Alpes-Maritimes : le combat du maire de Conségudes pour rétablir l'unique liaison de bus de son village

René Trastour, le maire de Conségudes, une petite commune de cent habitants près de Gréolières, dans les Alpes-Maritimes, se mobilise et lance un appel pour que soit rétablie l'unique ligne hebdomadaire de bus qui desservait son village. Une liaison vitale selon lui.

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René Trastour, le maire de Conségudes est épuisé. Il est épuisé de ne pas être entendu par la Région qui fait la sourde oreille, depuis le 2 septembre 2022.  Depuis ce jour, l'unique ligne de bus, de la petite commune de 96 habitants à l'année, a été supprimée.

Il s'agissait d'une ligne de bus "Zou" de la Région PACA qui permettait de se rendre de Conségudes au centre commercial Lingostière et à la gare routière de Nice. Selon l'élu, "une ligne de bus vitale. Il n'y a plus de commerce dans le village, plus de boulangerie. Cette ligne de bus est essentielle pour nous".

Une offre de transport qui va de Charybde en Scylla

Il faut dire, aussi, que les Conségudois et Conségudoises ont été autrement habitués. Il y a plus de cinquante ans, chaque jour, un bus desservait le village matin et soir. Selon les souvenirs du maire, "le chauffeur habitait même le village, c'était vraiment très très pratique".

Puis, dans les années 2000, la liaison quotidienne est devenue hebdomadaire. Le vendredi matin. "Ça fonctionnait avec le transport à la demande", se remémore René Trastour. "Il fallait téléphoner à la "centrale du transport à la demande" de la Région. C'est Marseille qui gérait".

Puis vint le 2 septembre 2022 et depuis plus rien. Enfin, pas tout à fait...

Un système D plutôt chaotique

Élu depuis 2012, ce Niçois adopté par les villageois, a toujours connu au moins un moyen de transport pour se rendre ou sortir de Conségudes qu'il fréquente depuis de nombreuses années, puisqu'il y a une résidence secondaire.

Face à ce "rien", la CASA a donc mis en place un "système D", comme l'appelle monsieur le maire. Une sorte de transport pour pallier l'absence du bus du vendredi. "Il y a bien un système D de bus qui a été mis en place par la CASA pour descendre de Conségudes à Lingostières pour y faire ses courses. Mais alors là, c'est l'aventure ! Il faut prendre la petite navette Envibus de Conségudes à Bouyon."

Il y a bien un système D de bus, mais alors là, c'est l'aventure !

René Trastour, maire de Conségudes

"Une fois à Bouyon, il faut prendre un autre bus qui va sur Nice et qui s'arrête à l'hypermarché. Le problème, c'est que ce bus s'arrête à tous les arrêts sur la route. Il passe même par l'intérieur de Carros. Le voyage est interminable. Au final, on arrive vers 11h pour faire les courses… et à 12h30, le bus repart !  En fait, je devrais offrir des patins à roulettes aux mamies. Elles iraient plus vite pour faire leurs courses !", s'amuse René Trastour.

Monsieur le maire a le sens de la dérision ! Et d'ajouter : "Et vous savez quoi ! Le bus, au retour, à 12h30, il est plein ! Il y a vraiment peu de place pour loger les courses d'une semaine. Et une fois à Bouyon... il faut ressortir les courses et les remettre dans la navette pour Conségudes !! Non vraiment, ce n'est pas pratique du tout ! Mes administrés ne sont plus tous jeunes. C'est difficile quand on est âgé ou fatigué ou handicapé et encore pire quand on cumule les trois ! Une dame de la commune a une prothèse à chaque genou. Vous imaginez que pour elle, c'est très compliqué".

Un maire... chauffeur !

Alors, c'est tout logiquement pour lui que René Trastour se transforme les vendredis matin en chauffeur ! "Cela fait des mois que tous les vendredis matin j'accompagne à Lingostières ceux qui n'ont pas ou plus de voiture, ou qui ne peuvent plus conduire, ou qui ne se sentent plus de conduire, car la route est très sinueuse".

Cela fait des mois que tous les vendredis matin j'accompagne à Lingostières, ceux qui n'ont pas ou plus de voiture.

René Trastour

"Ce sont souvent les mêmes personnes : des personnes âgées de 70 à 80 ans. Au dernier recensement, la commune compte 96 personnes à l'année et l'été un peu plus de 150. Ce n'est pas rien tout de même ! Oui il y a de l'entraide au village. Oui, il y a possibilité de covoiturage, mais ce n'est pas simple. Les actifs partent vers 6h30 et ne rentrent pas avant 19h. Un peu long pour faire des courses pour les retraités ! Certains remontent des courses, aussi, pour d'autres. Mais c'est difficile de toujours dépendre de quelqu'un. Là, ça commence à bien faire !" , s'insurge l'édile.

De la colère... au dépit

Interrogé sur son sentiment vis-à-vis de cette situation, le maire avoue tout d'abord " être en colère". Puis il se reprend :  "non, je suis dépité, car je sens que notre village est abandonné. Les gens du village ne cessent de m'interroger sur la question du bus. Ce que je comprends tout à fait. Comme eux comprennent bien aussi que je ne peux rien faire et que les instances supérieures ne veulent pas se mobiliser. Si c'était moi, il y a longtemps que ce serait fait".

Déjà sollicité pour un éventuel troisième mandat, René Trastour avoue qu'il n'a plus trop la foi. "Ça devient trop compliqué quand on est un petit village perdu dans la montagne. Pour tout ce qui est routes et transports, nous sommes les oubliés de la République".

De but en blanc, on enlève la ligne de bus. Ils vont faire mourir le village. C'était la seule commodité qu'on avait.

René Trastour, maire de Conségudes

Conségudes ou la mort annoncée d'un village ?

Il en a gros sur le cœur le maire de ce petit village du haut des Alpes-Maritimes. Et il n'a de cesse d'énumérer toutes les démarches qu'il fait pour sauver son village et qui n'aboutissent jamais : "j'ai parlé de ce dossier à Charles Ange Ginésy, le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes et président de la communauté de communes Alpes d'Azur, mais il m'a dit que ce n'était pas de son ressort, que c'était la Région. Je comprends bien, le Conseil départemental ne peut pas se substituer à la Région. Alors, j'ai contacté des conseillers régionaux, que je connaissais, mais rien. Aucune réaction. J'ai essayé de contacter Renaud Muselier, le président du Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d'Azur. Mais je n'ai jamais réussi à lui parler au téléphone. Sachant les dépenses royales qui se font parfois et qui sont bien moins importantes que la mort annoncée d'un village, comment vous dire… "

Et de conclure, d'un ton grave : "2026, c'est dans pas très longtemps. Si je m'arrête, qui va emmener les gens du village faire leurs courses ?"

Une bouteille à la mer

Le maire demande donc - par voie de presse, car il ne sait plus comment faire - à la Région PACA le rétablissement de cette ligne. Il demande également, à la communauté d'agglomération de Sophia-Antipolis, cette fois-ci, la création d'une nouvelle ligne entre Conségudes et Carros. 

Démunis, dépité, se sentant abandonné de tous, René Trastour garde néanmoins toujours un certain sens de l'humour :"si la Région nous remet le bus" conclut-il, "je vais jusqu'à Marseille, avec mon auto, pour faire la bise à Monsieur Muselier". Parole de montagnard !

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