vins de notre pays. Écologie, économie, recherche scientifique...nous vous proposons 5 clés pour comprendre l'évolution des vignobles de nos régions. 



1. Réchauffement climatique : la nouvelle donne !

Des vignobles bordelais au grands domaines de Champagne qui anticipent en achetant des terres à l'étranger, le réchauffement est dans toutes les têtes.
Il inquiète une filière fragile et démunie face aux colères de la terre. 
En Franche-Comté comme ailleurs, le réchauffement est là.  En 130 ans, "la moyenne des températures a augmenté de plus d'1,5 degrés dans la région", explique Bruno Vermot-Desroches, délégué départemental de Météo France à Besançon et également auteur de Histoire du climat en Franche-Comté. Et la situation ne devrait pas aller en s'arrangeant

D'ici 2100, la hausse de températures en Franche-Comté pourrait aller de 1,5 à 5 degrés.

Les vins du Jura comme les autres cépages de la région sont en première ligne. Il va bien falloir s'adapter car la hausse des températures pourrait aussi modifier les arômes et les cépages. La baisse du nombre de jours de gel par an n'est pas, non plus, une bonne nouvelle car le froid tue les bactéries et éloigne les maladies. Certains viticulteurs "bio" tentent de relever le défi en inventant de nouvelles techniques. 
 Jean-Etienne Pignier, co-propriétaire d'un domaine de 14 hectares (Domaine Pignier), a fait le choix de la biodynamie. Il expérimente de nouveaux modes de cultures pour protéger les grappes de raisin des rayons d'un soleil devenu trop présent :

en ce moment, on teste la technique du port retombant. C'est-à-dire que la vigne est attachée différemment pour que la feuille retombe sur les raisins pour la protéger naturellement

Selon Jean-Etienne Pignier, les viticulteurs conventionnels qui utilisent produits chimiques et tracteurs vont être plus touchés par le réchauffement climatique. Pour réagir aux maladies, ils vaporisent des produits phytosanitaires mais la terre est déjà très chargée et la vigne ne sait plus se défendre seule. Elle aura du mal à s'adapter aux changements.  

Pour comprendre : 
 
Dans la vallée du Rhône, même constat. Les vendanges ont encore commencé très tôt cette année. Ici on produit des blancs et des rouges d'Appelation d'Origine Contrôlée. Du Cornas, du Saint-Joseph et du Saint-Peray, des vins qui ont une solide réputation et qui ne doivent pas faillir. Alors, les viticulteurs des Côtes-du-Rhône apprennent saison après saison à composer et s'adapter à ce climat qui perd la boussole. A Tain l'Hermitage (Drôme), les techniciens d'Inter-Rhône, qui conseillent les viticulteurs, observent "une accélération spectaculaire" du réchauffement climatique depuis les années 80. Une élévation de la température de 2 à 3° qui précipite la maturité des raisins.  Depuis ces bouleversements, les viticulteurs collaborent étroitement avec ces techniciens. Une collaboration nécessaire.  Avec eux, ils choisissent le plus délicat : le moment juste pour le vendanges.

Le choix de la date des vendanges est un élément clé dans la réussite d'un millésime 

Françoise Dijon,  oenologue et responsable de l'observatoire de la qualité à Inter-Rhône renchérit : 

Ce qui est important pour nous, c'est de trouver le bon équilibre des raisins, entre le sucre qui va donner le degré alcoolique à la fin de la fermentation, l'acidité, une belle couleur et des arômes adaptés. 

S'en tenir à la teneur en sucre, n'est pas suffisant. D'autres données plus complexes entrent en jeu. Cette collaboration experts-viticulteurs devient évidente. Dans la vallée du Rhône, le réchauffement semble rapprocher les hommes. 
Les scientifiques planchent sur d'autres pistes. Notamment, celle du retour à la culture d'anciens cépages oubliés. 
En Occitanie, les intempéries remettent en question l'avenir de certaines vignobles. La sécheresse reste le point noir. Les scientifiques travaillent sur de nouveaux cépages. 

En fait, nous pourrions voir l'apparition d'une nouvelle espèce de raisin. Elle pourrait être développée avec un gène de tolérance à la sécheresse. les chercheurs ont isolé ce gène et je peux dire qu'il va y avoir des changements incroyables dans la viticulture.

assure Sarah Abbott, master of wine, lors du dernier Vinisud, le 19 février 2018, à Montpellier. 
 
