Ils sont connus de tous les parents désireux de soulager leurs enfants souffrants, et pourtant. Certains médicaments sont aux abonnés absents dans les pharmacies azuréennes. De quoi inquiéter certains professionnels de santé pour qui le système D a ses limites.
Si la saison hivernale est marquée par le redoux, les petits bouts de choux ne sont pas forcément épargnés par la toux, la grippe, les bronchites et autres bronchiolites. Ces maladies de saison sont généralement faciles à contrer, à grand renfort de paracétamol ou d'antibiotiques. Les ruptures de stock s'égrainent comme le nombre de ces malades en période hivernale. Et les pharmaciens de s'alarmer de cette situation qui, bien que temporaire, tend à se généraliser.
Alice Marty, de la pharmacie du musée, à Biot, ne peut que constater : "Depuis un gros mois, on a beaucoup de problèmes, pour obtenir, pour être livrés de médicaments, d’antibiotiques, notamment pour les enfants. Les sirops posent beaucoup de soucis. On a très régulièrement les médecins au téléphone pour voir quels antibiotiques ils peuvent prescrire, pour connaitre ceux qui sont disponibles chez nous, pour soigner au mieux les patients."
Les médicaments pour enfants sont au cœur de ces pénuries pour lesquelles les livraisons ne sont pas récurrentes, ou conformes aux commandes formulées par les pharmaciens.
"En antibiotiques pour enfants, je n’ai eu que deux boites. On n’arrive pas à soigner correctement les patients. Et l’hiver n’est pas terminé. On est au plus fort des pathologies et on n’est pas approvisionné comme il le faut"
Alice Marty, pharmacienne à Biot
Quant à la réalisation de préparations de médicaments, sur place, dans les pharmacies, elle ne se fait plus depuis des années. Depuis qu’Alice Marty a débuté son activité professionnelle, elle n’a jamais vu ce type de préparation s'effectuer dans les officines, car cela requiert des équipements et des certifications pourvues par l'ARS - l'agence régionale de santé. "On ne peut pas le faire nous directement à l’officine, on n’est pas équipé pour cela", explique-t-elle.
Médicaments qui font l'objet de difficultés d'approvisionnement
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Pénurie tournante
"On appelle beaucoup nos fournisseurs, on essaie de voir avec nos différents grossistes, car ils ne sont pas forcément approvisionnés en même temps. On essaie de voir comment on peut être livré, et en quelle quantité, car on est souvent livré au compte-goutte. On a peu de quantité au quotidien" explique Alice Marty.
Du côté du gouvernement, le ministre de la Santé François Braun n'a pas manqué de viser les industriels au micro de Thomas Sotto lors de la matinale de France 2, ce jeudi 5 janvier.
100% des officines touchées
Raphaël Gigliotti, pharmacien et secrétaire régional de l'Union Régionale des Professionnels de Santé, est également co-président du syndicat des pharmaciens des Alpes-Maritimes. Il constate que parmi ses collègues, tous sont touchés par ces pénuries tournantes et ponctuelles.
"Dans une officine comme la mienne, une cinquantaine de lignes est manquante (de références, NDLR). C'est un boulot de tous les jours pour appeler les fournisseurs, on dépense de l'énergie dans nos explications auprès des patients, des prescripteurs" détaille ce professionnel installé à Nice, contacté ce jeudi 5 janvier. "Il y a des pharmaciens à Nice qui n’ont plus de Doliprane sirop en ce moment" poursuit Raphaël Gilgiotti.
Cette pénurie est tournante. Hier, on était en pénurie d'amoxicilline, et avant-hier, de Doliprane en sirop. Ce sont 100% des officines qui sont touchées dans le département.
Raphaël Gigliotti, pharmacien et secrétaire régional de l'Union Régionale des Professionnels de Santé
"Les traitements antitussifs sont particulièrement sollicités par les patients en ce moment... et donc en rupture. J'avais plus de 250 bouteilles (de sirop anti-toux, NDLR) le mois dernier, ce matin j'avais 3 bouteilles restantes. Elles seront livrées deux par deux dans les prochains jours" s'étonne Raphaël Gigliotti.
Il regrette de ne pas pouvoir offrir de réponse pour certains patients, et "ça devient inquiétant pour nous". Seul moyen d'orienter ces personnes dans le département des Alpes-Maritimes, une base de données informatique à laquelle la moitié des pharmacies est reliée. Elle permet aux officines de faire remonter informatiquement leurs stocks chaque soir. Un outil indispensable en ces temps de pénuries, qui permet de "localiser" tel ou tel médicament facilement.
Une situation qui tend à empirer ?
Cette pénurie conjoncturelle est le résultat de difficultés d'approvisionnement pour les industriels du secteur qui souffrent de l'inflation et de matières premières produites en Chine ou en Inde qu'il est davantage difficile d'obtenir, car davantage demandées et difficiles à acheminer.
La France est également victime du bas coût de ces médicaments sur le territoire national. "Le vrai problème de tout ça, c’est le prix du médicament" révèle Raphaël Gigliotti. Dans certains pays européens, les prix de vente sont supérieurs à ceux pratiqués en France, et les industriels favorisent les marchés les plus offrants. "Le même médicament fait par le même façonnier peut être vendu plus cher qu'en France" rapporte le pharmacien niçois.
"C'est comme pour le numerus clausus des médecins, on en arrive aujourd’hui à une situation de pénurie aujourd'hui car on s'est dit il y a quelques décennies que s'il y avait moins de praticiens, cela coûterait moins cher à la Sécurité sociale".
On sait qu’il y a des saisonnalités pour nous, avec des épidémies. Si rien n’est fait, l’année prochaine ce sera pire.
Raphaël Gigliotti, pharmacien et secrétaire régional de l'Union Régionale des Professionnels de Santé
C'est surtout l'année prochaine qui inquiète ces professionnels de santé. Si cette crise d'approvisionnement perdure, les pénuries pourraient rapidement s'inscrire dans une réalité médicale que personne ne souhaite voir installée.