Le blocage du chantier photovoltaïque sur la montagne de Lure a mal tourné mercredi 6 décembre au petit matin. Trois militants écologistes ont été blessés et disent avoir été molestés par des agents de sécurité. Deux d'entre eux témoignent tandis qu'une vidéo circule.
Des agressions, des violences, des plaintes déposées. La tension est encore montée d'un cran ce mercredi 6 décembre sur le chantier Boralex de Cruis. Trois opposants au projet de centrale photovoltaïque dans la forêt ont été blessés et accusent les agents de sécurité du site de les avoir molestés "gratuitement", tandis qu'ils bloquaient des engins de manière "non-violente". Côte cassée, entorses, hématomes, évacués par les pompiers, ils écopent de plusieurs jours d'incapacité de travail (ITT) et portent plainte.
Les faits se sont déroulés à l'aube, au lendemain d'une audience tendue devant le tribunal de Digne. La veille, deux militantes écologistes, les "gardiennes de Lure", devenues un symbole de la résistance écocitoyenne dans cette région des Alpes, comparaissaient pour avoir barré la route pacifiquement aux pelleteuses. Mercredi, au petit matin par moins 4 degrés, un nouveau blocage du chantier se prépare. Une quinzaine d'opposants chaudement couverts enjambent le grillage et s'apprêtent à s'enchainer aux engins, comme ils le font depuis deux mois.
"Balancé dans les rochers en contrebas"
Sous les yeux des ouvriers présents, "nous avons expliqué ce que l'on faisait, précisé que l'on était non violents, qu'on apportait le café", raconte L. qui va très vite déchanter, comme en attestent des images postées sur les réseaux sociaux.
"En fait, ce n'étaient pas des vigiles que l'on avait face à nous, plutôt une milice avec quelques éléments ultraviolents". Ce membre du Groupe national de surveillance des arbres (GNSA) décrit le "déchaînement de violence" qui va suivre, en l'absence des gendarmes qui surveillent habituellement le site.
"Deux vigiles m'ont attrapé par surprise, secoué et donné des coups de poings", détaille L., encore sous le choc, "des professionnels de la violence qui ont utilisé ma doudoune pour ne pas laisser de trace sur mon visage, j'avais une bombe lacrymogène pointée à 20 centimètres de mes yeux". Ce quinquagénaire affirme que son entorse au genou a été provoquée quand " ils s'y sont mis à trois, m'ont pris en poids et balancé dans les rochers en contrebas".
Quand on vous agresse à coups de poings, qu'on vous envoie en l'air, que vous voyez vos camarades aux prises avec des vigiles, armés d'une barre de fer, ou d'une chaîne, avec un chien sans muselière, vous comprenez que ça part en live !
L. militant du GNSA à CruisFrance 3 Provence-Alpes
Pendant ce temps, son camarade M. du mouvement Extinction Rebellion est, lui aussi, pris à partie par les agents de sécurité. Des militants qui filment la scène se voient arracher leurs téléphones, confisqués par les gardiens, les cris fusent, les insultes pleuvent. "La dizaine de vigiles nous lançaient des "je vais te dégager"," tu vas bouger", "je vais te fracasser" et l'un d'eux était particulièrement dangereux ".
"Coups de barre à mines"
Le trentenaire dit recevoir alors un coup de poing dans le bras." Surpris, je me suis plié en avant et là, il m'a fait une espèce de prise de MMA pour taper ma tête contre son genou, j'étais sonné". M. affirme qu'ensuite que le vigile l'a fait tomber à genoux en le frappant aux jambes.
J'ai envie de pleurer, les gens sont fous, les rapports humains désastreux, des molosses nous fracassent pour des intérêts économiques, il va me falloir du temps pour m'en remettre.
M. militant d'Extinction Rebellion à Cruis le 6 décembre
C'est M. finalement qui préviendra les pompiers arrivés sur place une demi-heure plus tard. Les gendarmes eux débarqueront "après la bataille". Un troisième militant qui affirme dans la vidéo avoir "pris des coups de barre à mines" souffre d'une côte cassée et L. s'indigne : "il n'est pas passé loin de la perforation de la rate, faut-il qu'il y ait un mort pour qu'ils arrêtent ce foutu chantier et fassent respecter le Code de l'environnement ?", persuadé que les agents de sécurité ont reçu des "consignes d'hyperviolence de la part de Boralex pour calmer les choses".
Une réponse proportionnée selon Boralex
Un tissu de mensonges pour Jean-Christophe Paupe. Le directeur général de Boralex pointe la "provocation" des militants qui ont attaqué les vigiles en ayant l'intention de filmer et de médiatiser la confrontation. "Nous avons déjà remis nos images de vidéosurveillance aux gendarmes et laissons faire l'enquête", affirme Jean-Christophe Paupe, qui assure que les gardiens ne sont pas armés et agissent dans le respect des règles du gardiennage privé, "répondant avec mesure à l'agression dont ils font l'objet".
Jean-Christophe Paupe réfute avoir donné de quelconques consignes à la société de gardiennage. "Les gardiens se sont défendus face à des militants pas du tout pacifiques, qui arrivent avec des tenailles pour saboter, des câbles ont été sectionnés à de multiples reprises sur le chantier".
L. et M. quant à eux, se sont réveillés ce jeudi matin en état de choc et pétris de douleurs, avec "des bleus à l'âme qu'il va falloir soigner".