Biot et les Templiers : le lien entre le Temple et la ville, une des plus importantes commanderies de Provence orientale au 13e siècle

De ce vendredi à dimanche, le festival Biot et les Templiers fait son retour dans les Alpes-Maritimes, neuf ans après sa dernière édition. L'occasion d'expliquer le lien entre la ville et ces chevaliers, auxquels les terres de Biot ont été données 1209.

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L'émotion se ressentait au bout du fil. Celle de Christine Pélissier, conseillère municipale de la ville de Biot déléguée à l'événementiel, aux expositions et aux traditions, mercredi dernier, lorsque l'acte de donation des terres de Biot (1209) est arrivé depuis Marseille et les Archives départementales des Bouches-du-Rhône.

Cette archive, accueillie par le maire LR de la commune, Jean-Pierre Dermit, au musée d'histoire et de céramique biotoises, acte véritablement le retour de la manifestation Biot et les templiers, dont la septième édition aura lieu de vendredi 31 mars à dimanche 2 avril, après neuf ans d'absence.

"Le sceau est merveilleux, c'est exceptionnel. C'est un parchemin, un original. L'histoire vous revient", réagit Christine Pélissier, une Biotoise, "qui a toujours été bercée par ce patrimoine historique. J'habite sur la place des Arcades, lieu-dit dans l'ancienne commanderie des templiers, mon grand-père y tenait le café de la poste. Le territoire actuel, on le doit à l'héritage des achats de nos templiers". Elle est à l'origine du premier Biot et les Templiers, en 2009.

Comment les Templiers, reconnaissables pour les chevaliers à leur tenue, une robe blanche à croix vermeille sur le cœur ou sur l’épaule, sont-ils arrivés à Biot au 13e siècle ?

"L'implantation en Provence est très ancienne, elle remonte aux origines de la
transformation de la communauté originelle de Jérusalem en un ordre en 1129, avec le concile de Troyes.
A un peu avant même. C'était le premier ordre religieux militaire de l'histoire,
explique Philippe Josserand, historien, maître de conférences habilité à Nantes Université. L'ordre est devenu une structure à part entière de l'Eglise et de la chrétienté. Ses frères portent les armes, ont recours à la violence sacrée devant la nécessité des croisades, car Jérusalem devait être défendue. On a l'idée d'organiser toujours plus ces groupes d'hommes, des religieux et des combattants à la fois."

Une approche globale : son implantation en Orient, ses ressources en Occident

Mais ces Templiers se heurtent à un problème : le manque d'argent. "Il leur faut des ressources qu'ils n'ont pas en Orient. Il y a également chez eux une quête de reconnaissance. Il leur faut des soutiens, des appuis, des donations pour structurer une puissance foncière et développer une économie qui puisse permettre de dégager des revenus pour investir dans la logistique (alimentation des hommes et des animaux) et la défense des possessions latines en Orient."

Le Temple possède une approche globale, selon Philippe Josserand. Son implantation militaire est en Orient, et la richesse en Occident. "Les frères se doivent d'être présents dans les grandes régions qui tiennent le trafic méditerranéen, les grandes villes méditerranéennes du nord de l'Italie, la Catalogne et la Provence. Les ports du Bas-Rhône, Arles ou Saint-Gilles, leur sont vitaux. Marseille, est un enjeu très fort et Toulon ou Hyères pouvaient constituer des relais, des points d'ancrage pour rassembler ce qu'on envoie en Orient." Un réseau de commanderie se constitue alors en Provence, riche à pleins d'égards : céréaliculture, oléiculture, vigne, élevage. "Toute cette économie doit permettre de dégager des revenus investis en Terre sainte."

C'est un port intéressant, un port de cabotage, moins usité pour du transit, mais un merveilleux relais entre Gênes et les ports de la Ligurie mais aussi ceux de Hyères, Toulon, Marseille

Philippe Josserand, historien spécialisé des Templiers

Et Biot, qui fait partie de la Provence orientale, dans tout ça ? "C'est une donation relativement tardive. Si vous la replacez sur la Provence de l'époque, on est à l'est, un peu en marge, pratiquement aux confins de la Ligurie. C'est un port intéressant, un port de cabotage, moins usité pour du transit méditerranéen, mais un merveilleux relais entre Gênes et les ports de la Riviera du Ponant et Hyères, Toulon ou Marseille... Biot est un relais dans ce maillage portuaire fort développé."

