Montagne de Lure : le parquet a requis 1200 euros d'amende avec sursis contre les militantes opposées au projet photovoltaïque

Ce mardi 5 décembre, les deux militantes écologistes comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Digne-les-Bains. Elles étaient poursuivies pour le blocage du chantier de parc photovoltaïque sur la montagne de Lure à Cruis, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Le ministère public a requis 1200 euros d'amende en partie avec du sursis.

À Cruis, dans les Alpes-de-Haute-Provence, depuis le mois de septembre 2022, le projet du géant canadien Boralex met les habitants et les écologistes sous tension. La construction d'un parc photovoltaïque de 20 000 panneaux solaires de 17 hectares, implique de raser 30 hectares de forêt et de végétation. Plus de 90 espèces protégées sont menacées selon les associations de l'environnement qui se sont emparées de ce dossier. Depuis plus d'un an, les militants écologistes tiennent tête aux bulldozers, mais se retrouvent aujourd'hui sous le rouleau compresseur de la justice.

Des peines de  1 200 euros d'amende avec sursis

Le 4 octobre 2023, deux militantes, Claudine Clovis et Sylvie Bitterlin, âgées de 60 et 72 ans, sont arrêtées et placées en garde à vue. Elles comparaissent "pour s'être mises devant des bulldozers et des pelleteuses, en vue d'empêcher des travaux en infraction au code de l'environnement " s'indignait le 18 octobre auprès de France 3, Pierrot Pantel, "pendant que la préfecture et les industriels sont main dans la main pour tout dévaster".

Près d'une centaine de militants étaient venues soutenir les deux militantes devant le tribunal correctionnel de Digne-les-Bains ce mardi soir, elles ont été applaudies à la sortie.

Après cinq heures d'audience, le tribunal a mis sa décision en délibéré au 25 janvier 2024.

Le blocage continue et les intimidations aussi

Le 18 octobre dernier, des militants d'Extinction Rebellion (XR) s'enchaînent à des engins de chantier, sur le site de la montagne de Lure, où une centrale solaire est en construction. Ils dénoncent la destruction de 17 hectares de forêt.

Deux journalistes suivent cette action pour le média Reporterre. Les gendarmes arrivent sur le site en milieu de matinée et contrôlent l'identité des personnes qui s'y trouvent, en précisant qu'elles seront ensuite convoquées à la gendarmerie. "Nous avons fait valoir notre qualité de journaliste et la liberté d'informer", précise Pierre Isnard-Dupuy, l'un des deux journalistes, auteur du reportage écrit.

30 hectares de forêt sont menacés

Au total, ce sont 30 hectares de forêt qui sont menacés par l'implantation de 20 000 panneaux solaires. Selon l'ANB (Association nationale pour la Biodiversité), qui a déposé de nombreux recours administratifs et plaintes pénales, ce qui pose le problème de ce projet, c'est sa localisation. "Une centrale solaire ne peut pas prendre la place d’une forêt, de surcroît une réserve de biodiversité", explique Pierrot Pantel, ingénieur écologue de l'ANB, qui rappelle que la montagne de Lure est labellisée réserve de Biosphère par l'Unesco et renferme des dizaines d'espèces protégées.

Un point de vue que partagent de nombreux habitants, parmi lesquels Claudine, riveraine engagée depuis la première heure, qui rappelle qu'il existe "des zones déjà artificialisées "qui pourraient accueillir ces installations.

L'implantation des panneaux solaires dégrade durablement les sites

Toits, friches polluées, sites militaires désaffectés ou zones industrielles dégradées... Les alternatives sont nombreuses, selon Sébastien Barles, permettant d'implanter des panneaux photovoltaïques tout en évitant d'impacter les zones naturelles. "Le site de Cruis est saccagé," explique l'élu écologiste, "on voit vraiment deux verrues se dessiner sur la montagne, les supports des panneaux photovoltaiques, de véritables pieux métalliques sont déjà plantés. On retourne le sol en profondeur, plus rien ne poussera."

En cause par ailleurs, "le terrassement de la garrigue" avec la création des voies d'accès nécessaires aux engins de chantier. Du bitume sorti de terre qui recouvre selon lui la végétation et "détruit durablement les habitats des espèces protégées".

Cette centrale n'approvisionnera pas les habitants locaux

Dans un communiqué, la société Boralex défend "l'objectif crucial" que représentent les énergies renouvelables : "Ce qui est attaqué par l’opposition, c'est justement le développement de l'énergie solaire dans le sud de la France et la volonté de la région et des communes à bénéficier d'une énergie propre, produite localement".

Faux, s'insurgent les écologistes. "A Lure, les besoins localement, des habitants, sont maigres. En revanche, ceux qui explosent sont ceux du littoral ", expose Sébastien Barles. Grâce à cette centrale, "c'est le grand port de Marseille qui sera approvisionné en électricité, des data centers, des navires à quais, des rames de métro dans les villes de plus en plus gourmandes en électricité." Selon lui, on oppose "éco-développement " et "capitalisme vert".

Produire en circuit local, c'est possible, affirme-t-il, sur le modèle des communautés locales d'énergie. "Pour fonctionner en autoconsommation, il n'y a pas besoin de faire d'énormes centrales sur des centaines hectares".

"L’angle mort de ce dossier, c'est la finance", conclut Pierrot Pantel, "l'écologie n'est qu'un alibi. C'est la recherche de profit qui domine. Si Boralex voulait "sauver le climat" et œuvrer à la transition écologique, elle ne raserait pas des arbres en portant atteinte à une biodiversité qui s'effondre".

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