A la veille de la dernière journée du Festival de Cannes, une question est sur toutes les lèvres : qui sera la Palme d'or ? Pour les critiques de cinéma, ce sera un film politique, comme "Haut et fort" du franco-marocain Nabil Ayouch, projeté le 15 juillet.
Quinze minutes d'ovation. Haut et fort, du réalisateur franco-marocain Nabil Ayouch, a provoqué la surprise au Festival du Cannes lors de sa projection, jeudi 15 juillet. Engagé, enthousiasmant, vibrant, dynamique, le long-métrage est une plongée dans une jeunesse marocaine bercée par le hip-hop et le rap.
C'est aussi un message puissant qu'il délivre à la jeunesse des banlieues marocaines. Entre documentaire et fiction, Haut et fort "est un film musical mais également un film social et politique", explique Nabil Ayouch après la projection. Il érige la musique comme remède contre les maux, arme de revendication sociale, alternative à la violence. Pour certains, Haut et fort s'impose comme un sérieux candidat à la Palme d'or.
Et si #HautEtFort était la surprise de ce #FestivaldeCannes2021, sous la présidence de Spike Lee ? Le réalisateur franco-marocain Nabil Ayouch veut croire en sa bonne étoile : "Pour moi c’est une bonne nouvelle qu’il soit président du jury, c’est quelqu’un que j’admire beaucoup" pic.twitter.com/83zGPvuOGz
— Anthony Jammot (@AnthonyJammot) July 16, 2021
A la veille de la cérémonie de clôture du Festival de Cannes et de la remise des récompenses, France 3 Côte d'Azur a glané les pronostics de journalistes culture et de festivaliers pour y voir plus clair sur les prétendants à la Palme d'or. Il faut néanmoins rester prudent : "Souvent, les critiques sont en désaccord avec le palmarès", rappelle Jacky Bornet, journaliste à franceinfo culture.
La Palme sera politique
"Spike Lee a des opinions très tranchées. Il est fan d'un cinéma politique, qui rentre dedans. Et tant pis si la forme ne suit pas trop", note Samuel Douhaire, chef du service écran à Télérama. Pour le journaliste, ce sont les films les plus engagés de cette compétition qui séduiront le jury.
Haut et fort, donc, a toutes ses chances. "Le jury va sûrement craquer dessus", confirme Jacky Bornet, "même si, cinématographiquement, c’est très pauvre. C'est un faux documentaire". "Il est un peu bancal et très démonstratif", glisse Samuel Douhaire.
Le journaliste de Télérama pense que Lingui, les liens sacrés, autre film au message fort, pourrait trouver grâce aux yeux de Spike Lee. Le réalisateur tchadien Mahamat-Saleh Haroun y dénonce l'excision et milite pour l'avortement, condamné par la loi et la religion au Tchad. Mais, une fois encore, Jacky Bornet et Samuel Douhaire ne sont pas convaincus. "C'est un film très beau et bien filmé", explique le journaliste de franceinfo, "mais il y a un problème d'interprétation". Samuel Douhaire ajoute : "C'est lourd, maladroit. C'est le film de Mahamat-Saleh Haroun le moins réussi".
"Si le jury fait un palmarès cohérent et politique, il primera La fièvre de Petrov", dont le réalisateur Kirill Serebrennikov est assigné à résidence à Moscou, en Russie, depuis 2017. "Ce serait affirmer un soutien à un créateur empêché", qui subit une pression de la part des autorités russes, ajoute le journaliste de Télérama.
Si le jury "n'ose pas prendre des décisions trop fortes", il peut se tourner vers Un héros de l'iranien Asghar Farhadi, "plus consensuel". Film qui a beaucoup plu à Samuel Douhaire. "C'est un très beau film, émouvant, qui a apparemment été très apprécié par Spike Lee. Il y a un peu de dénonciation sociale, mais c'est très malin. Asghar Farhadi joue avec la censure, il y a donc plein de sous-entendus".
Et pourquoi pas un film français ? C'est d'ailleurs le film de Catherine Corsini qui a le plus marqué Jacky Bornet. La Fracture est un film choral autour des "gilets jaunes" et du personnel soignant. Il "reflète très bien la crise sociale française. Mais, à mon avis, il ne remportera pas la Palme". Il finit par s'interroger : "Et pourquoi pas, finalement ?". S'il traite d'une crise "franco-française", il comporte après tout un "message social universel", qui pourrait séduire le jury, note Jacky Bornet.
Vos pronostics
Oublions un instant le jury. Quelle serait votre Palme d'or idéale ? "Moi, c'est Titane que j'aime beaucoup", s'enthousiasme Jack Bronet. Deuxième long-métrage de la Française Julia Ducournau (qui a réalisé Grave en 2016 sur une famille de cannibales), Titane mêle le fantastique au gore, humour et émotion. "C'est tellement barré, innovant, respectueux des maîtres tout en allant au-delà des références".
Pour Samuel Douhaire, Drive my car mérite la Palme. "C'est un grand film romanesque très intelligent, émouvant, bien écrit, surprenant". Encore peu connu en France, le Japonais Ryusuke Hamaguchi réalise des films "expérimentaux, mais de plus en plus accessibles, tout en restant ambitieux".
Annette, France, The story of my wife... Sur la Croisette, les avis et les préférences divergent tout autant. Aucune tendance ne semble se dessiner.
Le palmarès final (et officiel !) sera révélé par le jury lors de la Cérémonie du palmarès, qui commence à 19h45 ce samedi 17 juillet. L'annonce sera suivie par la projection de OSS 117, Alerte rouge en Afrique noire de Nicolas Bedos.