En mars 1209, le comte de Provence, Alphonse II, délivre à l’ordre du Temple un acte de donation. À la clé, une partie des terres biotoises, gérées par la commanderie de Grasse jusqu'en 1233. La commanderie de Biot se développe et le territoire s'agrandit, notamment de 1226 à 1260. "Le comte de Provence a créé une barrière militaire pour placer les templiers. Les templiers biotois étaient des éleveurs de chevaux avec un haras exceptionnel. Il reste des vestiges du temps, de l'ancien château dans les vieilles rues du village, des bouts de pierre ont été récupérés..." énumère Christine Pélissier.

Dans le village, certaines parties de la belle place des Arcades et quelques voûtes sur piliers, non visibles de l’extérieur, peuvent seules être contemporaines du Temple :

Une des plus importantes commanderies de Provence orientale

"Les Templiers vont refaire fructifier les terres, les cultiver, c'est ce qui va faire la richesse de Biot. Ils avaient leur propre marché, leur propre foire, explique Marc Dagand, président de l'association de la compagnie médiévale Les Blancs manteaux et pierre angulaire de Biot et les templiers. Le comte a donné les terres avec les personnes qui étaient dessus. Il n'y avait pas lieu d'avoir des grosses murailles à Biot, ils n'avaient rien à craindre. Les templiers vont vendre, faire des échanges, faire des cabotages à Marseille avant d'aller en Terre sainte." Biot devient ainsi l'une des plus importantes commanderies de Provence orientale. Les terres s’étendent de Villeneuve-Loubet jusqu’aux Clausonnes en passant par le golf de Biot.

Avant l'arrestation des Templiers, des chroniqueurs contemporains ont fait courir dans le peuple le bruit comme quoi, ils se sont enrichis, qu'ils sont orgueilleux...

Marc Dagand, président de l'association de la compagnie médiévale Les blancs manteaux

Ces Templiers commencent à être enviés. "Sur les terres du Temple, quand on faisait partie du Temple, on était protégés, justifie Marc Dagand. Les seigneurs voyaient la richesse du Temple, voyait cet ordre prendre des terres, agrandir son domaine... Ça a dû susciter des jalousies." 

Mais pour Philippe Josserand et Marc Dagand, pas question de parler d'une possible impopularité générale des Templiers. "Je n'y crois pas une seconde, argue le premier. Certains hommes du temps l’ont prétendu, surtout des clercs, mais sur des bases fausses, polémiques, assumées ensuite par la monarchie française, qui a pu justifier ainsi des arrestations. Attention à bien penser que le procès du Temple est assis sur du vide." Le second le rejoint : "Jamais personne ne fait l'unanimité, mais c'est facile de déstabiliser quelqu'un. Avant l'arrestation des Templiers, des chroniqueurs contemporains ont fait courir dans le peuple le bruit comme quoi ils se sont enrichis, qu'ils sont orgueilleux..." Rien que de très banal, finalement.

Les Templiers stoppés net en 1307

La chute des Templiers survient à partir de 1307, sous le pontificat de Clément V. Elle résulte "d'un coup de force du roi de France, Philippe le Bel, dans son bras de fer avec la papauté (Boniface VIII, pape entre 1295 et 1303). Il ne veut pas seulement être empereur en son royaume, il veut pratiquement être pape en son royaume, garant de ses sujets dans leur bien-être et leur salut dans l'au-delà. Il fait donc arrêter les templiers pour des raisons politiques et eschatologiques (qui concerne l'étude des fins dernières de l'homme et du monde), pas financières". Des arrestations surviennent dans l'ensemble du royaume de France. Le roi accuse les Templiers d'hérésie, obtient des aveux. 

Biot ne faisant pas partie de ce royaume, l'arrestation de ses Templiers n'arrive que trois mois plus tard sur ordre du comte de Provence, Charles II le Boiteux. Les chevaliers biotois sont emprisonnés à Perthuis (Vaucluse).

Le Concile de Vienne, convoqué par Clément V à la demande Philippe le Bel, aboutit à la suppression du Temple. Le roi aurait voulu qu'"un nouveau contrat social soit passé avec le peuple, une alliance nouvelle. L'alliance ancienne de la Bible était caduque, le Temple devait donc s'effacer", rappelle Philippe Josserand. Ces prétentions n’ont pu totalement aboutir, mais le Temple, sans être condamné, a été supprimé et les Hospitaliers ont récupéré ses biens. Nous sommes en 1312.

Le programme du weekend 

Pour cette 7e édition, des troupes venues de plus de 10 pays européens feront revivre l’Histoire. Sont annoncés des spectacles gratuits avec costumes, campements, armes et armures, combats et défilés solennels.

Le programme, les animations...

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