Le projet de parc solaire dans la montagne de Lure cristallise une forte opposition de la part des habitants, mais également des militants écologistes. "Oui au photovoltaïque, mais pas contre le vivant", s'insurge Europe-Écologie-les-verts, qui réfute l'argument du développement durable brandi par la société Boralex.
Un vent de contestation souffle sur la montagne de Lure depuis plus d'un an. Le projet de parc solaire à Cruis, petite commune des Alpes-de-Haute-Provence, fait cauchemarder les habitants, mais également les militants écologistes. Des défenseurs de la planète opposés à une énergie réputée verte, un paradoxe ? Tandis que la société Boralex avance ses pions sur l’échiquier de la transition écologique et que la mobilisation repart de plus belle depuis le 20 novembre sur la montagne de Lure, on vous explique ce qui dérange les défenseurs de l'écologie dans ce dossier.
Parce que 30 hectares de forêt sont menacés
Au total, ce sont 30 hectares de forêt qui sont menacés par l'implantation de 20 000 panneaux solaires. Selon l'ANB (Association nationale pour la Biodiversité), qui a déposé de nombreux recours administratifs et plaintes pénales, ce qui pose le problème de ce projet, c'est sa localisation. "Une centrale solaire ne peut pas prendre la place d’une forêt, de surcroît une réserve de biodiversité", explique Pierrot Pantel, ingénieur écologue de l'ANB, qui rappelle que la montagne de Lure est labellisée réserve de Biosphère par l'Unesco et renferme des dizaines d'espèces protégées.
Un point de vue que partagent de nombreux habitants, parmi lesquels Claudine, riveraine engagée depuis la première heure, qui rappelle qu'il existe "des zones déjà artificialisées "qui pourraient accueillir ces installations.
Sur le mot d’ordre «sur les toits, pas dans nos bois» et en solidarité avec les gardiennes de la montagne de Lure, en procès pour avoir tenté d’empêcher le massacre du vivant pour un aberrant projet de centrale photovoltaïque en forêt, nous avons manifesté ce jour à #Cruis✊🏻☀️🌈 pic.twitter.com/jDzWvYX9G6
— Sébastien Barles (@sebbarles) November 19, 2023
"Oui au photovoltaïque, mais pas contre le vivant" gronde Sébastien Barles. L'élu marseillais d'EELV, mobilisé sur le terrain au côté des habitants derrière le slogan "sur les toits, pas dans nos bois", martèle qu'il défend les énergies renouvelables sous certaines conditions, mais qu'il faut "cesser d'opposer le climat au vivant". Pierrot Pantel confirme : "C'est absurde d'imaginer que l’on va sauver le climat en rasant des forêts !".
Parce que l'implantation des panneaux solaires dégrade durablement les sites
Toits, friches polluées, sites militaires désaffectés ou zones industrielles dégradées... Les alternatives sont nombreuses, selon Sébastien Barles, permettant d'implanter des panneaux photovoltaïques tout en évitant d'impacter les zones naturelles. "Le site de Cruis est saccagé," explique l'élu écologiste, "on voit vraiment deux verrues se dessiner sur la montagne, les supports des panneaux photovoltaiques, de véritables pieux métalliques sont déjà plantés. On retourne le sol en profondeur, plus rien ne poussera."
En cause par ailleurs, "le terrassement de la garrigue" avec la création des voies d'accès nécessaires aux engins de chantier. Du bitume sorti de terre qui recouvre selon lui la végétation et "détruit durablement les habitats des espèces protégées".
Parce que cette centrale n'approvisionnera pas les habitants locaux
Dans un communiqué, la société Boralex défend "l'objectif crucial" que représentent les énergies renouvelables : "Ce qui est attaqué par l’opposition, c'est justement le développement de l'énergie solaire dans le sud de la France et la volonté de la région et des communes à bénéficier d'une énergie propre, produite localement".
Faux, s'insurgent les écologistes. "A Lure, les besoins localement, des habitants, sont maigres. En revanche, ceux qui explosent sont ceux du littoral ", expose Sébastien Barles. Grâce à cette centrale, "c'est le grand port de Marseille qui sera approvisionné en électricité, des data centers, des navires à quais, des rames de métro dans les villes de plus en plus gourmandes en électricité." Selon lui, on oppose "éco-développement " et "capitalisme vert".
Produire en circuit local, c'est possible, affirme-t-il, sur le modèle des communautés locales d'énergie. "Pour fonctionner en autoconsommation, il n'y a pas besoin de faire d'énormes centrales sur des centaines hectares".
"L’angle mort de ce dossier, c'est la finance", conclut Pierrot Pantel, "l'écologie n'est qu'un alibi. C'est la recherche de profit qui domine. Si Boralex voulait "sauver le climat" et œuvrer à la transition écologique, elle ne raserait pas des arbres en portant atteinte à une biodiversité qui s'effondre".