Pour en savoir plus sur les recherche et les avancées scientifiques :

2. Du "Bio" pour éviter les pesticides : la tendance qui gagne les vignobles !

Lantignié dans le Beaujolais a des airs de village exemplaire. Dans cette petite commune, 29 vignerons sur 35 ont décidé de dire au revoir aux produits phytosanitaires pour se mettre au bio. Bien sûr cela demande plus de travail et plus d'attention, mais ceux qui ont franchi le pas n'ont pas regretté. 
 Certains de leurs vins s'exportent même dans de grands restaurants étrangers 

Cette tendance se renforce au fil des années. Dans une interview pour RFI lors de la Foire aux vins 2018,  Didier Coustou, responsable vins région Ouest et vins étrangers pour l’enseigne E.Leclerc l'a confirmé :

les progressions des ventes sont de l’ordre de 20 % chaque année sur le marché du vin bio en France. Sachant qu’il ne pèse que 3 % des parts de marché. 


En Bourgogne, la tendance se confirme. De plus en plus de viticulteurs se détournent des produits chimiques. Ils se convertissent à d’autres modèles plus respectueux de l’environnement et de la santé, comme la biodynamie. Ils ne veulent plus mettre leur santé en danger, rendre malade leurs vignes et douter du vin qu’ils produisent. De grands domaines, aux noms de vins prestigieux, se sont laissés convaincre. Celui de la Romanée-Conti a converti la totalité de ses vignes en 2007, et plus récemment, en 2018, c’est au tour du château de Pommard d'avoir relevé le défi.
Dans le Bordelais, les vignobles bios restent confidentiels. Et ceux qui ont fait ce choix doivent tenir. Beaucoup d'entre eux, surpris par les intempéries, ont connu ces dernières années des récoltes désastreuses. A la tête de ses 10 hectares du château Vieux Mougnac, Sylvie Milhard-Bessard se pose des questions. Continuer, arrêter, diminuer la taille du domaine ? Voilà quelque temps qu'elle adapte son exploitation et ses pratiques. Toujours en bio, comme son père qui a tracé la voie. 

Il y avait des têtes de mort sur les bidons de produits phytosanitaires. Mon père ne voulait pas s'empoisonner, ni ses clients ni sa famille... 

Malgré les récoltes difficiles, elle ne veut pas baisser les bras. Utiliser des pesticides pour combattre les maladies serait une régression. Alors elle tient. Mais l'évolution est lente. Trop lente, pour tous ceux qui souhaitent préserver l'environnement et la santé des êtres humains. 
Marie-Lys Bibeyran, du Collectif Info Medoc, se bat depuis 10 ans contre les pesticides. Elle aussi trouve que cela n'avance pas assez vite. Mais elle commence à percevoir chez les ouvriers agricoles qui travaillent dans les vignes, une prise de conscience. 

Quand j'ai commencé en 2001, c'était impossible d'aborder le sujet avec un ouvrier agricole qui avait peur d'en parler. Maintenant, il y en a parmi les membres du collectif. A Listrac (Médoc), je connais un ouvrier qui vient d'être papa. Il a dit à son patron "J'arrête le traitement.". Il a eu un sacré courage. Il est affecté à d'autres tâches. 

L'enjeu financier et sanitaire est de taille. Le Centre Interprofessionnel des vins de Bordeaux estime ne pas pouvoir imposer ce choix du "Bio". 
Les pesticides restent un combat nécessaire à mener pour beaucoup de vignerons.

Pour tout savoir sur l'évolution des vignobles Bordelais :





3. La conquête de nouvelles terres !

Le réchauffement climatique pousse à l'adaptation. Il pousse aussi à conquérir de nouvelles terres. Oser certains cépages sous des latitudes inattendues. Quand certains bravent les embruns pour aller planter des pieds de vigne sur une île, d'autres espèrent la renaissance de vignobles oubliés. 
Sur l'île de Groix (56), les seules vignes que l'on rencontre, sont celles plantées dans des jardins. Mais aucun vignoble à l'horizon. Un jeune couple,  Noémie Vallélian et Mathieu Le Saux, s'apprêtent à changer la donne et se lancer dans l'aventure. Ils ont racheté une ferme, et sont sur le point d'acquérir les terres sur lesquelles ils vont planter des vignes. Noémie, fille de viticulteur, elle s'est "prise d'amour pour le maraîchage et la biodynamie", domaine dans lequel elle étudie encore. Mathieu, de son côté, est lui-même viticulteur. Leur rêve se réalise grâce à une loi, celle de Janvier 2016. Elle autorise enfin La Bretagne à renouer avec son passé viticole. Pas besoin d'aller dans les Iles anglo-normandes pour échapper au réchauffement climatique. La Bretagne offre tous les avantages et toutes les richesses d'une terre viticole à conquérir. Dans cette région, les conditions sont rares, estime Mathieu le Saux : 

Le sous-sol de Groix contient des glaucophanes bleus [roche, NDLR]. Dans le monde, très peu de vignes poussent sur ce type de sols

