Dans une sélection officielle jugée inégale, c'est le film français de Jacques Audiard qui remporte la Palme d'Or. Avec trois prix, les Français sont les grands vainqueurs de cette 68ème édition.
Une Palme inattendue
La Palme d'or de "Dheepan" de Jacques Audiard a créé la surprise. Si le Français avait été plusieurs fois récompensé à Cannes, personne n'attendaitce film sur le parcours en France de réfugiés sri-lankais sur la plus haute marche du podium. Beaucoup considéraient qu'il ne s'agissait pas forcément d'un grand Audiard.
"Carol" de l'Américain Todd Haynes, film préféré des critiques internationaux, romance entre deux femmes dans les années 50, a été seulement récompensé par un prix d'interprétation féminine pour Rooney Mara. Quant à "Mia Madre" de Nanni Moretti, favori de la critique française, il n'a rien obtenu.
"Le fils de Saul" du Hongrois Laszlo Nemes (Grand Prix), "The Lobster" du Grec Yorgos Lanthimos (Prix du Jury), et "The Assassin" du Taïwanais Hou Hsiao-hsien (Prix de la Mise en scène) étaient également cités comme "palmables", mais ont finalement obtenu d'autres prix.
Le triomphe des Français
La France s'est contre toute attente taillé la part du lion, en remportant troisprix majeurs, alors que ses cinq films en compétition avaient globalement déçu. Outre la Palme d'Or, les Français ont raflé le prix d'interprétation masculine, remporté par Vincent Lindon pour son rôle de chômeur humilié dans "La loi du marché" de Stéphane Brizé. Ils ont aussi reçu le prix d'interprétation féminine, attribué à Emmanuelle Bercot pour son rôle de femme amoureuse dans "Mon roi" de Maïwenn.Une sélection critiquée
Les 19 films en compétition ont été régulièrement critiqués par la presse. Pour l'hebdomadaire L'Express, seuls "six films resteront": ceux de Moretti, Audiard, Sorrentino, Brizé, Kurzel, et Nemes. "Restent les 13 autres. Pour la plupart des exercices de style un peu froids", estime le journal.La sélection est "décevante" pour Le Journal du Dimanche, qui la juge "inégale, artificielle". Même réserves pour le quotidien Libération qui se demande pourquoi un cinéaste comme Apichatpong Weerasethakul (palme d’or en 2010) a été sélectionné dans la catégorie Un certain regard plutôt que pour la compétition officielle.
Plus nuancé, le Financial Times dit avoir été "tour à tour ébloui et déçu". Au contraire, pour le Guardian britannique, "ce fut une année exceptionnelle". Une majorité de la presse française a salué la qualité des films de la Quinzaine des Réalisateurs, section parallèle du festival, avec notamment "Trois souvenirs de ma jeunesse" d'Arnaud Desplechin, "Mustang" de la Turque Deniz Gamze Ergüven, "Fatima" du Français Philippe Faucon et "El Abrazo de la serpiente" du ColombienCiro Guerra. Pour une partie de la presse, certains auraient pu figurer dans la compétition officielle.
Trop "bling-bling"?
Les marques prennent-elles de plus en plus de place dans le festival, au détriment du cinéma? Cannes est jugé "bling-bling" par huit Français sur dixet ne fait plus rêver, selon un sondage Odoxa pour le quotidien Le Parisien/Aujourd'hui publié dimanche. Une très forte majorité l'estime inaccessible (78%) et élitiste (73%). Cet événement, le plus couvert par la presse après les jeux Olympiques, ne fait pas rêver (76%).
La présentation par le président du festival Pierre Lescure du nouveau sponsor - le groupe de luxe Kering (ex-PPR, marques Gucci, Yves Saint Laurent, Balenciaga, dirigé par François-Henri Pinault, époux de l'actrice Salma Hayek) - a étonné lors de la conférence de presse d'annonce de la sélection. D'autant qu'il a été longuement présenté avant même la liste des films en compétition. Entre autres marques, Kering a été présent quotidiennement sur la Croisette, avec des débats sur la place des femmes dans le cinéma.
La déroute transalpine
Si la France a presque fait carton plein, l'Italie est repartie bredouille. Pour la première fois depuis vingt ans, l'Italie arrivait avec trois films en lice - "Mia Madre", de Nanni Moretti, "Le Conte des Contes", de Matteo Garrone et "Youth" de Paolo Sorrentino. Deux, le Moretti et le Sorrentino, étaient plébiscitéspar une partie de la critique. L'explication, laconique, est venue d'Ethan Cohen, coprésident du jury avec son frère Joel. "Nous n'avions pas de prix pour tout le monde".
Pour en savoir plus
Le journal du Dimanche : Le Festival de Cannes a-t-il encore une âme?