Au moins six clients de la banque à l'écureuil sont concernés par cette escroquerie. Ils semblent tous avoir quasiment le même profil : des hommes d'affaires proches de la retraite, avec des livrets d'épargne bien remplis.
À plus de 70 ans, le client de Maître Pierre-Alain Ravot est obligé de retourner travailler. Cet ancien notaire de Cannes (Alpes-Maritimes), qui ne peut plus occuper cette fonction, est désormais clerc de notaire pour gagner un peu d'argent et pouvoir payer ses frais. Avant, il avait plus de 250 000 euros sur un livret à la Caisse d'Épargne. Mais cet argent s'est volatilisé.
Depuis plus de cinq ans, il entretenait une relation de confiance avec sa banquière, directrice d'une agence Caisse d'Épargne à Antibes. Ils se tutoyaient, il n'avait pas besoin de lui faire des mails formels pour lui demander de faire un virement d'un compte à un autre et elle l'aidait à faire des montages financiers avec son épargne pour qu'il puisse acheter des biens immobiliers.
Un jour de janvier 2021, cet ancien notaire reçoit un appel de l'entreprise Le Paradis du Fruit. Au bout du téléphone, on lui demande d'expliquer un virement de 120.000 euros qu'il aurait fait à cette entreprise qui s'apprête à recevoir un contrôle fiscal. Confus, le notaire honoraire regarde de plus près les mouvements sur son livret et constate qu'il y a eu plusieurs virements suspects.
Il faisait "une grande confiance" à sa banquière
Lorsqu'il a pu consulter l'ensemble des relevés, il a remarqué que l'argent était versé sur des comptes de sociétés appartenant à sa banquière ou à des membres de sa famille. Par exemple, Le Paradis du Fruit en question appartenait à son mari de l'époque. Il demande alors des comptes à la Caisse d'Épargne qui lui répond que la directrice de la banque a été licenciée suite à une enquête interne.
Maître Tanguy Cara défend un client qui a un profil assez similaire. C'est un "entrepreneur proche de la retraite", décrit son avocat. Son préjudice est moins important que celui du notaire cannois : il a perdu 18.000 euros. Lui aussi faisait "une grande confiance" à sa banquière. Il était client dans cette banque depuis les années 1990 et connaissait cette femme depuis environ cinq ans.
L'homme a constaté trois virements suspects. Un premier de 1.200 euros puis deux de 8.500 euros à sept jours d'intervalle. Là encore, les virements allaient vers un compte appartenant à "cette dame ou sa famille", explique Maître Cara.
Aucun remboursement pour l'instant
Pour le moment, aucun client n'a été remboursé par la Caisse d'Épargne. "Ils se réfugient derrière le secret bancaire", fustige cet avocat. Par ailleurs, la banquière avait demandé aux clients de signer a posteriori des autorisations de virements, en prévision d'un contrôle de sa hiérarchie.
"Il n'y avait pas écrit vers qui ces virements allaient, simplement les numéros de compte", explique Maître Pierre-Alain Ravot. L'avocat de la prévenue, Maître Michel Cardix, pointe du doigt ce comportement étrange : "Quand on ne sait pas, on se renseigne", nous dit-il au téléphone.
Pour lui, il y a "d'épaisses zones d'ombre" dans cette affaire "qui devraient être dissipées par l'expertise ordonnées par le tribunal" le 18 novembre dernier. Il rappelle que sa cliente conteste tous les faits qui lui sont reprochés.
"Elle a exécuté les ordres de virement demandés par ses clients". Ses clients auraient donc demandé à leur banquière de virer de l'argent vers des comptes à elle et sa famille ? "On peut supposer que ça se soit passé comme ça oui", répond-il.
"Grâce à ce rapport, nous serons vraiment fixés sur l'ampleur du préjudice", explique Tanguy Cara. "Il y a peut-être des clients qui ignorent leur qualité de victime."
L'affaire, révélée par Var-Matin, a été renvoyée au 12 mai 2023 au tribunal correctionnel de Nice.