Pour en savoir plus sur l'aventure de Noémie et Mathieu :
Pendant longtemps on raillait la Normandie sur ses vendanges. Des pommes pour le cidre. Mais là aussi, réchauffement oblige, des vignobles renaissent. Et la région se rêve en terre viticole, renouant ainsi avec une tradition du Moyen- Age. 
C'est dans le département du Calvados, au sud-est de Caen, en amont de Saint-Pierre sur Dives, que se situe aujourd'hui le plus grand et le plus abouti des vignobles normands. Initié au début des années 1980 par Gérard Samson, ce projet de production de vin s'est appuyé sur des recherches historiques dans les archives. Comme une sorte d'enquête permettant de prouver la présence très ancienne de vignes à Grisy, sur ces coteaux de la Dives. Planté en 1995, le vignoble des "Arpents du soleil" produit  maintenant plusieurs dizaines de milliers de bouteilles par an et bénéficie depuis 2009  d'une appellation d'Indication Géographique Protégée (IGP) "vin de pays du Calvados Grisy". D'autres viticulteurs l'ont suivi dans l'aventure. Poussée par les bouleversements climatiques, la vigne est de retour en NormandieD'autres régions, comme Les Hauts-de-France, l'Ile de France ou Les Pays de La Loire, assistent à cette renaissance. Des vignes apparaissent sur de nouvelles terres ou des vignobles jusque-là oubliés. Dans le Limousin aussi de nouveaux vignobles pourraient apparaître.  

4. Quand les jeunes s'investissent !

Loin du luxe et des bulles de Champagne, tout juste âgé de 30 ans, François Maujard est le petit jeune de l'AOC vins de Moselle. Arrivé en 2016, il termine cette année sa 3e vendange. Elle s'annonce maigre sur ses 4 hectares de vignes bio. Pourtant, il veut y croire et incarne une nouvelle génération de vignerons. Pour s'installer, les travaux lui ont coûté 600 000 euros. Il a été aidé par des subventions de l'Etat, de la Région et même de l'Europe ; les soutiens ne manquent pas. Mais la nature ne se dompte pas facilement, surtout en bio. Face aux difficultés,  François reste sûr de ses choix. 

J'ai quitté le monde de l'économie pour plus d'éthique, je ne concevais pas de travailleur autrement qu'en bio. C'est fondamental, que va-t-on laisser à nos enfants si on continue comme ça ?


Pour découvrir l'aventure de François : 


A l'école, c'est le même engagement. Sécateurs en main, des élèves en 1re année de BTS Management en hôtellerie-restauration au lycée de Chamalières, sont venus sur une parcelle du Crest, dans le Puy-de-Dôme, pour comprendre le travail de vigneron. L’étude des vins et de la vinification figure au programme de ces étudiants. Mieux que le tableau d’une salle de classe, l’expérience du terrain doit venir nourrir les prochains cours et renforcer la cohésion du groupe. Mais aussi, marquer les esprits pour l’avenir. « Il s’agit de les inciter à être humbles vis-à-vis des vins et des vignerons. Ils vont se rendre compte que c’est un travail éprouvant. Quand, plus tard, ils seront appelés à prendre des décisions, négocier, passer des commandes, il faut qu’ils n’oublient pas - que l’on s’appelle Côtes d’Auvergne ou Romanée Conti - que le travail est aussi physique », souligne Thomas Vivant leur professeur. 
 
 
5. Nouvelles tendances

La vigne est un monde en perpétuelle évolution. Les récoltes parfois difficiles de ces dernières années ont poussé certains a trouver de nouvelles idées, de nouvelles économies. Depuis quelques années, l'oenotourisme est devenu un secteur en plein essor. Pour preuve la France comptait en 2016, 10 millions d'oenotouristes. En sept ans, leur nombre a augmenté de 33%. On estime que ces œnotouristes ont globalement dépensé 5,2 milliards d’euros en France en 2016. En région Centre-Val de Loire, par exemple, ils sont déjà plusieurs dizaines de viticulteurs à avoir ouvert leur domaine et proposer des activités en rapport avec la culture du vin et son terroir. Escape Game dans un chai, découverte des labyrinthes troglodytiques où sont entreposés les bouteilles bien sûr, vol en montgolfière pour survoler Sancerre et ses vignobles dans un autre, les vignerons ne manquent pas d'imagination pour un secteur aux nombreuses perspectives. 
Dans la Drôme aussi, ce secteur a aussi le vent en poupe. 

Pour en savoir plus sur les bons plans de l'oenotourisme :
En Corse, c'est une autre tendance. Une véritable révolution dans le monde du vin. Après le rouge, le rosé et le blanc, le bleu fait son apparition. Un vin 100% naturel aux couleurs du ciel et de la mer. 
 
La carte 2018 du nouveau visage des vignes et des vins de nos régions. 
 











 
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