L'EPR de Flamanville dans la Manche doit être raccordé au réseau électrique national ce vendredi 20 décembre 2024. Il doit monter jusqu’à sa pleine puissance dans les prochains mois, avant de s'arrêter en 2026. Un expert de l'énergie nous explique pourquoi.
17 ans après le début du chantier et de multiples déboires, le raccordement du réacteur nucléaire pressurisé de Flamanville au réseau électrique français a enfin lieu ce vendredi 20 décembre 2024. Soit 12 ans plus tard que le calendrier prévu.
C'est peut-être enfin le bout du tunnel, après de nombreux couacs qui ont affecté le chantier et fait exploser la facture. Mais... EDF prévoit déjà un étonnant premier arrêt du réacteur en 2026.
Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting, répond à nos questions.
Ça change quoi de raccorder l'EPR au réseau électrique ?
Le chantier de l'EPR de Flamanville est quand même un chantier qui a essuyé beaucoup de plâtre. On n'avait pas construit de réacteur nucléaire depuis plus de vingt ans et on est dans un pays qui est désindustrialisé donc c'est compliqué de trouver certaines compétences, je pense notamment aux soudeurs.
Le design de l'EPR 1 était compliqué, donc forcément le chantier a accumulé les déconvenues. Le timing qui était peut-être un peu optimiste au démarrage a été largement dépassé en effet, mais là on a franchi un jalon important. Et il faut quand même s'en féliciter.
C'est une étape extrêmement importante pour ce réacteur nucléaire. À partir du moment où il est raccordé au réseau électrique, c'est-à-dire qu'il va pouvoir produire de l'électricité et l'injecter sur le réseau, cela signifie que toute la partie nucléaire fonctionne, et c'est la partie la plus compliquée du réacteur.
Là ce qu'on teste c'est toute la partie que l'on appelle "conventionnelle", c'est là où il y a la turbine qui tourne pour produire de l'électricité.
Il y a bon espoir que ça finisse par monter à pleine puissance dans les mois qui viennent, donc là on peut être vraiment rassuré que ce réacteur a un départ et une montée en puissance imminente.
Le réacteur va fonctionner à pleine puissance jusqu'en 2026 avant de s'arrêter une première fois. Pourquoi ?
Pour l'instant le réacteur va fonctionner à un quart de sa puissance et va monter progressivement jusqu'à sa pleine puissance dans les prochains mois.
Pourquoi il devra s'arrêter en 2026 ? Tout simplement parce qu'il faudra le recharger en combustible et parce que tout nouveau réacteur mis en service doit faire l'objet d'une inspection de premier rechargement de combustible pour vérifier que tout va bien dans le réacteur et que tout s'est bien passé lors de ce premier cycle.
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— EDF Flamanville (@EDFFlamanville) December 11, 2024
Et puis, il faudra changer aussi le couvercle de la cuve du réacteur qui n'est pas tout à fait au niveau de qualité attendu. Donc c'est un arrêt normal mais aussi parce qu'il faut faire des contrôles après un premier cycle de fonctionnement.
Avec ce réacteur, la France devient exportatrice nette en électricité, quels avantages pour les Normands ?
La France est déjà largement exportatrice d'électricité, cette année la France va battre un record d'exportation d'électricité. Ce que va changer la mise en service de ce réacteur, c'est qu'on produira encore plus d'électricité qui sera décarbonée, ça signifie qu'on pourra potentiellement émettre moins de CO2 dans l'atmosphère.
Potentiellement les prix de marché pourront être un petit peu tirés vers le bas, mais il n'y aura pas que l'EPR qui pourra faire ça, il ne représente que 2 à 3% de l'électricité nucléaire produite en France. Lui seul ne suffira pas à avoir un effet significatif. Toutefois, il va tirer les aiguilles dans le bon sens.
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D'ailleurs d'autres EPR de deuxième génération sont prévus. L'objectif avec le programme EPR 2 c'est de commencer à construire en 2027, avec pour objectif de le mettre en service entre 2035 et 2037, il y aura forcément un petit peu de retard mais ce sera normalement à cet horizon. S'ils sont lancés parce qu'on n’a toujours pas de décision ni d'engagement ferme.
L'objectif à terme est d'en déployer trois paires, donc six en tout, sur les centrales nucléaires de Penly (Seine-Maritime), Gravelines (Nord) et Bugey (Auvergne Rhône-Alpes).